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1856-1858]

L'AUTRICHE ET LE PIÉMONT.

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provocante, du gouvernement sarde, où le comte de Cavour s'est fait accompagner de tout l'orchestre révolutionnaire de la représentation du pays, et a évoqué à satiété l'ombre de Charles-Albert, pour donner du relief à la fortification d'Alexandrie [après cette démonstration], un représentant de l'Autriche ne peut plus rester avec honneur en pareille société : la légation autrichienne à Turin effectue probablement son départ dans ce moment même. »>

Dès le 10 du mois précédent, M. de Buol s'était plaint à M. de Paar, le chargé d'affaires d'Autriche à Turin, des attaques inouïes de la presse piémontaise contre son souverain : « L'Empereur, disait le ministre, doit à sa propre dignité de ne pas laisser ignorer au gouvernement sarde le ressentiment que lui ont causé de tels procédés. Ce sera à M. le comte de Cavour de nous indiquer quels moyens il compte employer pour effacer ces impressions pénibles, et quelles sont les garanties qu'il peut offrir contre la prolongation indéfinie d'un pareil état de choses. L'Autriche se réserve de régler en conséquence sa future conduite. >>

A cette note M. de Cavour répondit par une dépêche au comte Cantono de Ceva, chargé d'affaires du Piémont à Vienne. Le ministre y blåmait énergiquement les attaques de la presse sarde contre l'empereur d'Autriche; mais, rappelant que la liberté de discussion forme l'une des bases du régime politique en vigueur dans la Sardaigne, il s'étonnait que le cabinet autrichien, ayant résolu de mettre fin à des excès que lui, comte de Cavour, condamnait ouvertement, n'eût

point employé les moyens de répression que lui fournissait la législation piémontaise.

M. de Buol répliqua, et sa dépêche se terminait ainsi : « Il n'est pas de la dignité de l'Empereur de laisser son agent diplomatique à Turin exposé à être chaque jour le témoin oculaire de démonstrations qui tendent à rompre la foi des traités et à faire naître de nouvelles complications. Conséquemment, il est enjoint au comte de Paar de quitter Turin et de venir rendre compte, en personne, des explications des explications qu'aurait pu lui fournir ultérieurement M. le comte de Cavour. >>

Après cette communication, M. de Paar demanda et obtint ses passeports.

Le marquis Cantono, de son côté, reçut l'ordre de quitter Vienne. Dans une note adressée à ses agents, M. de Cavour s'empressa de constater que l'initiative de la rupture appartenait au cabinet autrichien.

Ce regrettable incident diplomatique mit fin, dans le royaume Lombard-Vénitien, aux espérances qu'y avaient fait naître les derniers actes du jeune empereur et ceux de son frère l'archiduc Maximilien.

XIV

Pendant ce temps, la question italienne ne cessait de faire des progrès. La visite du comte de Cavour à Plombières où l'avait appelé, disait-on, l'empereur des Français, fut diversement interprétée. Nul ne fut informé de ce qui s'y était dit ou préparé. Le voyage que, peu de jours plus tard, le président du cabinet sarde faisait à Bade où se trouvait le prince de Prusse,

1856-1858)

POLITIQUE DE M. DE CAVOUR.

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permit seulement de conjecturer qu'on y avait débattu les mêmes questions qu'à Plombières. Dès ce temps là, les hommes d'État d'Italie se tournaient du côté de Berlin.

Cependant, la thèse soutenue par M. de Cavour, au congrès de 1856, était développée, dans la plupart des journaux de Paris, avec une incroyable ardeur et un ensemble dont il n'y a peut-être pas d'exemple dans l'histoire. L'Autriche, qui jusqu'alors était restée en bons rapports avec la France, se plaignit des vives attaques dont elle était l'objet. Une note à ce sujet parut au Moniteur. On y dégageait, autant que possible, la responsabilité du gouvernement. Mais les faits étaient là, et ils furent habilement commentés par la presse italienne, intéressée à

soutenir la connivence de la France. « Ne l'oubliez pas, disait-elle aux hésitants qu'il fallait encourager, le gouvernement français s'est réservé le droit d'avertir officieusement ou officiellement les journaux et même de les suspendre, par simple mesure administrative. Or n'est-il pas certain que, si ces feuilles attaquent l'Autriche, c'est avec l'assentiment tacite du cabinet des Tuileries? >>

Il n'en fallait pas davantage pour mettre le feu aux quatre coins de l'Italie.

La guerre! la guerre! tel était le cri général de l'autre côté des Alpes. L'armée française était annoncée, attendue.

L'Autriche dut faire marcher de nouvelles troupes vers la Lombardie.

Les paroles adressées par Napoléon III à M. de

Hubner, à la réception du 1er janvier 1859, mirent le comble à l'enthousiasme populaire en Italie. Puis vint, le 10 janvier suivant, le discours de Victor-Emmanuel, à l'ouverture des chambres; discours où se trouvent ces paroles: « L'horizon au milieu duquel se lève la nouvelle année n'est pas complétement sẹrein. Néanmoins, vous vous consacrerez, avec l'empressement accoutumé, à vos travaux parlementaires. Forts de l'expérience du passé, marchons résolument au-devant des événements de l'avenir.... Notre pays, petit par le territoire, a grandi dans les conseils de l'Europe, parce qu'il est grand par les idées qu'il représente, et par les sympathies qu'il inspire!

Peu de jours après, la Gazette piémontaise, journal officiel du royaume, publiait la note suivante :

« La Gazette officielle de Vienne annonce l'envoi en Italie de renforts de troupes (30,000-hommes). En conséquence, le gouvernement du roi a jugé opportun de faire approcher les troupes des garnisons lointaines, sans appeler les contingents. »

Le même jour, coïncidence remarquable, le Moniteur annonçait le départ du prince Napoléon pour Turin, et, le 23, le général Niel demandait solennellement la main de la princesse Clotilde pour le cousin de l'empereur.

A l'occasion de ce mariage, le cabinet des Tuileries crut devoir déclarer qu'il n'avait signé avec le Piémont qu'un simple traité où la France s'engageait à défendre la Sardaigne contre toute agression de l'Autriche. Mais les moins avisés comprirent que le Piémont persistant dans son attitude, c'est-à-dire con

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LE SAINT-SIÉGE.

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tinuant d'appeler à lui les réfugiés de tous les États d'Italie, l'Autriche ne supporterait pas qu'à ses portes de telles machinations s'organisassent contre elle. › Le traité de Turin, personne n'en doutait en France et en Italie, ce traité, par la force des choses, devait amener la guerre.

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XV

On a vu, dans un précédent chapitre, que le SaintSiége, par d'habiles conventions, avait étendu son autorité spirituelle chez diverses nations. En Italie, le chef de l'Église était loin d'exercer la même influence. Le Piémont lui suscitait incessamment des embarras : la célèbre note lue au congrès de Paris par M. de Cavour, sur l'administration romaine donne la mesure des préventions intéressées que ce ministre propageait contre le pouvoir temporel du pape.

Un autre État italien, Naples, jaloux de son indépendance, refusait obstinément de conclure aucun arrangement avec Rome autrement que par décret révocable.

Mêmes résistances de la part du grand-duc de Tos

cane.

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Le Saint-Père eut plus de consolation du côté de l'Espagne. Le maréchal Narvaez, en reprenant le pouvoir, suspendit tous les effets de la loi relative à la vente des biens du clergé, et rendit aux évêques la collation des ordres sacrés que les précédents ministères avaient voulu assujettir à des règlements.

Grâce au concordat de 1851, des relations diplo

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