Images de page
PDF
ePub

vous une bonne vache à lait; et je voudrais bien leur demander quel mal vous avez pour vous faire tant de remèdes.

ARGAN.

Taisez-vous, ignorante; ce n'est pas à vous à contrôler les ordonnances de la médecine. Qu'on me fasse venir ma fille Angélique, j'ai à lui dire quelque chose.

TOINETTE.

La voici qui vient d'elle-même; elle & deviné votre pensée.

SCÈNE III

ARGAN, ANGÉLIQUE, TOINETTE.

ARGAN.

Approchez, Angélique, vous venez à propos, je voulais vous parler.

ANGÉLIQUE.

Me voilà prête à vous ouïr.

ARGAN.

Attendez. (A Toinette.) Donnez-moi mon båton, je vais revenir tout à l'heure.

TOINETTE.

Allez vite, monsieur, allez. Monsieur Fleurant nous donne des affaires.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Ne devines-tu point de quoi je veux parler?

TOINETTE.

Je m'en doute assez: de votre jeune amant; car c'est sur lui, depuis six jours, que roulent tous nos entretiens; et vous n'êtes point bien si vous n'en parlez à toute heure.

ANGÉLIQUE.

Puisque tu connais cela, que n'es-tu donc ia première à m'en entretenir? Et que ne m'épargnes-tu la peine de te jeter sur ce discours?

TOINETTE.

Vous ne m'en donnez pas le temps; et vous avez des soins là-dessus qu'il est difficile de prévenir.

ANGÉLIQUE.

Je t'avoue que je ne saurais me lasser de te parler de lui, et que mon cœur profite avec chaleur de tous les moments de s'ouvrir à toi. Mais, dis-moi, condamnes-tu, Toinette, les sentiments que j'ai pour lui?

[blocks in formation]

Ai-je tort de m'abandonner à ces douces impressions?

[blocks in formation]

Et voudrais-tu que je fusse insensible aux tendres protestations de cette passion ardente qu'il témoigne pour moi?

A Dieu ne plaise.

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Dis-moi un peu: ne trouves-tu pas, comme moi, quelque chose du ciel, quelque effet du destin dans l'aventure inopinée de notre connaissance?

Oui.

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Ne trouves-tu pas que cette action d'embrasser ma défense sans me connaître est tout à fait d'un honnête homme ?

Oui.

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Que l'on ne peut pas en user plus généreusement?

D'accord.

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Et qu'il fit tout cela de la meilleure grâce du monde?

Oh oui!

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Ne trouves-tu pas, Toinette, qu'il est bien fait de sa personne?

[blocks in formation]

Que ses discours, comme ses actions, ont quelque chose de noble?

Cela est sûr.

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Qu'on ne peut rien entendre de plus passionné que tout ce qu'il me dit?

Il est vrai.

TOINETTE.

ANGÉLIQUE.

Et qu'il n'est rien de plus fâcheux que la contrainte où l'on me tient, qui bouche tout commerce aux doux empressements de cette mutuelle ardeur que le ciel nous inspire?

TOINETTE.

Vous avez raison.

ANGÉLIQUE.

Mais, ma pauvre Toinette, crois-tu qu'il m'aime autant qu'il me le dit?

TOINETTE.

Hé! hé! ces choses-là parfois sont un peu sujettes à caution. Les grimaces d'amour ressemblent fort à la vérité; et j'ai vu de grands comédiens là-dessus.

ANGÉLIQUE.

Ah: Toinette, que dis-tu là? Hélas! de la façon qu'il parle, serait-il bien possible qu'il ne me dit pas vrai?

TOINETTE.

En tout cas, vous en serez bientôt éclaircie, et la résolution où il vous écrivit hier qu'il était de vous faire demander en mariage est une prompte voie à vous faire connaître s'il vous dit vrai ou non. C'en sera là la bonne preuve.

ANGÉLIQUE.

Ah! Toinette, si celui-là me trompe, je në croirai de ma vie aucun homme.

TOINETTE.

Voilà votre père qui revient.

SCÈNE V

ARGAN, ANGÉLIQUE, TOINETTE.

ARGAN.

Oh çà! ma fille, je vais vous dire une nouvelle où peut-être ne vous attendez-vous pas. On vous demande en mariage... Qu'est-ce que cela? vous riez! Cela est plaisant, oui, ce mot de mariage, il n'y a rien de plus drôle pour les jeunes filles. Ah! nature, nature! A ce que je puis voir, ma fille, je n'ai que faire de vous demander si vous voulez bien vous marier.

ANGÉLIQUE.

Je dois faire, mon père, tout ce qu'il vous plaira de m'ordonner."

ARGAN.

Je suis bien aise d'avoir une fille si obéissante; la chose est donc conclue, et je vous ai promise.

ANGÉLIQUE.

C'est à moi, mon père, de suivre aveuglément toutes vos volontés.

ARGAN.

Ma femme, votre belle-mère, avait envie que je vous fisse religieuse, et votre petite sceur Louison aussi; et, de tout temps, elle a été aheurtée à cela.

TOINETTE, à part.

La bonne bête a ses raisons.

ARGAN.

Elle ne voulait point consentir à ce mariage; mais je l'ai emporté, et ma parole est donnée. ANGÉLIQUE.

Ah! mon père, que je vous suis obligée de toutes vos bontès!

« PrécédentContinuer »