Images de page
PDF
ePub

tirage ou des retours de flamme un peu violents et tout le monde sera rassuré. Le temps d'imprimer ces lignes, et ce sera sans doute chose faite. Les poëles explosibles seront oubliés.

Il en sera probablement ainsi des piqûres mystérieuses qui inquiètent Paris, quelque peu la province, et alimentent la chronique. Il s'agit des personnes, presque toujours des femmes, cruellement lardées à coups d'épingle. C'est même arrivé, disent les feuilles du jour, à une concierge toute seule dans sa loge et à la femme d'un gardien de la paix, sur le pas de sa porte, alors qu'il n'y avait personne autour d'elle. Elle a retrouvé une aiguille de dentellière plantée dans son cou. Les journaux sérieux ajoutent d'ailleurs qu'il n'y a qu'une chose à faire: fermer la rubrique des piqûres mystérieuses et alors elles s'arrêteront. Il y a sans doute quelque individu, farceur, idiot ou maniaque impulsif et malade, qui a pu piquer des femmes. La police finira bien par le retrouver. Elle a déjà arrêté quelques innocents. Le reste, disent les médecins, n'est que de l'auto-suggestion. Comme celle des signaux lumineux, l'histoire des poêles et des piqûres élaire la psychologie des foules. Tout cela est phénomène archi connu, depuis le temps des possédées du diable et le sabbat des sorcières, dansant la nuit, sur la bruyère, à cheval sur un vieux balai. Des imaginations vives, il y en aura toujours, même en France, le pays de Descartes et de Voltaire. Quelles histoires, mon Dieu, peuvent bien se colporter en Russie, la patrie de Raspoutine.

[merged small][graphic]
[graphic][subsumed][subsumed][merged small]

D

racontées par l'un de ses amis

ANS son recueil manuscrit sur les arts et les artistes à Metz, Auguste Migette a écrit une importante notice sur la vie et les oeuvres de son ami le peintre Maréchal. Dans cette longue étude remplie de souvenirs personnels, l'un de nos collaborateurs messins, a bien voulu extraire quelques-unes des pages émouvantes rappelant la vie mouvementée de l'éminent artiste pendant l'année terrible, son départ de sa ville natale et son installation à Bar-le-Duc, ses confidences à son ami Migette, son dernier voyage à Metz, etc.

Le 14 février 1870, M. Maréchal laissait voir dans ses ateliers, entre différents vitraux, un grand portrait du pape, richement encadré, destiné à l'Exposition de Rome. A partir de ce moment, à la veille des événements les plus déplorables, jusqu'au 31 août, je n'ai rien trouvé dans mes notes concernant M. Maréchal. Ce jour-là, je l'ai rencontré vers 8 heures du soir, il allait en ville, suivant lui, le triomphe de la Prusse serait une fatalité et une menace pour l'Europe entière, mais il espérait encore qu'on en viendrait à bout... Maintenant nous savons à quoi nous en tenir sur la supposition, quant à la première, le temps qui amène l'imprévu, nous l'apprendra.

Le 12 septembre, à 8 heures du soir, M. Maréchal est venu me voir. Il ne s'est nullement occupé des misères qui nous entourent. Son esprit s'était affranchi pour le moment de ces préoccupations pour s'occuper des plus hautes questions de l'humanité qu'il expliquait avec une facilité d'élocution des plus remarquables. Il parvenait ainsi par des entretiens aimables et consolants à nous. faire oublier avec lui pendant quelques heures les angoisses de la situation.

Le 29 octobre 1870, après 2 heures, le temps était sombre, froid et pluvieux. La ville était sillonnée de régiments prussiens, allant dans diverses directions, prenant possession des portes, des places, des casernes, des postes, des forts. Les soldats français désarmés et délabrés, étaient massés hors de la ville dans des terrains défoncés et humides pour être dirigés comme des troupeaux vers

'Allemagne. Les camps bouleversés, les voitures, les caissons, les selles, les harnais, les chevaux morts ou éclopés étaient abandonnés et jonchaient les routes. Les officiers français, sans épée, parcouraient la ville au milieu de leurs vainqueurs (sic), pour se loger, en attendant leur départ. Toute la nuit, de nouveaux régiments arrivaient; les soldats étaient logés par compagnies, par bataillons dans les monuments publics, au Théâtre, à l'Hôtel de Ville, au Lycée, à la Bibliothèque, dans les marchés, etc., et par escouades chez les bourgeois ahuris.

5.

Le lendemain 30 octobre, à 5 heures du soir, M. Maréchal est venu me voir. Tout courage l'avait abandonné, il pleurait...

Le 18 novembre, je suis allé chez M. Maréchal, trois ou quatre peintres avaient recommencé à travailler. De l'atelier des auxiliaires, nous allâmes dans l'atelier particulier du maître, où il commençait quelques cartons, en autres la Vie de saint Vincent de Paul. Notre entretien eut surtout pour objet l'immortalité de l'âme et nous donna pour solution que cette immortalité découle naturellement de notre existence. Je suis, donc je dois continuer; la personnalité donnée dans ce monde, pourquoi serait-elle détruite ailleurs? Puisqu'elle a été jugée nécessaire ici-bas, moins par nous que par celui qui nous a créé. Il avait donc un but; ce but nous l'ignorons, il nous reste à le connaître.

Le 24 novembre, nouvelle visite à M. Maréchal. Il était indisposé, souffrant et découragé. Cela peut finir par la mort, me dit-il. Si j'étais seul, j'irais au devant avec plaisir, mais ma position ne me permet pas de la désirer, j'ai une femme, une belle-fille, des petits-enfants et un grand établissement à soutenir. Que deviendrait tout cela après moi? (1).

Le 28 décembre, je reçus une nouvelle visite de M. Maréchal, il souffrait toujours de son indisposition; sa santé demandait les plus grands soins. Son fils séjournait alors à Constantinople où, loin des tracas qui torturaient son père, il jouissait d'une vie agréable, au milieu des arbres verts et des fleurs. Que faisait-il là? Il s'y était réfugié, loin de. Paris, chez des parents de sa femme........

1871. Vers le soir du 9 janvier, par 10 degrés de froid, M. Maréchal est venu me voir. Il craint que le nouveau gouvernement français, la République, ne nous enlève les sympathies des autres états plus ou moins monarchiques. Le 21 du même mois, il est revenu me voir, pour me dire qu'il allait partir pour Genève, où il devait retrouver son fils qui revenait de Constantinople.

Le 30 janvier, j'ai revu M. Maréchal dans son atelier, lui et tout son personnel paraissaient préoccupés et abattus. On avait exposé l'ensemble des vitraux destinés à la chapelle des évêques de la Cathédrale. Deux prêtres, attachés à l'Evêché,

(1) M. Maréchal avait alors près de 71 ans, étant né à Metz le 27 janvier 1800.

sont venus les voir. Ils nous ont dit que les Prussiens avaient demandé de se servir de la Cathédrale pour le culte protestant des militaires. L'évêque avait refusé de donner cette autorisation. M. Racine, l'architecte diocésain, qui est venu ensuite, était résolu de quitter Metz, il avait remercié l'administration allemande qui lui demandait de continuer ses fonctions; il ne voulait par voir ses fils, dans quelques années, porter les armes contre la France.

Le 18 février, on finissait dans les ateliers de M. Maréchal deux grands vitraux commandés par l'ex-impératrice, avant sa déchéance, pour une église de Nancy (Saint-Epvre). On tenait à les faire voir au public le plus tôt possible, pour avoir par les journaux, la constatation publique de leur achèvement et pouvoir ensuite les faire solder.

Le 28 avril, j'ai revu M. Maréchal dans l'atelier de M. Pétre, le sculpteur. Il faisait partie d'une commission qui s'y était réunie pour voir la maquette d'une statue représentant la ville de Metz qui devait compléter le tombeau de M. Maréchal, maire de Metz (mort le 29 mars précédent). Deux critiques furent faites, l'une par M. Prost, l'autre le fut en ces termes par M. Maréchal, le peintre il n'approuvait pas cette statuette figurant la cité et couronnant le buste de M. Maréchal dont on n'avait pas encore désigné la place.

D'ailleurs cette statue qui représente une jeune fille inspirée par une autre figure qui orne le tombeau d'un cimetière de Paris, ne donne aucune idée d'une ancienne ville comme la nôtre qui remonte à l'époque gauloise. Il aurait préféré à tout ce symbolisme M. Maréchal, le maire, représenté à son dernier moment, tombant et expirant en rentrant chez lui et encore enveloppé dans son manteau.

Le 29 mai, on est venu me chercher de la part de M. Maréchal pour voir complètement terminé, le troisième vitrail destiné à la chapelle des évêques, représentant saint Sébastien secouru par trois femmes.

M. Champigneulle était dans l'atelier (1). Comme toujours, depuis nos malheurs, après avoir examiné les objets exposés, échangé à leur sujet, quelques mots, quelques réflexions et souvent de sincères admirations, notre conversation revint naturellement à notre triste situation.

C'est vers le 10 juin 1871, que M. Maréchal a fait mettre en place les verrières actuelles de la chapelle des Evêques, enfin complètement terminées.

Le 2 juillet, M. Maréchal est venu me chercher pour aller voir dans son atelier le portrait de M. Serol, président de la chambre à Metz avant la guerre,

(1) M. Champigneulle était alors le directeur de la maison Maréchal. Par acte notarié du 7 mai 1868, cet industriel avait formé, avec M. Maréchal fils, une société en nom collectif sous la raison sociale Maréchal et Champigneulle.

Par un autre acte du 19 avril 1871, cette société fut dissoute à partir dudit jour et M. Champigneulle, seul chargé de liquider ladite société, fut autorisé à continuer, pour son propre compte, le même genre d'indusirie.

alors conseiller à la Cour de cassation. Ce portrait peint à l'huile est bien fait, clair partout et d'une coloration admirable. Comme mouvement, il laissait à désirer plus de naturel, il montrait assez gauchement un passage sur un livre des lois.

Le 18 septembre, j'ai eu la visite de M. Maréchal. Il était malade, souffrait surtout de l'estomac et ne pouvait travailler. Il était désolé, accablé de soucis, d'inquiétudes et voyait avec effroi sa position incertaine dépendre complètement d'un industriel très inquiet lui-même, dont la fortune était bien compromise et qui ne savait quel parti prendre dans ces moments si difficiles pour les habitants de ce malheureux pays, dont les capitaux étaient engagés dans de grandes entreprises.

Invité par M. Maréchal à passer chez lui, j'y suis allé le 29 octobre. Il venait de repeindre complètement et avec succès le portrait du maréchal Ney. Ce portrait avait été fait en 1834 pour l'Hôtel de Ville, je venais de le faire placer au Musée, à la place qu'il occupe toujours. En le voyant, il trouva qu'il avait poussé au brun. Il me le demanda de le lui envoyer dans son atelier pour dévernir et le retoucher.

Il s'occupait alors à revoir ses anciennes peintures et dessins faits depuis sa jeunesse. De sa première époque, j'ai surtout remarqué une étude à l'huile, faite d'après lui, dont il s'est servi pour son vitrail de l'Artiste. Le portrait de sa mère, admirable peinture à l'huile, et celui de M. Laquiez, ancien juge de paix, dont il a reproduit la tête dans le vitrail du Bourgmestre. De nombreuses études au pastel, faites d'après ses plus jolies élèves, étaient étalées de tous côtés, pour être réparées après avoir été trop longtemps abandonnées sans soin dans un coin de l'atelier.

C'est ce jour-là, que j'ai prié M. Maréchal de me donner quelques renseignements sur ses parents et sa jeunesse, pour ne pas reproduire en faisant le travail qui m'occupe, les erreurs de beaucoup de ceux qui ont parlé de lui dans divers ouvrages. Il y consentit volontiers, et mon album se couvrait de notes.

Cet intéressant travail fini, le célèbre artiste parla de notre art, du coloris surtout. Il pensait que les Italiens et les Flamands s'étaient servis pour la coloration de leurs tableaux de fleurs et de fruits; chez les premiers, c'étaient les tons des figues, des oranges, des citrons, des raisins et des feuilles aux tons si variés qui dominaient sur leurs toiles; chez les autres, la pomme, la poire, les prunes, les produits de l'Inde étaient étudiés et utilisés.

M. Maréchal ne parlait jamais de la composition, de l'arrangement des scènes, de leur symétrie dissimulées par leurs mouvements pittoresques, de leur harmonie, de la disposition des lignes, de l'équilibre des groupes, d'une

« PrécédentContinuer »