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Le théâtre, grâce à Voltaire, à Diderot, à Sedaine, à Marmontel même, était alors une école d'opposition: << Pendant la dernière moitié du dernier siècle, dit M. Saint-Marc Girardin, l'esprit philosophique régnait au théâtre comme dans le reste de la littérature. Dans la tragédie, des tirades contre le fanatisme; dans les comédies et les drames, des maximes d'égalité; dans les opéras-comiques, des leçons de morale données en couplets; partout enfin de ces choses qu'on appelle hardies, faute de pouvoir mieux définir ce qu'elles sont. >> Cela est vrai de tous les écrivains qui eurent alors quelque popularité, mais Beaumarchais fut plus vif et plus directement agressif que ses devanciers. On a pu dire qu'il avait par Figaro donné le signal et le programme de la révolution. Figaro est de la famille de Panurge : comme le héros de Rabelais, il représente la supériorité de l'intelligence et l'infériorité sociale, l'éternel contraste de la capacité et de la condition, dont on fait un crime à la société, qui, à vrai dire, n'en peut mais. Tout ce qu'on peut lui demander, c'est de disposer les choses de manière à atténuer autant que possible le scandale du désaccord, en ne posant pas de barrières infranchissables. Nous nous plaignons comme si notre naissance était un fait nécessaire et que notre condition fût contingente, et c'est le contraire qui est vrai. Nous pouvions ne pas naître, notre naissance est accidentelle : la pièce qui se joue sur la terre peut, dit Bossuet, être jouée sans que tel ou tel personnage y paraisse; mais ce qui est fatal, c'est que nous arrivions à la vie dans une condition déterminée. Figaro, quoiqu'il s'en flatte, ne pouvait pas naître fils de prince.

Beaumarchais disait en parlant du Mariage de Figaro, qui s'appela aussi la Folle journée : « Il y a quelque chose de plus fou que ma pièce, c'est le succès. » Nous pouvons ajouter qu'il y a encore quelque chose de plus fou que le succès, c'est le fait de la représentation autorisée d'un pareil ouvrage, sous un régime qui n'était pas celui de la liberté. Un gouvernement qui tolère, qui protége même de pareils écarts, une société qui se laisse ainsi bafouer et qui

est pour elle-même un agréable sujet de risée, déclarent de concert qu'ils n'ont pas l'intention de vivre; peu importe qu'il y ait encore quelques esprits inoffensifs, amoureux de l'art, tels que l'aimable Collin d'Harleville ou le spirituel Andrieux, donnant, celui-ci les Étourdis, celui-là l'Optimiste, les Châteaux en Espagne, le Vieux célibataire, charmantes comédies sans aigreur ce sont là des distractions qui ne tirent pas à conséquence, il n'en est pas moins avéré, par les licences et les sarcasmes de Beaumarchais en plein théâtre, que le champ est ouvert aux envahisseurs.

De toute part on pressentait une catastrophe. Louis XV, avec son insouciante sagacité, avait dit : « Tout cela durera bien aussi longtemps que moi, » et il s'était endormi dans la débauche; Voltaire annonçait « le beau tapage >> qui arriverait après lui; Rousseau pressentait un bouleversement général, et il conseillait aux privilégiés de la fortune, comme mesure de précaution, à l'exemple de son Émile, l'apprentissage d'un métier; si l'on en croit un récit de La Harpe, le mystique Cazotte, dans un transport prophétique, révélait à de gais convives sur la fin d'un repas, avec la précision d'un témoin oculaire, la cruelle destinée qui les attendait. Enfin l'orage éclata, car on n'avait rien fait avec suite pour le conjurer; tous les essais de réforme partielle avaient avorté : « Au fond, dit très-bien M. Mignet, rien n'était changé : le parlement soutenait les priviléges, la cour continuait les abus, le clergé conseillait l'intolérance, la noblesse revendiquait l'inégalité, le roi exerçait l'arbitraire. » Cependant la France voulait la liberté, et elle en accueillit l'espérance avec ivresse lorsque les états généraux furent convoqués. Nous n'avons pas à dire comment et pourquoi ces nobles espérances furent déçues; disons seulement que la première de nos assemblées nationales dressa pour l'éloquence politique une tribune où montèrent des orateurs dignes des temps antiques. Audessus de tous s'élève Mirabeau, qui eut souvent la véhémence et, par intervalle, la vigueur logique de Démosthène. Homme puissant par la passion et par la pensée, capable

de dominer les autres et de se dompter lui-même; âme supérieure à laquelle la corruption ne put enlever ni l'énergie du caractère, ni la clairvoyance de l'esprit, ni même la générosité des sentiments, combien il dut gémir, lorsque sa haute raison eut surmonté ses ressentiments et qu'il entreprit de lutter contre le désordre qu'il avait aggravé, de contenir et de régler le mouvement qu'il avait accéléré, d'avoir à traîner avec soi les souvenirs d'une jeunesse scandaleuse et de ne pouvoir pas ajouter à la force de la raison l'ascendant de l'autorité morale. En cela Mirabeau est bien le symbole de son siècle, qui, par la licence des mœurs et le déréglement de la pensée, avait perdu le droit de voir l'accomplissement pacifique des vœux qu'il avait faits pour le bien de l'humanité. Les torts des nations et leurs mérites ont leur sanction dans le temps; comme leur destinée s'accomplit tout entière en ce monde, elles y reçoivent le salaire qui leur est dû. C'est pour cela que notre révolution, châtiment et récompense tout ensemble, a été une expiation et un bienfait, qu'elle est mêlée de désastres et de triomphes, et que si elle a rendu meilleure la condition des hommes, nous ne possédons pas ces avantages à titre gratuit, mais à la charge de nous en montrer toujours dignes.

FIN.

Histoire littéraire.

34

LISTE

PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE,

AVEC LES DATES,

DES PRINCIPAUX ÉCRIVAINS ET PERSONNAGES NOMMÉS DANS CE VOLUME.

A

ABEILARD (1079-1142), 10.
ADENES (Le Roy) [XIIIe siècle], 48.
AIMÉ DE VARENNES (XIII° siècle),
31, 32.

A-KEMPIS (1380-1471), 102.
ALCUIN (726-804), 10.
ALEMBERT (d') [1717-1783], 470,
488, 493, 504.

ALEXANDRE VI (1431-1503), 146.
ALEXANDRE DE BERNAY OU DE PA-
RIS, auteur du poëme d'Alexan-
dre (x11 siècle), 26, 28, 32, 35.
AMPERE (J. J.), 3.

AMYOT (1513-1593), 9, 11, 210-212,
242.

ANACREON (560-... av. J. C.), 175.
ANDRIEUX (1759-1833), 528.
ANSELME (saint) [1033-1109], 10.
ARLOSTE (1474-1533), 48, 109, 187,
347, 371, 476.

ARISTOPHANE (450-... av. J. C.),
165, 304, 488.
ARISTOTE (384-322 av. J. C.), 219,
373, 504.
ARNAUD
225, 302.
ARNAULD D'ANDILLY (1589-1674),
510.

(Antoine) [1612-1694],

ARNAULT [1766-1834], 523.
ASSOUCI (d')[1604-1679], 351.
AUGUSTIN (Saint)[354 430], 268, 287,
303, 308.

AUSONE (309-394), 1.

B

BACON (1561-1624), 298.

180, 182, 217.

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BELLOY (de) [1727-1775], 491.
BENSERADE (1612-1691), 277.
BERNARD (saint) [1191-1153], 10,
267, 296.

BERNARDIN de Saint-Pierre [1737-
1814], 520-523.

BERTAUT (1552-1611), 181, 186, 251.
BERZE (le seigneur de) [XIII° siè-
cle], 41.

BEZE (Théodore de) [1519-1605),
166.

BLANCHET (Pierre) [1459-1519], 124.
BOCCACE (1313-1375), 45, 48, 167,
347.

BODIN (Jean) [1530–1594], 219.
BOETIE (Etienne de La) [1530-1563],
206.

BAIF (Antoine de) [1532-1589], 169, BOILEAU (1636-1711), 50, 51, 55,

136, 148, 181, 186, 188, 237, 240,

520.

251, 252, 282, 293, 307, 315-317, | CHATEAUBRIAND (1768-1848), 507,
320-325, 328, 331, 335, 346, 352-
363, 369-380, 386, 390-392, 408,
412-414, 440, 442, 444, 447, 448,
451, 481.

BOSSUET (1627-1704), 2, 9, 99, 225,
261, 268, 276, 307, 339, 358, 361,
368, 370, 394-408, 415, 416, 421-
425, 429, 430, 451, 461, 483.
BOUCHER (Jean) [1548-1644], 226.
BOULAINVILLIERS (1658-1722), 431,
468,469.

BOURDALOUE (1632-1704), 394,
404-408, 424, 429.

BOURSAULT (1638-1701), 413, 414.
BRÉBEUF (1618-1661), 374.
BRODEAU (Victor), contemporain
et ami de Marot, 166.
BROSSES (le président de) [1706-
1777], 524.
BUFFON (1707-1788), 183, 380, 438,
464, 504-511.
BUSSY-RABUTIN (1618-1693), 358,

[blocks in formation]

CHATEL (Pierre du) [1480-1552],

153.

CHAULIEU (l'abbé de) [1639-1720],
439-441, 472, 481.
CHENIER (André) [1762-1794], 151,
248,525.

CHRESTIEN (Florent) [1541-1596],

228.

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COMINES (1445-1509), 9, 125, 137-
144.

CONDE (le prince de) [1621-1686],
225, 315, 399.

CONDILLAC (1714-1780), 500.
CONDORCET (1743-1794), 472.
CONRART (1603-1665),278, 315.
COQUILLART (Guillaume) [mort
vers 1490], 137.

CORAS (1630-1677), 370.
CORNEILLE (Pierre) [1606-1684],
12, 188, 243, 262, 278, 279–293, 317,
342, 352, 353, 363, 374, 382, 386,
387, 389, 445, 448, 475, 477, 481,
489,490.

CORNEILLE (Thomas) [1625-1709],
386, 445.

CORNET (Nicolas), théologien du
XVIIe siècle, 302.

COSPEAN (1568-1646), 403.
COTIN (1604-1682), 316, 371.
COUCY (le châtelain de) [x11° siècle],

49.

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