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LA PLEIADE

FRANÇOISE

OU

L'ESPRIT

DES SEPT PLUS GRANDS

POETE S.

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AFFRON T.

ZARE'S à A MAN.

UICONQUE, ne fait pas dévorer un affront Ni de faufles couleurs fe déguifer le front, Loin de l'afpec des Rois, qu'il s'écarte, qu'il fuie, Il eft des contretems qu'il faut qu'un fage efluie. Souvent avec prudence un outrage enduré, Aux honneurs les plus hauts a fervi de dégré. Racine, Efth. act. 111. fc. Ij

Tome I.

A

AGES.

CHAQUE Age a fes plaifirs, fon efprit & fes mœurs.

Un jeune homme, toujours bouillant dans fes caprices,
Eft promt à recevoir l'impreffion des vices;
Eft vain en fes difcours, volage en fes défirs,
Rétif à la cenfure & fou dans les plaifirs.
L'Age viril plus mûr, infpire un air plus sage,
Se pouffe auprès des Grands, s'intrigue, fe ménage,
Contre les coups du fort, fonge à fe maintenir,
Et loin dans le préfent regarde l'avenir.

La vieilleffe chagrine inceffamment amasse;
Garde, non pas pour foi, les tréfors qu'elle entasse,
Marche en tous fes deffeins d'un pas lent & glacé :
Toujours plaint le préfent & vante le paffé;
Inhabile aux plaifirs, dont la jeuneffe abuse,
Blâme en eux les douceurs, que l'âge lui refuse.
Defpréaux, Art Poët. ch. III.

AGITATIONS.

AUGUSTE feul.

CIEL, à qui voulez-vous déformais que je fie

Les fecrets de mon ame & le foin de ma vie ?
Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis,
Si donnant des fujets il ôte les amis
Si tel eft 1 deftin des grandeurs fouveraines
Que leurs plus grands bienfaits n'attirent que
des haines,
Et fi votre rigueur les condamne à chérir
Ceux que vous animez à les faire périr.
Pour elles rien n'eft sûr,qui peut tout, doit tout craindre
Rentre en toi-même, Octave, & cefle de te plaindre.
Quoi tu veux qu'on t'épargne, & n'as rien épargné!

Songe aux fleuves de fang où ton bras s'eft baigné,
De combien ont rougi les champs de Macedoine,
Combien en a verfé la défaite d'Antoine,

Combien celle de Sexte, & revois tout d'un tems
Peroufe au fien noyée & tous fes habitans.
Remets dans ton efprit après tant de carnages,
De tes profcriptions les fanglantes images,
Où toi-même des tiens devenu le bourreau,
Au fein de ton tuteur enfonças le couteau,
Et puis ofe accufer le deftin d'injustice,
Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton fupplice,
Et que par ton exemple à ta perte guidés,
Ils violent les droits que tu n'as pas gardés.
Leur trahifon eft jufte & le ciel l'autorife;
Quitte ta dignité comme tu l'as acquife,
Rends un fang infidéle à l'infidélité,
Et fouffre des ingrats après l'avoir été.

Corneille, Cinn. act. I V. fc. III.

VOULO

AMANT.

PERSE'E à CASSIOPE.

OULOIR que la raifon regne fur un amant, C'est être plus que lui dedans l'aveuglement. Un cœur digne d'aimer court à l'objet aimable, Sans penfer au fuccès dont fa flamme eft capable, Il s'abandonne entier, & n'examine rien; Aimer eft tout fon but, aimer eft tout fon bien, Il n'eft difficulté, ni péril qui l'étonne.

Corneille, Andromede act. 1. fc. IV.

AMANS, heureux amans, voulez-vous voyager?
Que ce foit aux rives prochaines.

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,

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Toujours divers, toujours nouveau;

Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le refte,
J'ai quelquefois aimé ; je n'aurois pas alors,
Contre le louvre & fes tréfors

Contre le firmament & fa voûte célefte,
Changé les bois, changé les lieux,

Honorés par les pas, éclairés

par les

yeux

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De l'aimable & jeune Bergére Pour qui fous le fils de Cythere, Je fervis engagé par mes premiers fermens. Hélas! quand reviendront de femblables momens ! Faut-il que tant d'objets fi doux & fi charmans Me laiffent vivre au gré de mon ame inquiête ? Ah! fi mon cœur ofoit encor fe renflammer! Ne fentirai-je plus de charme qui m'arrête ! Ai-je paffé le tems d'aimer ?

La Fontaine, Fable des deux pigeons.

CRUEL

AMANT E.

RUEL auteur des troubles de mon ame,
Que la pitié retarde un peu tes pas.

Tourne un moment tes yeux fur ces climats :
Et fi ce n'eft pour partager ma flamme,
Revien du moins pour hâter mon trépas.
Ce trifte cœur devenu ta victime
Chérit encor l'amour qui l'a furpris.
Amour fatal ta haine en eft le prix,

Tant de tendreffe, ô Dieux, eft-elle un crime

Pour mériter de fi cruels mépris ?

Rouffeau, Cant. de Circ

TULLIE à CATILINA.

VOULEZ-vous mettre en feu la ville infortunée

Que votre amante habite, où votre amante eft née ?
Laiffez-moi défarmer vos redoutables mains :
Accordez à mes pleurs la grace des Romains;
Et qu'il foit dit du moins de l'heureufe Tullie,
Que le Dieu de fon cœur fut Dicu de fa patrie.
Crébillon, Catil. act. 111. fc. 11 I.

BE'RE'NICE à TITUS.

TITUS. Ah! plut au ciel, que fans bleffer ta gloire, Un rival plus puiffant voulût center ma foi

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Et pût mettre à mes pieds plus d'Empires que toi; Que de fceptres fans nombre il pût payer ma flamme, - Que ton amour n'eût rien à donner que ton ame; C'eft alors, cher Titus, qu'aimé, victorieux, Tu verrois de quel prix mon cœur eft à tes yeux. Racine, Bérén, act. 11. fc. V.

ARICIE à ISMENE.

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JAIME, je l'avouerai, cet orgueil généreux
Qui jamais n'a fléchi fous le joug amoureux.
Phédre en vain s'honoroit des foupirs de Théfée.
Pour moi, je fuis plus fiére, & fuis la gloire aisée
D'arracher un hommage à mille autres offert,
Et d'entrer dans un cœur de toutes parts ouvert.
Mais de faire fléchir un courage infléxible
De porter la douleur dans un ame infenfible,
D'enchaîner un captif de fes fers étonné,
Contre un joug qui lui plaît vainement mutiné;
C'eft-là ce que je veux, c'eft-là ce qui m'irrite.
Hercule à défarmer coûtoit moins qu'Hippolite,
Et vaincu plus fouvent, & plutôt furmonté,
Préparoit moins de gloire aux yeux qui l'ont domté
Racine, Phid, act. 11. fc. In }

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