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la place du Palais-Royal, et portée en convoi en cette église : par permission de monseigneur l'archevêque, a été portée en carrosse en l'église de Saint-Paul. » Signé Cardé, exécuteur testamentaire, et de Voulges.

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Le 17 février 1672, demoiselle Magdelaine Béjart est décédée paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois, de laquelle le corps a été apporté à l'église Saint-Paul, et ensuite inhumé sous les charniers de ladite église, le 19 dudit mois. » Signé Béjard -l'Éguisé ; J.-B.-P. Molière. ·

Nous avons rapporté ces actes parce qu'ils sont la meilleure réponse aux écrivains qui, prenant le parti du clergé contre Molière, ont prétendu que les canons, alors observés par l'Église, s'opposaient à ce que les restes des comédiens obtinssent les cérémonies funèbres. La présentation du corps de Madelaine Béjart à deux paroisses prouve que ce n'était pas le comédien, mais l'auteur du Tartuffe que Harlay de Champvalon et sa secte poursuivaient même au tombeau.

(20) L'auteur de la Fameuse comédienne a dit que Molière avait été pris d'un vomissement de sang sur la scène, ce qui effraya beaucoup les spectateurs, et qu'on l'emporta chez lui aussitôt. Quelques biographes de Molière l'ont répété d'après cette autorité : le fait est entièrement faux. La Grange, dont le témoignage ne saurait être récusé ici, puisqu'il remplissait à cette même représentation le rôle de Cléante, dit seulement dans sa Préface de l'édition des OEuvres de Molière de 1682 : « Il fut si fort travaillé de sa fluxion, qu'il eut de la peine à jouer son rôle; il ne l'acheva qu'en souffrant beaucoup; et le public connut aisément qu'il n'était rien moins que ce qu'il avait voulu jouer en effet, la comédie étant faite, il se retira promptement chez lui, etc... »

Voici la mention qu'il fit de cet événement sur le registre de la comédie qu'il était chargé de tenir : « Ce même jour (vendredi 17 février 1673), après la comédie, sur les dix heures du soir, M. de Molière mourut dans sa maison rue de Richelieu, ayant joué le rôle du Malade imaginaire, fort incommodé d'un rhume et d'une fluxion sur la poitrine qui lui causait une grande toux; de sorte

que dans les grands efforts qu'il fit pour cracher, il se rompit une veine dans le corps, et ne vécut pas demi-heure ou trois, quarts d'heure depuis ladite veine rompue; et son corps est enterré à Saint-Joseph, aide de la paroisse Saint-Eustache.

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« Dans le désordre où la troupe se trouva après cette perte irréparable, le Roi eut dessein de joindre les acteurs qui la composaient aux comédiens de l'hôtel de Bourgogne. Cependant, après avoir été, le dimanche 19 et le mardi 21, sans jouer, en attendant les ordres du Roi, on recommença le vendredi 24 février, etc. (Discours sur la comédie et Vie de Molière par M. Auger, page138, note.) On lit dans un ouvrage anglais, imprimé à Londres en 1698, ayant pour titre: A Journey to Paris in the year 1698, by Dr MARTIN LISTER, que Molière s'étant avancé sur le bord de la scène, dit au public: Messieurs, j'ai joué LE MALADE IMAGINAIRE, mais je suis véritablement fort malade. L'auteur ajoute: « Cette anecdote relative à Molière ne se trouve pas dans sa vie par Perrault, mais elle est vraie » (page 172). Malgré le ton d'assurance du docteur Lister, nous n'ajoutons aucune foi à ce conte qu'il n'appuie d'aucune preuve, et qui se trouve d'ailleurs comme démenti par le silence de La Grange.

LIVRE QUATRIÈME.

(1) Nous avons pensé que l'on serait curieux d'avoir des détails sur la vie d'un prélat qui crut devoir refuser les honneurs religieux aux restes d'un homme de bien. En voici quelques-uns que nous avons puisés à des sources authentiques:

HARLAY DE CHAMPVALON (François de), dit l'auteur de l'Histoire de Paris (première édition, tome V, page 39), était fameux par ses galanteries, ou plutôt par ses débauches. Il eut plusieurs maîtresses en titre, parmi lesquelles figurait au premier rang la dame de Bretonvilliers, qui poussait la complaisance jusqu'à lui fournir des doublures dans le rôle qu'elle jouait près de sa grandeur. Voici ce qu'on lit dans une lettre du 12 juillet 1675, de madame de Scudéri (Supplément aux Mémoires et Lettres du comte Bussy-Babutin, deuxième partie, page 190): « Cela est assez étrange qu'on n'ait pu souffrir le scandale du..... et de madame de....., et que l'on souffre celui de M. (l'archevêque) de Paris et de madame de Bretonvilliers: car, quoique le mari de celle-ci soit plus docile que celui de l'autre, il est toujours contre la bienséance à un évêque d'être toujours avec une jolie femme. » Une lettre du 27 février 1680, du même recueil, nous fournit l'anecdote suivante: « Madame de Breton. villiers s'avisa, il y a quelque temps, pour mieux régaler M. l'archevêque de Paris, de lui faire venir la petite Varennes. L'archevêque la trouva plus jolie que la cathédrale (nom plaisant donné par le public à madame de Bretonvilliers), de sorte qu'il l'a mise de toutes les parties de Conflans. Pierre Pont, lieutenant des gardesdu-corps, amant de la petite Varennes, et jaloux du prélat, s'appliqua à découvrir jusqu'où il en était avec sa maitresse; et, comme le curieux impertinent, il la trouva une nuit à une heure indue, sortant dans le carrosse de son rival: il se mit dedans avec elle, lui chanta pouille, et le dit partout. Cela d'abord a fait grand

bruit contre l'archevêque; mais enfin celui-ci a fait entendre au Roi que Pierre Pont était janséniste; car vous savez bien que les rivaux des Pères de l'église ne sont pas de la vraie religion; et sur cela il a été envoyé en son gouvernement. » Ce prélat eut plusieurs autres maîtresses, notamment la marquise de Gourville, sœur du maréchal de Tourville; les chansonniers s'égayèrent sur ses galanteries. On peut citer ce couplet:

Sire, dedans votre ville,

On parle d'un grand malheur :

La sacrilège de Gourville

A gáté notre pasteur;

La donzelle n'est pas saine,
Le prélat en a, etc.

(Histoire de Paris, première édition, tome V, page 41.) Il allait, dit-on, recevoir le chapeau de cardinal, quand il mourut presque subitement, d'une attaque d'apoplexie. « Il s'agit maintenant, dit madame de Sévigné (lettre du 12 août 1695), de trouver quelqu'un qui se charge de l'oraison funèbre du mort; on prétend qu'il n'y a que deux petites bagatelles qui rendent cet ouvrage difficile, c'est la vie et la mort. » Mascaron refusa de la faire ; le Père Gaillard consentit à s'en charger, à condition qu'il ne parlerait pas du mort.

Nous avons dit plus haut quelle espèce de service madame de Bretonvilliers rendait officieusement à l'archevêque; elle sollicitait un jour très-vivement madame de Sévigné de venir chez elle; celle-ci lui répondit qu'elle n'avait qu'un fils. (Lettre de madame de Sévigné, du 15 juin 1680).

Harlay de Champvalon était d'une beauté remarquable. Quand Louis XIV eut érigé en sa faveur l'archevêché de Paris en duchépairie, les duchesses vinrent le voir en corps. Celle de Mecklenbourg porta la parole et dit : « Nous venons féliciter notre pasteur sur la couronne qu'on a mise à sa houlette. Nous sommes les plus zélées de ses ouailles, quoique nous en soyons la plus faible portion. A quoi M. l'archevêque répondit : « Je vous regarde au contraire comme la plus belle portion de mon troupeau. » Alors madame la

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duchesse de Bouillon, qui entendait très-bien le latin et qui savait par cœur son Virgile, répliqua par ce vers:

"

Formosi pecoris custos, formosior.ipse.»

(Pièces intéressantes et peu connues pour servir à l'Histoire et à la Littérature, par M. D. L. P. (M. De la Place), Bruxelles, 1790, tome VII, p. 149.)

Requête à l'archevêque de Paris, et ordonnance

pour

l'enterrement.

A MONSEIGNEUR l'illustrissime et réuérendissime archeuesque de Paris.

<< Supplic humblemeut Élisabeth-Claire-Grasinde-Béjard (les noms sont ainsi écrits) veufue de Jean-Baptiste Pocquelin de Molière, viuant valet de chambre, et tapissier du Roy, et l'un des comédiens de sa troupe, et en son absence Jean Aubry son beau-frère; disant que vendredy dernier, dix-septième du présent mois de feburier mil six cent soixante-treize, sur les neuf heures du soir, ledit feu sieur de Molière s'estant trouué mal de la maladie dont il décéda enuiron une heure après, il voulut dans le moment témoigner des marques de repentir de ses fautes et mourir en bon chrestien, à l'effect de quoy auecq instances il demanda un prestre pour receuoir les sacremens, et enuoya par plusieurs fois son valet et seruante à Sainct-Eustache, sa paroisse, lesquels s'adressèrent à messieurs Lenfant et Lechat, deux prestres habitués en ladicte paroisse, qui refusèrent plusieurs fois de venir, ce qui obligea le sieur Jean Aubry d'y aller luy-mesme pour en faire venir, et de faict fit leuer le nommé Paysant, aussi prestre habitué audict lieu; et comme toutes ces allées et venues tardèrent plus d'une heure et demie, pendant lequel temps ledict feu Molière décéda, et ledict sieur Paysant arriva comme il venoit d'expirer; et comme ledict sieur Molière est décédé sans auoir reçu le sacrement de confession, dans un temps où il venoit de représenter la comédie, monsieur le curé de Sainct-Eustache lui refuse la sépulture, ce qui oblige la suppliante de vous présenter la présente requeste pour luy estre sur ce pourueu.

« Ce considéré, Monseigneur, et attendu que dessus et " que ledict défunct a demandé auparauant que de mourir un prestre pour estre confessé, qu'il est mort dans le sentiment d'un bon chrestien, ainsy qu'il a témoigné en présence de deux dames religicuses', demeurant en la mesme maison, d'un gentilhomme nommé M. Couthon, entre les bras de qui il est mort, et de plusieurs autres personnes; et que M. Bernard, prestre habitué en l'église Sainct-Germain, lui a administré les sacremens à Pasque dernier 1 il vous plaise de grace spécialle ac

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1. Molière, comme on le voit, avait des habitudes religieuses. Ce fait prouve

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