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Du foin de mon amour feulement occupée,
Quand j'ai vû Bajazet, loin de vous obéir,
Je n'ai dans mes difcours fongé qu'à vous trahir.
Je l'aimai dès l'enfance; & dès ce tems, Madame,
J'avois, par mile foins, sû prévenir fon ame.
La Sultane, fa mere ignorant l'avenir,
Hélas! pour fon malheur, fe plût à nous unir.
Vous l'aimâtes depuis. Plus heureux l'un & l'autre,
Si connoiffant mon cœur, ou me cachant le vôtre,
Votre amour de la mienne eût sû fe défier.
Je ne me noircis point pour le justifier.
Je jure par le ciel qui me voit confondue
Par ces grands Othomans dont je fuis defcendue;
Et qui tous, avec moi, vous parlent à genoux,
Pour le plus pur du fang qu'ils ont tranfmis en nous
Bajazet à vos foins, tot ou tard plus fenfible,
Madame, à tant d'attraits n'étoit pas invincible.
Jaloufe, & toujours prête à lui représenter,
Tout ce que je croyois digne de l'arrêter,
Je n'ai rien négligé, plaintes, larmes, colere,
Quelquefois atteftant les manes de fa mere;
Ce jour même, des jours le plus infortuné,
Lui reprochant l'efpoir qu'il vous avoit donné;
Et de ma mort enfin le prenant à partie,
Mon importune ardeur ne s'eft point rallentie
Qu'arrachant, malgré lui, des gages de fa foi,
Je ne fois parvenue à le perdre avec moi.
Mais pourquoi vos bontés feroient-elles laffées ?
Ne vous arrêtez point à fes froideurs passées.
C'eft moi qui l'y forçai. Les nœuds que j'ai rompus;
Se rejoindront bien-tôt quand je ne ferai plus.

Racine, Bajaz, act. V. fc. V I.

FIN DU TOME PREMIER.

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Paul Grinke

21.3.1984

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