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fans s'être informé fi nous les avions apprises. Ne devoit-on pas fuppofer au contraire, que fi nous avions déja toutes ces connoiffances, nous n'aurions pas befoin de cette Logique ? Et n'eût-il pas mieux valu nous en donner une toute fimple & toute nue où les regles fuffent expliquées par des exemples tirés de chofes communes, que de les embarraffer de tant de matieres qui les étouffent?

Mais ceux qui raisonnent de cette forte, n'ont pas affez confideré qu'un Livre né fauroit gueres avoir de plus grand défaut que de n'être pas lu;, puifqu'il ne fert qu'à ceux qui le lifent. Et qu'ainfi tout ce qui contribue à faire lire un Livre, contribue auffi à le rendre utile. Or il eft certain que fi on avoit fuivi leur pensée, & que l'on eût fait une Logique toute féche avec les exemples ordinaires d'animal & de cheval, quelque exacte & quelque metho-dique qu'elle eût pu être elle n'eût fait qu'augmenter le nombre de tant d'autres dont le monde eft plein & qui ne fe lifent point. Au lieu que c'eft justement cet amas de differentes chofes qui a donné quelque cours à celle-ci, & qui la fait lire. avec un peu moins de chagrin qu'on ne fait. les autres.

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Mais ce n'eft pas là neanmoins la principale vuë qu'on a eue dans ce mêlange, que d'attirer le monde à la lire, en la rendant plus divertiffante que ne le font les Logiques ordinaires. On prétend de plus B 4

avoir

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avoir fuivi la voie la plus naturelle & la plus avantageufe de traiter cet Art, en remediant, autant qu'il fe pouvoit, à un inconvenient qui en rend l'étude prefque inutile.

Car l'experience fait voir que de mille jeunes hommes qui apprennent la Logique; il n'y en a pas dix qui en fachent quelque chofe fix mois après qu'ils ont achevé leur cours. Or il femble que la veritable caufe de cet oubli ou de cette negligence fi commune, foit que toutes les matieres que l'on traite dans la Logique, étant d'elles-mêmes trèsabftraites & très-éloignées de l'ufage, on les joint encore à des exemples peu agreables, & dont on ne parle jamais ailleurs ; & ainfi l'efprit qui ne s'y attache qu'avec peine n'a rien qui l'y retienne attaché, & perd aifément toutes les idées qu'il en avoit conçues; parcequ'elles ne font jamais renouvellées par la pratique.

De plus comme ces exemples communs ne font pas affez comprendre que cet Art puiffe être appliqué à quelque chole d'utile, ils s'accoûtument à renfermer la Logique dans la Logique, fans l'étendre plus Join; au lieu qu'elle n'eft faite que pour fervir d'inftrument aux autres Sciences: de forte que comme ils n'en ont jamais vu de vrai ufage, ils ne la mettent auffi jamais en ufage, & ils font bien aises même de s'en décharger comme d'une connoiffance baffe & inutile.

On a donc cru que le meilleur remede de

cet

cet inconvenient étoit de ne pas tant féparer qu'on fait d'ordinaire, la Logique des autres Sciences aufquelles elle eft deftinée, & de la joindre tellement par le moyen des exemples à des connoiffances folides, que l'on en vît en même temps les regles & la pratique ; afin que l'on apprît à juger de ces Sciences par la Logique, & que l'on retînt la Logique par le moyen de ces Sciences.

Ainfi tant s'en faut que cette diverfité puiffe étouffer les préceptes, que rien ne peut plus contribuer à les faire bien entendre, & à les faire mieux retenir que cette diverfité, parce qu'ils font d'eux-mêmes trop fubtils pour faire impreffion fur l'efprit, fi on ne les attache à quelque chofe de plus agreable & de plus fenfible.

Pour rendre ce mêlange plus utile, on n'a pas emprunté au hazard des exemples de ces Sciences; mais on en a choifi les points les plus importans, & qui pouvoient le plus fervir de regles & de principes pour trouver la verité dans les autres matieres que l'on n'a pas pu traiter.

On a confideré, par exemple, en ce qui regarde la Rhetorique, que le fecours qu'on en pouoit tirer pour trouver des penfées, des expreffions, & des embelliffemens, n'étoit pas fi confiderable L'efprit fournit affez de pensées, l'ufage donne les expreffions, & pour les figures & les ornemens, on n'en a toûjours que trop. Ainfi tout confifte prefque à s'éloigner de certaines mauvaises manieres d'écrire & de parler, & fur-tout d'un B5

ftile

ftile artificiel & rhetoricien composé de penfées fauffes & hyperboliques & de figures forcées, qui eft le plus grand de tous les vices. Or l'on trouvera peut-être autant de chofes utiles dans cette Logique pour connoître & pour éviter ces défauts, que dans les Livres qui en traitent expreffément. Le chapitre dernier de la premiere Partie en faisant voir la nature du ftile figuré, apprend à même temps l'ufage que l'on en doit faire; & découvre la vraie regle par laquelle on doit difcerner les bonnes & les mauvaises figures. Celui où l'on traite des lieux en general peut beaucoup fervir à retrancher l'abondance fuperflue des pensées communes. L'article où l'on parle des mauvais raisonnemens où l'Eloquence engage infenfiblement en apprenant à ne prendre jamais pour beau ce qui eft faux, propofe en paffant une des plus importantes regles de la veritable Rhetorique, & qui peut plus que tout autre former l'efprit à une maniere d'écrire fimple naturelle & judicieufe. Enfin ce que l'on dit dans le même chapitre, du foin que l'on doit avoir de n'irriter point la malignité de ceux à qui on parle, donne lieu d'éviter un très-grand nombre de défauts d'autant plus dangereux, qu'ils font plus difficiles à remarquer.

Pour la Morale, le fujet principal que l'on traitoit, n'a pas permis qu'on en inferât beaucoup de chofes. Je croi neanmoins qu'on jugera que ce que l'on en voit dans le chapiire des fauffes idées des biens & des maux dans la premiere Partie, & dans celui des mau

vais raisonnemens que l'on commet dans la vie civile, eft de très-grande étendue, & donne lieu de reconnoître une grande partie des égaremens des hommes.

Il n'y a rien de plus confiderable dans la Metaphyfique que l'origine de nos idées; la féparation des idées fpirituelles & des images corporelles; la diftinction de l'ame & du corps, & les preuves de fon immortalité fondées fur cette diftinction. Et c'eft ce que l'on verra affez amplement traité dans la premiere, & dans la quatriéme Partie.

On trouvera même en divers lieux la plus grande partie des principes generaux de la Phyfique, qu'il eft très-facile d'allier; & l'on pourra tirer affez de lumiere de ce que l'on a dit de la pefanteur, des qualités fenfibles, des actions, des fens, des facultés attractives, des vertus occultes, des formes fubftancielles, pour fe détromper d'une infinité de fauffes idées que les préjugés de notre enfance ont laiffées dans notre esprit

Ce n'eft pas qu'on fe puiffe difpenfer d'étudier toutes ces chofes avec plus de foin dans les Livres qui en traitent expreffément; mais on a confideré qu'il y avoit plufieurs perfonnes qui ne fe deftinant pas à la Theologie, pour laquelle il eft neceffaire de favoir exactement la Philofophie de l'Ecole, qui en eft comme la langue, fe peuvent contenter d'une connoiffance plus generale de ces Sciences. Or encore qu'ils ne puiffent pas trouver dans ce Livre- ci tout ce qu'ils en doivent apprendre, on peut dire neanmoins avec veriB 6

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