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eu de quoi se nourrir, et faire les frais de longs et pénibles voyages? Et ces secours, d'où pouvaient-ils leur venir, si ce n'est des offrandes et des dons que l'on faisait à l'Église ? Il faut donc le reconnaître, l'Église des premiers temps se croyait en droit de recevoir et de posséder des biens temporels. Autrefois, comme le dit l'abbé Bergier, le simple doute sur ce point aurait paru absurde (1).

S II.

ÉPITRES DE L'APOTRE SAINT PAUL.

L'Apôtre des gentils, écrivant aux fidèles de Corinthe, s'exprime ainsi : « N'avons-nous pas le pouvoir de manger et de boire (à vos dépens)? N'avons-nous pas la faculté de mener partout avec nous une femme qui soit notre seur (en Jésus-Christ), comme font les autres apôtres et les frères (parents) de Notre-Seigneur et Céphas? Serions-nous donc seuls, Barnabé et moi, qui n'aurions pas le pouvoir d'en user de la sorte? Qui va jamais à la guerre à ses dépens? Qui plante une vigne et n'en mange pas du fruit? Qui fait paître un troupeau et ne se nourrit pas de son lait? Ce que je dis ici n'est-il pas selon l'homme? Et la loi ne le dit-elle pas elle-même? Car il est écrit dans la loi de Moïse : Vous ne lierez point la bouche au bouf qui foule le grain. Est-ce que Dieu a souci des bæufs? N'est-ce pas plutôt pour nous-mêmes qu'il a fait cette ordonnance? Certainement c'est

(1) Dict. de théologie, au mot Bénéfice.

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pour nous que cela a été écrit. Car celui qui fait fouler le grain, doit espérer d'y avoir part. Si nous avons semé parmi vous les biens spirituels, est-ce une grande chose que nous recueillions une partie de vos biens temporels? Si les autres usent de ce pouvoir à votre égard, pourquoi ne pourrions-nous pas en user plutôt qu'eux. Mais nous n'avons pas usé de ce pouvoir; nous souffrons toutes sortes de privations, afin de n'apporter aucun obstacle au progrès de l'Évangile. Ne savez-vous pas que les ministres du temple mangent de ce qui est offert' dans le temple, et que ceux qui servent à l'autel ont part aux oblations de l'autel? Ainsi le Seigneur a ordonné que ceux qui annoncent l'Évangile, vivent de l'Évangile : Ita et Dominus ordinavit iis, qui Evangelium annuntiant, de Evangelio vicere (1). »

On lit aussi dans la première lettre du même apotre à Timothée : «Que les prêtres qui administrent bien soient doublement honorés, principalement ceux qui travaillent à la prédication et à l'instruction; car il est écrit : Vous ne lierez point la bouche au beuf qui foule le grain; et, l'ouvrier est digne de sa récompense (2) (1) *. » On voit que saint Paul met sur le même rang, pour ce qui regarde les honoraires, les ministres de l'Évangile, les militaires qui sont au service du pays, ceux qui cultivent la vigne ou les

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(1) I Cor., C.. Ix, v. 14. (2) I Tim., c. v, v. 17.

* Le chiffre romain entre parenthèses indique le numéro des textes reportés dans l'Appendice, qui se trouve à la fin de cet ouvrage.

champs, ceux qui battent le blé, et les bergers qui gardent les troupeaux. Or, le militaire, le soldat, n'at-il pas droit à la paye? L'équité n'exige-t-elle pas que le vigneron, le laboureur, recueille le fruit de ses peines? La justice ne veut-elle pas, comme Dieu le veut lui-même, que celui qui s'occupe pour les autres, qui semble ne vivre que pour les autres, reçoive la récompense de son travail? L'Apôtre le répète d'après le divin Maître, tout ouvrier est digne d'une récompense, dignus est operarius mercede sua; il est digne de sa nourriture, dignus est cibo suo. Ainsi donc, aux termes de l'Évangile, les ministres de l'Église peuvent non-seulement recevoir, mais même réclamer, au besoin, des honoraires qui leur permettent de remplir leur mission; ces honoraires ne sont point des aumônes, proprement dites, ce sont des dettes de justice, dettes sacrées que l'on ne peut se dispenser d'acquitter sans violer les droits de l'équité et de la religion.

Mais Jésus-Christ n'a-t-il pas ordonné à ses apôtres d'exercer leur ministère gratuitement? Ne leur a-t-il pas dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gra-tuitement; gratis accepistis, gratis date (1)? » Certainement il est défendu de vendre des fonctions ou des dons surnaturels : vouloir en faire payer la valeur, ce serait une profanation, un sacrilége, le crime que saint Pierre reprocha à Simon le Magicien, qui voulait acheter des apôtres, à prix d'argent, le pouvoir de donner le Saint-Esprit. Mais autre chose est de trafi

(1) Matth., ch. x, v. 8.

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quer des dons de l'Esprit-Saint, autre chose de recevoir et même de demander des honoraires à l'occasion d'une fonction ecclésiastique ou du ministère évangélique. Certes, on ne dira pas qu'un médecin vend la santé, qu'un avocat, qu'un juge, un magistrat fait payer la justice; qu'un militaire met sa vie à prix d'argent, parce que, à raison des services qu'ils rendent à la société, ils reçoivent un honoraire, une solde, une indemnité. Or, pourquoi n'en serait-il pas de même d'un évêque, d'un prêtre, d'un ministre de la religion, qui renonce aux affaires du siècle pour se consacrer au service de l'Église, au salut des âmes ? Riche ou pauvre, quiconque se dévoue au ministère de l'autel, a droit de vivre de l'autel : Nescitis quoniam qui in sacrario operantur, quæ de sacrario sunt, edunt; et qui altari deserviunt, cum altari participant (1)? Tel est l'enseignement de l'apôtre saint Paul et du Sauveur du monde : Itu et Dominus ordinavit iis, qui Evangelium annuntiant, de Evangelio vivere (2).

Aussi, comme nous l'apprend l'histoire des premiers siècles de l'Église, les fidèles se faisaient un devoir de procurer aux apôtres et aux évêques leurs succes seurs, aux prêtres et aux diacres, les choses nécessaires à leur subsistance et à l'entretien du culte divin. Dans le principe, l'Église ne pouvait guère recevoir que des dons, des offrandes et des aumônes qu'on lui faisait dans la personne de ses ministres, qui, se contentant du strict nécessaire, cansacraient

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une partie de ces offrandes au soulagement des malades, des pauvres et des orphelins.

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les parti

Conformément au texte de l'Évangile et aux Épitres de saint Paul, les Canons des apôtres et les Constitutions apostoliques, qui, bien que

altérés

par sans d'Arius, ont toujours été reçus en Orient et en Occident comme deux inonuments précieux de la discipline et des pratiques religieuses des trois premiers siècles de l'Église, nous apprennent que les chrétiens se faisaient un devoir de contribuer par des offrandes et des dons, chacun suivant ses moyens, à la subsistance des ministres de la religion et aux frais du culte.

Suivant le premier de ces deux recueils, qui a été rédigé par divers évêques des conciles du second et du troisième siècle, il y avait dans la primitive Église différentes espèces d'offrandes. Il n'était pas permis aux évêques et aux prêtres d'offrir pour le sacrifice autre chose que ce qui a été prescrit par le Seigneur, c'est-à-dire du pain et du vin mêlé d'eau. Mais il n'é. tait pas défendu aux simples fidèles de mettre en offrandes sur l'autel des épis nouveaux, des raisins, de l'huile pour le luminaire dans l'église, et de l'encens à brûler pendant la célébration de l'oblation sainte. Ils étaient même obligés de porter les prémices de leurs fruits à l'évêque et aux prêtres dans leurs maisons, afin qu'ils en fissent part aux diacres et aux autres clercs : c'était, en effet, un usage.constant,

ob

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