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maréchal Gérard, et contre la honteuse inaction du gouvernement en présence de l'étranger;

<< 2° Que cette protestation serait adressée sous forme de pétition à la Chambre, après avoir reçu la signature de tous les citoyens qui devaient prendre part à la manifesta

tion. »

Les journaux ministériels s'efforcèrent d'amoindrir l'importance de cette protestation, émanée, disaient-ils, d'une faible minorité des soldats citoyens. Le ministère luimême la prenait plus au sérieux, parce qu'il y voyait une source nouvelle d'irritations, sinon une manœuvre habile des radicaux. Il ne se dissimulait pas, d'ailleurs, que les paroles énergiques ont en France de l'action sur tous les partis, et que, facilement, dans de semblables occasions, la minorité se transforme en majorité. Plus embarrassé que jamais, il venait de convoquer les Chambres pour le 28. Une mesure tant reculée se trouvait maintenant prise d'urgence. Dernière révélation d'une impuissance qui ne s'était fait illusion qu'à force d'étourderie!

Cependant cette précipitation même n'était qu'apparente, et les puissances étrangères savaient à quoi s'en tenir. Le Morning Chronicle, journal de lord Palmerston, faisait entendre ces paroles insolentes: << Vers le 1er novembre, c'est-à-dire avant que la Chambre française ait pu commencer ses débats, la France n'aura plus rien à empêcher dans le Levant, car la Syrie n'appartiendra plus au pacha, et ce sera de lui que dépendra la question de savoir si nous le laisserons tranquille, oui ou non, en Égypte.

« Le traité du 15 juillet a déjà reçu son exécution. >>>

Ainsi les Anglais, ainsi lord Palmerston lui-même avaient soin d'annoncer aux Chambres françaises qu'elles n'auraient plus rien à empêcher dans le Levant, qu'elles allaient voter sur des faits accomplis. Pouvait-il se faire une accusation plus terrible contre le cabinet du 1" Mars? La chambre, en se séparant, avait déclaré que sa politique était le maintien du statu quo. Et qu'était-ce

que le statu quo à cette époque? La victoire d'Ibrahim, la déroute de l'armée turque à Nézib, la conquête définitive de la Syrie, et l'Égyptien victorieux s'arrêtant au pied du Taurus, sur les instances de la France. Qu'était-il devenu? L'envahissement de la Syrie, et l'envahissement prochain de l'Égypte, si Méhémet tardait à se soumettre. Voilà quels avaient été les fruits du 1° Mars; voilà les faits accomplis qu'allait soumettre à la Chambre un ministère audacieux à force d'humiliations. Convoquées plus tôt, les Chambres, par une attitude énergique, auraient pu arrêter les projets de la coalition. Par un appel tardif, M. Thiers les plaçait entre une guerre immédiate ou une honteuse soumission.

Pendant qu'il s'égarait en expédients, les événements marchaient. Après la déchéance de Méhémet-Ali, prononcée par la Porte, son successeur était désigné; les montagnards de la Syrie prenaient les armes à l'appel des alliés. Ibrahim, peu confiant dans ses troupes, n'osait s'aventurer contre la discipline européenne; l'allié de la France courbait avec résignation sa tête septuagénaire, et l'on attendait encore l'ultimatum de M. Thiers, le casus belli qui devait arrêter les progrès de la coalition.

Ce manifeste tant annoncé parut enfin; dernier enseignement pour ceux qui comptaient encore sur l'énergie de M. Thiers (1). Le fameux casus belli consenti comme transaction entre la couronne et le ministère n'était que le maintien du pacha dans l'Égypte héréditaire. Il n'était plus question de la Syrie; le traité du 15 juillet était dépassé. On n'avait pas voulu consentir à la Syrie viagère lorsque les quatre puissances en faisaient une proposition amiable. On y renonçait entièrement depuis que le canon avait parlé. Le gouvernement français réalisait en tout les insolentes conjectures de lord Palmerston, bruyant et fanfaron avant l'exécution, humble et soumis après. Refuser pour le pacha la Syrie viagère, c'était, de la part de la France, lui garantir davantage, et, cependant, quand on la lui enlève complètement, la France laisse faire. Tel avait été le prix de

l'alliance d'une grande nation! Mieux eût pelait qu'à plusieurs reprises, Louis-Phivalu être seul avec sa faiblesse.

Il est vrai que la note du 8 octobre venait après la déchéance du pacha prononcée par le divan. M. Thiers se donnait donc les apparences d'un certain courage en s'opposant à une résolution déjà prise. Mais il comprenait parfaitement que ni l'Angleterre ni la Russie n'avaient intérêt à l'expulsion définitive de Méhémet-Ali, et qu'aucune des puissances ne voulait pousser les choses à l'extrême. L'abaissement de la France leur suffisait; elles n'avaient nul souci de la pousser à des colères irrésistibles. Aussi était-il évident pour tous, qu'en faisant prononcer la déchéance, les puissances alliées n'avaient eu d'autre but que de se ménager envers la France une concession facile. Le maintien du pacha devenait un gage de réconciliation, une consosolation d'amour-propre donnée à la diplomatie française, et après avoir brutalement envahi la Syrie, seul but de ses efforts, la coalition semblait rendre hommage à l'énergie de Louis-Philippe, en laissant intacte l'Égypte qui devenait pour elle un em

barras.

La note du 8 octobre ne demandait donc que ce qui était tacitement accordé, n'exigeait que ce qui était cédé d'avance. Les journaux anglais avaient bien raison de dire que le traité du 15 juillet avait reçu son exécution. Ils pouvaient ajouter que le gouvernement français y donnait son acquiesce

ment.

Ces déplorables faiblesses à l'extérieur n'empêchaient point M. Thiers de se donner au dedans de grands airs belliqueux. Une ordonnance du 29 septembre portait création de dix-huit régiments nouveaux, douze d'infanterie, six de cavalerie légère. On annonçait hautement que l'effectif de l'armée serait porté à 636.000 hommes, auxquels devaient être ajoutés 300.000 hommes de garde nationale mobile. Les fortifications étaient commencées sur plusieurs points; les forts détachés surtout se construisaient avec une impatiente activité qui devenait pour l'opposition un juste sujet de méfiance. On se rap

lippe avait trahi le désir d'environner la capitale de citadelles, et que toujours l'opinion publique s'était hautement prononcée contre un projet menaçant pour les libertés publiques. Les radicaux, cependant, ne voulaient pas laisser Paris à découvert; mais ils soutenaient, et beaucoup de généraux compétents avec eux, pétents avec eux, que l'enceinte continue était le meilleur système de défense contre l'ennemi, la meilleure garantie pour les citoyens. Le ministère, pour ménager en même temps les volontés royales et les ombrages du public, tenta de combiner les deux systèmes, et annonça qu'on ferait une enceinte continue flanquée de dix-huit à vingt forts détachés. Mais les travaux des forts s'exécutaient avec une merveilleuse rapidité, et ceux de l'enceinte ne recevaient pas un commencement d'exécution. Les méfiances se réveillaient, et ne semblaient que trop justifiées.

Toutes ces causes réunies multipliaient les agitations. On s'indignait de voir la France humiliée devant une insolente coalition, et le canon de Beyrouth avait fait éclater toutes les impatiences. Les premiers murmures se changeaient en frémissements de colère; les passions s'échauffaient par la compression, et l'inertie du gouvernement ne faisait qu'exciter davantages les ardeurs belliqueuses. Le chant de la Marseillaise, partout répété, devenait un véritable cri de guerre; et les accents de la presse démocratique, et les cris de la population exaltée accusaient les ministres de trahison et n'épargnaient pas le roi. On voyait renaître la grande ligue de 1815, la coalition menaçante, et la France dans une immense solitude; en même temps, l'Angleterre dominant sur la vaste étendue des côtes qui va d'Alexandrie à Tripoli, l'entrée de deux flottes ennemies dans la Méditerranée, les mouvements immenses de la Russie, dont les bras étreignaient à la fois l'Europe et l'Orient, maîtresse dejà de la mer Noire, un pied à Pétersbourg, un autre à Constantinople, prêt à s'emparer des deux mers avec cent mille hommes et cent vaisseaux; d'un autre côté les envahissements

solides de la Prusse en Allemagne, de l'Autriche jusqu'au fond de la Sicile, enfin l'Europe entière se fortifiant pendant que la France restait prosternée et se dévorait ellemême. Ces faits, opposés aux incertitudes de la couronne, à l'incapacité bruyante du ministère, indignaient les esprits, offraient un texte éloquent aux accusations de la presse radicale, soulevaient, dans les masses populaires de redoutables agitations, et allumaient de sombres colères chez ces esprits faibles et exaltés qui s'enivrent dans la solitude, et se donnent mission de venger un pays par des actes désespérés.

Cette physionomie menaçante à l'intérieur préoccupait visiblement Louis Philippe. Mais, en conservant le ministère complice de ses faiblesses, il croyait échapper à toute responsabilité directe. « Thiers me couvre, disait-il, Thiers me couvre; » et il se rassurait en livrant son ministre à l'impopularité.

Tout restait par conséquent dans l'indécision, lorsqu'un homme obscur, un ignorant fanatique, vint précipiter le dénouement, et contraindre Louis-Philippe à prendre une résolution.

Le 15 octobre, vers six heures du soir, le roi, accompagné de la reine et de Mme Adélaïde, partait des Tuileries pour se rendre à Saint-Cloud. Les voitures suivaient le quai. Au moment où elles arrivaient à l'angle du jardin, devant le poste du Lion, les soldats de garde formèrent la haie et rendirent les honneurs militaires; Louis-Philippe s'inclinait pour saluer, lorsque, tout à coup, une forte explosion se fit entendre. La première voiture disparut au milieu d'un nuage de fumée; un coup de feu venait d'être tiré sur le roi. L'auteur de l'attentat, caché derrière le poteau d'éclairage, à douze pas environ 'des voitures, à droite, presque à côté du factionnaire, s'était baissé et avait dirigé son arme de bas en haut; il se releva aussitôt, et son geste parut exprimer la surprise en effet, personne dans la voiture n'avait été atteint. A l'extérieur, un garde national à cheval, deux valets de pied avaient été légè

rement touchés par des projectiles amortis sur les roues et sur les ressorts; un ouvrier tailleur de pierre était tombé, entraîné par la chute de sa scie frappée d'une balle dans la traverse supérieure.

Cependant l'assassin était resté immobile à la même place. Le sang coulait avec abondance de sa main gauche mutilée; les débris d'une carabine étaient à ses pieds; au-dessus de sa tête, le poteau d'éclairage présentait une forte entaille; l'arme dont il s'était servi avait éclaté, et le coup presque tout entier s'était retourné contre lui. La commotion qu'il en ressentit paralysa sans doute la résistance qu'il avait méditée. Car il portait encore un couteau poignard et deux pistolets chargés jusqu'à la gueule. Interrogé sur l'usage qu'il voulait faire de ces armes, il répondit : « Je les avais prises pour me défendre. >>

C'était un pauvre frotteur, nommé Darmès, âgé de quarante-trois ans, né à Marseille, vivant dans l'isolement et le besoin, d'une imagination exaltée et d'une résolution peu

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Je suis le seul complice. J'ai voulu tuer le plus grand tyran des temps anciens et modernes qui ait jamais existé. - Ne vous repentez-vous pas maintenant d'avoir conçu et exécuté une aussi abominable tentative.

Je ne me repens que de n'avoir pas réussi. -Je le tenais pourtant bien, ajoutait-il, j'étais sûr de mon coup; si la carabine ne s'était pas brisée... Je l'avais trop chargée : cinq balles... huit chevrotines.

Cependant, au milieu même de son exaltation, il se préoccupe de ses blessures; il demande avec instance un chirurgien; il s'impatiente des retards: « On aurait le temps, dit-il, de mourir avant d'être pansé. »>

Bientôt les chirurgiens appelés firent un premier pansement : le lendemain, il fallut faire l'amputation de trois doigts.

L'audace de ce nouvel attentat consterna les ministres et fit surtout grande impression à la Cour. Un des membres du cabinet dit au roi: «Eh bien, sire, M. Thiers vous couvret-il? » On croyait, aux Tuileries, découvrir dans cette tentative un symptôme de l'exaltation des partis extrêmes, et l'accusation s'efforçant, selon l'habitude, de convertir un attentat isolé en un vaste complot élaboré par les sociétés secrètes, Louis-Philippe se persuada qu'il lui fallait un ministère moins indulgent pour les traditions révolutionnaires, et plus décidé à faire la guerre aux passions intérieures. Le bras obscur de Darmès avait une action plus efficace que la coalition des quatre puissances.

Les craintes du roi n'étaient que trop encouragées par les journaux monarchiques, qui faisaient de l'acte de Darmès un texte de déclamations contre les fureurs des partis. Le Journal des Débats, renouvelant les accusations qu'il avait formulées du temps de Louvel, signalait la faction radicale à l'indignation des honnêtes gens, et fulminait des réquisitoires contre les écrivains de l'opposition. «<Le crime du 15 octobre, disait-il, est le commentaire de leurs doctrines; c'est le post-scriptum de leurs brochures. »

Le ministère lui-même, soit qu'il crût follement à des complicités impossibles, soit qu'il voulût apaiser les clameurs qui se faisaient autour de lui, fit retomber sur la presse ses terreurs et ses vengeances. Dans la nuit du 19 au 20 octobre, près de la moitié des commissaires étaient réunis par ordre supérieur, et, au point du jour, ils procédaient à des saisies, des perquisitions et des visites domiciliaires. Une brochure de M. Lamennais, intitulée Le pays et le gouvernement, fut l'objet des premières recherches. La poursuite de cet écrit avait été décidée en Conseil des ministres. M. Thiers, au sortir du Conseil, envoya M. Taschereau chez l'éditeur, M. Pagnerre, afin de l'avertir de la mesure ordonnée. Les agents de l'autorité

se rendirent chez l'auteur, chez l'éditeur, et chez tous les libraires qui étaient soupçonnés d'en avoir reçu des exemplaires. Le bureau de la correspondance politique de M. Degouve-Denuncques fut fouillé, puis son domicile particulier. Quelques heures après, la maison de M. Pagnerre était envahie une seconde fois. La police s'emparait de neuf cents exemplaires de l'Almanach démocratique, qui circulait depuis trois semaines. Cette seconde expédition ne suffit pas : on courut chez d'autres éditeurs saisir l'Organisation du travail, par M. Louis Blanc, qui avait déjà été publiée dans la Revue du Progrès, et La vérité et le parti démocratique, par M. Thoré, brochure qui avait plus de trois mois d'existence.

Pendant que l'on envahissait brutalement la demeure des citoyens, le conseil de préfecture frappait des officiers de la garde nationale qui avaient commis le crime d'aller protester devant le ministre de l'intérieur contre les faiblesses du gouvernement en face de la coalition. MM. Vallé, Lesseré, Recurt, capitaines; Dupoty, Schumacker, lieutenants; Garrault, sous-lieutenant de la garde nationale de Paris, et Périn, capitaine de la garde nationale de la banlieue, étaient suspendus pendant deux mois. Le ministère, à l'agonie, croyait trouver grâce par des mesures inintelligentes.

Mais ses jours étaient comptés, et le roi voulait être couvert par de plus solides boucliers.

Dans le même temps, les puissances étrangères redoublaient d'insolences. Déjà les rois de Hanovre et de Prusse avaient défendu l'exportation des chevaux; c'était logique : l'un était depuis longtemps ennemi avoué de la France, l'autre était dans la coalition. Mais les États secondaires de la Confédération germanique, étrangers à la querelle, et que leur faiblesse aurait dû rendre prudents, le Wurtemberg, la Bavière, Hesse-Darmstadt et Bade, publiaient hautement les mêmes. défenses. Et pourtant, un mois auparavant, on lisait dans le Courrier français, rédigé par M. Léon Faucher, qui recevait les confi

dences de M. Thiers : « Les gouvernements de l'Allemagne n'ont aucun intérêt à provoquer la France. Cependant, s'ils interdisaient l'exportation des chevaux que nous avons achetés sur la foi des traités et de la législation en vigueur de l'autre côté du Rhin, ils feraient un acte d'hostilité à notre égard. Cette mesure équivaudrait à une déclaration de guerre. »

Plusieurs feuilles allemandes avaient reproduit la note menaçante du journal ministériel, et cependant, aucun de ces faibles. États ne fut arrêté par le casus belli. A quel degré d'abaissement se trouvait la France entre les mains de M. Thiers, pour qu'un souverain comme le grand-duc de Bade pût lui jeter un impérieux défi avec la certitude de l'impunité !

Le cabinet britannique triomphait, et ses organes avoués se montraient tous les jours plus agressifs. M. Thiers, dans une note qui suivit le mémorandum du 8 octobre, avait posé les questions suivantes :

1° Que fera le gouvernement anglais relativement à la déchéance de Méhémet-Ali, prononcée récemment par la Porte?

2° Quelles sont ses intentions eu égard à l'attaque dont Alexandrie est menacée, et à la destruction de la flotte turque dans le port de cette même ville?

3° Quelles sont les conditions que l'Angleterre se propose d'accorder à MéhémetAli?

Selon le Morning-Herald, lord Palmerston avait répondu ainsi qu'il suit :

« 1° Relativement à la déchéance de Méhémet-Ali. La détermination du gouvernement anglais dépendra du degré de résistance que le vice-roi opposera à l'exécution du traité.

2o Relativement à l'attaque d'Alexandrie et de la flotte turque. -La détermination du gouvernement anglais dépendra de l'usage que Méhémet-Ali fera de la flotte turque, et de la nature des armements faits dans le port d'Alexandrie.

3. En ce qui concerne les conditions à accorder à Méhémet-Ali. Elles dépendront

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en grande partie de sa promptitude à se soumettre au traité du 15 juillet. »

Il était difficile, assurément, de traiter d'une manière plus cavalière le ministre d'une grande puissance, et il fallait que M. Thiers fût terriblement compromis aux yeux de tous, pour qu'à ses demandes officielles on ne fit pas d'autres réponse que ces mots : « Nous verrons. » Il est vrai que les concessions successives de M. Thiers, après ses belliqueuses forfanteries, donnaient le droit de tout oser; il est vrai que les intrigues dirigées par l'ambassade française contre le cabinet whig autorisaient lord Palmerston à ne pas user de ménagements. Mais c'était la France qu'on insultait dans la personne de M. Thiers, et le pays s'indignait, à bon droit, de se voir si mal représenté, tandis que la couronne, de son côté, s'effrayait de se voir si mal protégée.

Le ministère du 1er Mars ne répondait plus à aucun sentiment, à aucune espérance, à aucun besoin. Il s'était installé aux dépens de la royauté vaincue et abaissée, il s'était maintenu aux dépens de la gauche dynastique amoindrie et mystifiée; il ne vivait plus qu'aux dépens de la dignité nationale tous les jours outragée. Abandonné de tous, il ne rencontrait plus un seul point d'appui. Les amis de la paix lui reprochaient ses témérités, les partisans de la guerre accusaient ses faiblesses. Et ces reproches contraires étaient également fondés. Car, de même que tous les impuissants, il avait été fanfaron et débile, provoquant les dangers et fuyant devant eux, et après tant de mouvements et d'efforts, d'intrigues et de bruit, il n'avait abouti à rien, qu'à se rendre impossible.

Cependant, avant de quitter le ministère, M. Thiers voulut offrir à la paix européenne un dernier gage, à la France un dernier affront. La flotte française, reléguée à Salamine, ne semblait pas assez protégée contre son propre courage. La flotte égyptienne, forçant le port d'Alexandrie, pouvait venir se mettre sous la protection du pavillon tricolore; les Anglais, poursuivant leur proie,

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