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1856-1858)

MORT DE WALKER.

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traité, les îles de la Baie; les insulaires étaient profondément irrités de cette mesure. Walker trouvait là, naturellement, un moyen de se rattacher à un parti de mécontents, dans le Honduras. Avec une centaine de compagnons il s'embarqua sur une goëlette; mais il avait agi trop précipitamment le traité de cession n'était pas encore signé; les îles de la Baie étaient encore une possession anglaise. Cependant, Walker ne pouvait plus reculer. Dans les premiers jours d'août 1860, il débarquait à Trujillo, petit port du Honduras, et s'en rendait maître. Là, dans une proclamation, il se déclarait appelé par l'un des partis de l'intérieur, celui du général Cabanas. L'émotion fut grande nonseulement dans le Honduras, mais dans toute l'Amérique centrale. On voulait repousser le flibustier trop connu déjà par ses précédentes expéditions. Le Guatimala s'apprêtait à intervenir et le général Gardiola, président de la république hondurienne, envoyait 500 hommes à Trujillo. Une intervention bien autrement redoutable allait décider de la fortune de Walker. Un bâtiment anglais, l'Icarus, arrivait devant Trujillo et sommait l'aventurier de remettre au capitaine des sommes considérables appartenant à des citoyens britanniques et gardées dans les caisses de la ville. Elles devaient être livrées dans les 24 heures. Ce dépôt, à vrai dire, n'avait jamais existé; mais Walker se trouvait réduit à s'enfuir ou à lutter contre les forces anglaises. En même temps les troupes honduriennes le harcelaient, et les habitants de Trujillo se soulevaient eux-mêmes contre lui. Il suivait le bord de la mer, comptant sur l'arrivée d'un navire qu'il attendait des

États-Unis. Cétait une suite d'aventures où son courage ne l'abandonnait pas, mais où les ressources de ses bandes diminuaient chaque jour. Il en fut réduit à se défendre dans une hutte abandonnée. Pourtant, la goëlette tant désirée était en vue : elle se rapprochait de la côte; mais chacun de ses mouvements était surveillé par l'Icarus. En outre, un petit navire hondurien venait prêter son appui au bâtiment anglais; la situation du flibustier était désespérée : un canot débarqua un officier et quelques soldats qui lui intimèrent l'ordre de se rendre. Walker ayant demandé au nom de qui cette sommation lui était faite, l'officier répondit: « au nom du capitaine de l'Icarus. » Capituler en de telles conditions, c'était se déclarer le vaincu de l'Angleterre, et se placer, par là même, sous sa protection. Walker se rendit le 3 septembre 1860. Bien qu'il eût stipulé qu'il entendait se confier au représentant de Sa Majesté britannique, le capitaine de l'Icarus le livra aux autorités honduriennes. On l'envoya à Trujillo où il fut jugé, pour la forme, et condamné à être fusillé. La sentence reçut son exécution le 12 septembre. Walker mourut intrépidement. Il s'avança, tenant son cha、 peau d'une main et de l'autre un crucifix qu'il contemplait pieusement. Arrivé au lieu du supplice, on le fit asseoir sur un tabouret. Une dernière fois il pria le prêtre qui l'accompagnait de demander pardon à ceux qu'il avait offensés. Un peloton de dix soldats fit feu sur le flibustier et il tomba roide mort.

1856-1858] RÉPUBLIQUES HISPANO-AMÉRICAINES.

XXXIV

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Tandis que l'Amérique du Nord, avec toute l'énergie originelle qu'elle tient de la race anglo-saxonne, résiste aux crises qui si souvent semblent menacer son existence, au Sud les républiques issues de la race hispano-américaine sont dans une perpétuelle anarchie, et, à moins d'une intervention inespérée, elles paraissent destinées à une ruine irrémédiable.

Cette triste situation, qui se manifestait au Mexique plus que partout ailleurs, provoquait ces paroles du président Buchanan : « Ce pays pourrait être une république riche, prospère et florissante il possède un vaste territoire, un sol fertile, une importante position entre les deux océans pour des routes de transit; mais il marche vers sa ruine, sans qu'il soit fait aucun effort pour le délivrer et le sauver. »'

Peu de temps après la révolution démocratique où succomba la dictature de Santa-Anna, Ignacio Comonfort avait été investi du pouvoir suprême; mais son titre de président était purement nominal. Le général Alvarez, le promoteur du mouvement qui avait renversé Santa-Anna exerçait le pouvoir réel dans la république : les Mexicains appelaient Comonfort un président substitué. A côté de ce dernier existait un pouvoir constituant, qui vivait avec lui en mauvaise intelligence. D'ailleurs rien de pratique dans l'esprit de cette assemblée. Elle discutait, à perte de vue, sur les droits de l'homme, sur la liberté du travail, l'indissolubilité du mariage, etc. Les membres ne tenaient

aucun compte des anciennes conventions diplomatiques conclues avec l'Espagne et ils couronnaient leurs imprudences en portant la main sur les vieilles institutions religieuses du pays.

Ce parti de puros (rouges) poursuivait, dans une œuvre fantastique, des abus imaginaires. Le congrès, dirigé par les radicaux, parlait de s'ériger en Convention nationale : de là, une lutte incessante entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

Comonfort voulut brusquer la situation par un coup d'État et s'emparer de la dictature. Cette tentative, menée avec indécision, lui devint fatale; il fut renversé, et le général Zuloaga reçut le titre de président intérimaire, tandis qu'un autre général, le jeune Miramon, prenait celui de président substitué.

Restait un troisième personnage dont l'attitude allait compliquer l'ensemble des affaires : c'était le vice-président de Comonfort, l'indien Benito-Juarez, qui représentait le parti démocratique.

Les choses en vinrent à ce point de complication, qu'on vit le président substitué, Miramon, entraînant de force avec lui le président intérimaire Zuloaga, poursuivre la guerre contre les bandes constitutionnelles de Juarez ! Zuloaga, moitié par contrainte, moitié par gré, céda enfin son apparente autorité à Miramon. Mais la paix n'était pas pour cela rétablie.

Au commencement de 1860, le Mexique avait deux gouvernements bien distincts, l'un, conservateur avec Miramon, dominait à Mexico; l'autre, démocratique avec Juarez, était installé à la Vera-Cruz.

Miramon, doué d'une énergie étonnante chez un

1856-1858]

GUERRE CIVILE AU MEXIQUE.

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homme de vingt-six ans, tenait la révolution en échec et assurait l'ordre dans les provinces soumises à son autorité; Juarez, grâce aux ressources pécuniaires que lui procurait le revenu des douanes, possédait une force plus stable, qui lui attirait des alliés. Bien qu'il n'eût autour de lui aucun des agents diplomatiques européens, il avait eu la bonne fortune de se faire reconnaître par les États-Unis. Cette faveur, il est vrai, coûtait cher à son pays Juarez avait dû signer un traité qui donnait à l'Union un droit. d'intervention dans les affaires mexicaines. Aux yeux des patriotes, cette convention était un acte de trahison: ils y voyaient le pacte du futur démembrement de la république mexicaine. Miramon protesta dans une proclamation éloquente : << Placé par la Providence à la tête de la nation, disait-il, je suis profondément pénétré de la responsabilité qui pèse sur moi dans une crise aussi grave il s'agit de sauver le pays; ni mon âge ni mes connaissances ne m'appellent à remplir une tâche aussi ardue; mais, dans la position que j'occupe à la tête du gouvernement et de l'armée, il serait de mon devoir d'accomplir cette tâche, si la guerre, prenant un autre caractère, venait à créer des difficultés nouvelles. Dieu m'a donné la victoire dans une lutte intestine; j'espère qu'il me la donnera dans une guerre plus juste, plus noble, plus sainte, entreprise pour l'indépendance de ma patrie, pour la défense de sa religion et l'intégrité de son territoire. »

Cependant, les deux gouvernements, toujours en présence, se combattaient avec acharnement : les pri

HIST. CONTEMP. T. VIII.

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