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que notre énergie ait été dans l'inaction, elle a au contraire agi dans toute sa force, et nous verrons que Son Excellence, le feu président d'Haïti, tandis que notre patrie ne cessait d'être la divinité qui attirait notre culte, était vraiment digne d'être choisi parmi nous pour en être le représentant. Mais quelle que soit la grandeur de notre perte; prêtons une oreille attentive à cette voix sacrée qu'il est de notre devoir d'écouter, qui doit agiter toutes nos ames, et au son de laquelle nos cœurs électrisés doivent s'élever au dessus de tous les événemens humains. Haïti est l'ouvrage de vos mains, le fruit de votre courage, le séjour où la liberté et les droits du citoyen règnent dans la plus haute perfection. Renoncerons-nous à ces avantages inappréciables, en nous laissant abattre par l'adversité? Au contraire, qu'elle ranime notre courage. Citoyens, formons un cercle autour de l'arbre de la liberté, sous lequel reposent les cendres de notre auguste chef; que son nom, que le nom sacré de la république soient votre cri de ralliement, notre mot d'ordre; épouvantons nos ennemis par notre attitude ferme et imposante; devenons, s'il le faut, un peuple de héros; l'expérience nous a prouvé quelle est la nature de notre force; nous sommes invincibles comme nous devons l'être. Soyons unis, et rien ne pourra interrompre le cours de notre heureuse destinée:

la république d'Haïti triomphera, les Haïtiens, le peuple l'ont voulu, et cela sera.

Appelé par le choix du Sénat à prendre le timon du vaisseau de l'état, je vous donnerai l'exemple du courage. Je suis devenu le chef de la famille, et j'ai besoin de l'appui du ciel, de la concurrence et de l'aide de mes concitoyens. Dans un gouvernémént régulier le peuple est tout; c'est sa confiance qui constitue l'autorité, et cette autorité ne peut être employée que pour son avantage. Je sens avec l'ardent amour de la patrie dont je suis animé, et le respect que je porte à la volonté nationale, que je ne suis plus le même individu, que je suis l'homme de l'état. O mes concitoyens! couvrez-moi de votre bouclier; sénateurs, législateurs, soyez mes amis, éclairez-moi; généraux, mes collégues et frères d'armes, vaillante armée de la république, prêtez-moi le secours de vos bras pour assurer la paix et le repos de vos familles; magistrats du peuple, comptez que je ferai exécuter les lois, que je me ferai un premier devoir de les observer. Cultivateurs paisibles, livrez-vous sans crainte à vos travaux précieux; plus le produit vous en sera avantageux, plus je serai satisfait; rien de ce qui a été établi par mon auguste prédécesseur ne peut ni ne doit être changé ; le salut de la république dépend du droit sacré des propriétés; de ce que le propriétaire

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d'un arpent de terre soit considéré par la loi comme égal à celui qui en possède cent, et également maître de ce qu'il possède; de ce que le commerce soit libre dans ses spéculations dans l'intérieur de la république comme avec l'étranger: il sera protégé. L'objet de la constitution sera rempli, l'ordre et l'économie règneront dans toutes les branches de l'administration, les fonds de l'état seront employés pour le bien de l'état. Le crédit public ne sera point envahi; la dette nationale est sous la sauve-garde de la nation; le culte de nos ancêtres sera respecté; les magistrats seront honorés; les hommes honnêtes et bons seront considérés. Fasse le ciel que je n'aie jamais à punir le crime; ce serait pour mon cœur le plus douloureux de mes devoirs.

Mais si quelque sacrifice est nécessaire pour assurer le bonheur du peuple, que mon cœur alors soit animé du feu sacré d'Haïti, que je brûle comme à présent de la pure flamme de la liberté et de l'amour de mes concitoyens! Généraux de l'armée, à qui l'autorité est confiée selon l'ordre de vos grades; magistrats qui veillez aux intérêts des familles, faites votre devoir; vous êtes soumis à une responsabilité, mais vous la trouverez fort légère, car je ne dois que des éloges, de la reconnaissance et de l'admiration au peuple et à l'armée. Dans ces douloureuses et récentes circons

tances, le plus grand ordre a été observé, et vous avez prouvé que vous êtes loin d'être indignes de votre situation politique. Continuez, mes chers concitoyens, à me couvrir de l'égide de votre estime et de votre confiance. Toutes les fois que vous désirerez faire preuve d'énergie et de fermeté, vous me trouverez à mon poste. Aidez-moi à faire le bien; la douceur, la bienveillance seront la règle de la conduite que vous me verrez tenir invariablement; suivez cette excellente marche, si conforme à mes principes, si agréable à mon cœur!

Vive la république! vivent les droits du peuple et l'indépendance d'Haïti!

Donnéau palais national du Port-au-Prince, le 1er avril 1818, la quinzième année de l'indépendance d'Haïti.

CHAPITRE V.

Des Lettres patentes.

Le mot de lettre patente ayant uniquement rapport à la forme extérieure des écrits, peut s'appliquer à une multitude d'actes publics d'une · nature très-différente. La plupart sont relatifs à l'administration intérieure des états et sortent par conséquent de notre objet. Cependant comme

quelques-uns tiennent à la politique, il importe

d'en dire un mot.

La plupart des ordonnances ou des communications qui émanent soit du gouvernement envers les sujets, soit d'une autorité publique envers ses ressortissans, sont publiées sous la forme de lettres ouvertes et sont par conséquent comprises sous le nom de lettres patentes. Elles ont pour objet les affaires de l'église, de la justice, de la police, des finances, de la guerre, de la paix, etc. Elles paraissent aussi sous la dénomination de mandats, édits, décrets, lois, ordonnances, règlemens, proclamations, ordres du jour, etc.

Les usages suivis dans les chancelleries des divers gouvernemens et des circonstances particulières apportent beaucoup de modifications dans la forme de rédaction des lettres patentes. Les plus solennelles émanent directement du souverain, qui parle de lui-même à la première personne du pluriel. L'inscription contient les titres et quelquefois une courte apostrophe à ceux auxquels ou s'adresse, et même un salut.

Le texte ne présente pas moins de variétés. Les ordonnances qui le composent sont quelquefois précédées d'une courte introduction qui contient les motifs de leur publication. Quelquefois enfin elles sont suivies de la menace d'un châtiment contre les réfractaires, ou d'une injonction` aux

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