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aux parens pauvres, quand ils ne sont pas impossibles, soient encore dépourvus de salles d'asile ? Ne nous lassons pas d'appeler la sollicitude des magistrats, la bienfaisance des particuliers sur ces utiles fondations; de fatiguer même, si on peut le dire, l'autorité supérieure, jusqu'à ce qu'elles aient été suffisamment multipliées. Les sept salles d'asile, aujourd'hui en pleine activité, sont créées pour 1480 enfans. Cela est-il en rapport avec les besoins de la capitale? Ceux-là qui connaissent la statistique de la misère, surtout celle de l'enfance indigente ou abandonnée, répondent avec douleur à cette question.

Pourquoi, au lieu des parcelles que fournit pour ce besoin le budget de la ville, n'y a-t-il pas quelque allocation importante empruntée au fonds général de l'instruction primaire? Vous épargnez la dépense de cette instruction, en la commençant de bonne heure; et vous la donnez aussi plus fructueuse et plus solide. Les habitudes contractées au premier âge ne s'effacent plus. Il y a économie et perfection à suivre cette pratique.

Pourquoi, à cette occasion, l'autorité protectrice n'entendraitelle pas le vœu philanthropique, proclamé plusieurs fois par la Société, d'affecter à une destination de cette espèce un bâtiment public aujourd'hui inutile: édifice condamné d'abord à tomber sous le marteau, mais que nos démarches auprès du Préfet et du Gouvernement ont peut-être arraché à une démolition imminente (1)? Quel plus saint usage en pourrait-on faire que d'y placer une grande salle d'asile pour 600 petits enfans du 2o arrondissement, avec une belle école pour 500 jeunes filles, et enfin une classe d'adultes! Tous les asiles établis à Paris sont suivis avec persévérance, et l'on refuse toujours des enfans faute de places. Ce genre d'établissement prospérera sans nul doute, tant que l'on y continuera les soins qu'on y prodigue aux enfans. Les avantages que les parens en retirent eux-mêmes ne tarderont pas à être sentis partout; et plusieurs arrondissemens souffrent du retard apporté à l'ouverture des salles.

Toute la réussite dépend du choix des chefs, et il est de toute justice de dire que les personnes qui exercent en ce moment s'acquittent parfaitement de leurs fonctions.

A propos des établissemens de Paris, je dois citer ici quelques autres asiles situés hors de la capitale. Je tiens ces divers renseignemens de la respectable directrice de ces maisons, madame Millet. Par les soins et aux frais de madame Gautier-Delessert, un asile pour 100 enfans a été créé à Passy, un autre à Sèvres, par madame Lafond de Ladébat ; un à Essonne, par mesdames Ferret et Dutfoy; six à Strasbourg (c'est-à-dire presqu'autant qu'à Paris),

(1) Le monument élevé rue de Richelieu, sur l'emplacement de l'ancien Opéra. Voy. l'Appendice, pag. 244.

par les soins de mademoiselle de Champ-Louis et de madame Mallet. Voilà tous ceux dont nous avons connaissance. Puisse cette institution se répandre partout, surtout dans les villes manufacturières ou commerçantes de Lyon, Marseille, Rouen, Nantes, Bordeaux, etc.!

Écoles rurales, écoles normales mutuelles.

Le nombre total des écoles rurales, dirigées selon le mode mutuel dans le département de la Seine, ne s'est pas accru, quoique plusieurs nouvelles écoles se soient ouvertes en plusieurs communes. Quelques-unes se sont fermées par diverses causes. On n'en compte maintenant que treize, dont deux seulement pour les filles. Une quatorzième se prépare à Montreuil pour 200 garçons. Le nombre total des places y est de 1542; quatre autres se préparent. Les plus nombreuses sont toujours celles de Neuilly, fréquentées par 350 élèves; elles sont entretenues par la libéralité du Roi. Celles qui ensuite méritent le plus d'être notées, sont les deux écoles de Passy, fondées par M. Delessert, nom cher à la philanthropie, et qu'on a si souvent occasion de citer. On regrette que les écoles perfectionnées ne soient pas plus nombreuses à la porte de la capitale, au milieu de quatre-vingts communes qui n'éprouvent pas moins le besoin de l'instruction que des localités très-reculées du royaume; quand surtout il existe beaucoup de maîtres et maîtresses habiles disponibles, formés par les deux Écoles normales élémentaires qu'entretient la ville de Paris.

Ces deux écoles continuent de prospérer. Celle où s'instruisent les élèves-maîtres, sous l'habile direction de M. Sarazin, et sous la surveillance d'une commission spéciale d'examen agissant au nom de la ville de Paris (1), a reçu depuis un an plus de cent candidats; elle a formé plus de cinquante sujets capables, dignes de fixer le choix des fondateurs et des magistrats. Me Lelièvre, institutrice non moins distinguée, chargée de l'enseignement des élèves-maîtresses, a appris la méthode à 68 élèves depuis le 1" janvier 1831 au 30 juin 1832. Trente d'entre elles ont obtenu l'attestation du premier ordre. Ce cours est placé sous la surveillance d'un comité de sept dames, qui sont aussi chargées, par Société, de l'inspection particulière de son école de filles. Ce sont mesdames de Pastoret, Gauthier, Delaborde, François Delessert, Gabriel Delessert, de Bondy et Caussin de Perceval. Leur zèle et leur dévoûment sont au-dessus de nos éloges.

la

Dans le cours de l'année dernière, une addition importante a été faite à l'enseignement des deux écoles normales. Celui qui a conçu cette idée s'est heureusement chargé de l'exécuter, et il l'a fait comme on devait l'attendre de son auteur. M. Degérando

(1) Membres de la Commission d'examen et de surveillance, MM. Degérando, Jomard, Bally, Coutelle, Demoyencourt.

ayant proposé de faire faire aux élèves un cours abrégé de morale élémentaire, le Préfet a accueilli avec empressement cette proposition. Des premiers cours faits oralement, il est sorti un ouvrage précieux pour les élèves-maîtres, et dont je parlerai plus tard: il va servir de guide pour les établissemens semblables. La même tâche était à remplir pour l'avantage des élèves-maîtresses M. Degérando, après l'avoir commencée, l'a confiée au talent et au zèle admirable de Me Sauvan, qui s'en est acquittée avec le plus grand succès (1).

Nous attendons encore une autre institution dans le sein de l'Ecole normale pour les garçons. Elle a été promise par un arrêté de l'ancien préfet de la Seine : c'est celle d'un cours élémentaire de géométrie et de mécanique en faveur des candidats qui auraient le temps de le suivre.

Je termine ce tableau abrégé de l'instruction primaire dans le département de la Seine, en rappelant les concours annuels prescrits par les réglemens entre les moniteurs des écoles de Paris. Cette institution n'a pas été encore complétée; elle pourrait rendre plus de services, non-seulement en excitant le zèle des élèves, mais en appelant entre les maîtres une émulation salutaire. Elle n'a pas encore, par ce motif, cu tout le succès qu'on devait en attendre; si quelque obstacle y a nui, c'est aux instituteurs à le reconnaître, à y remédier, on à le signaler à leurs supérieurs. Le même concours, d'après les réglemens, doit avoir lieu entre les monitrices jusqu'à présent, cette dernière mesure n'a pas reçu son exécution.

Ce qui ferait le complément de son utilité sous le rapport de l'émulation, serait de rassembler une fois l'an, dans une même enceinte, au Panthéon ou ailleurs, tous les enfans des écoles mutuelles. Là, on nommerait solennellement les élèves qui se seraient distingués entre tous les autres. Qu'on se représente quatre mille garçons d'un côté, deux mille jeunes filles de l'autre; puis, pour toute parure à la couronne des vainqueurs, le chant harmonieux de leurs émules. Quelle profonde impression ne ferait pas sur les enfans cette cérémonie, auguste par sa simplicité! Que de semences de vertu et d'amour du travail ne sortiraient pas de là, pour germer et fructifier dans ces jeunes cœurs! Cette fête de l'enfance serait impatiemment attendue, et par elle et par les familles; quel intérêt n'exciterait-elle point dans les classes supérieures, trop souvent indifférentes à la cause de l'éducation, moins par conviction hostile que par apathie, et faute d'occasion frappante, propre à l'émouvoir fortement! J'ai vu à Londres quelque chose de semblable. Là, des milliers d'enfans du peuple, couverts de leurs meilleurs habits, sont rassemblés périodiquement dans la (1) Voyez ci-dessous, pag. 162.

basilique de Saint-Paul. On conçoit sans peine combien un tel spectacle est attendrissant, et utile à la cause de l'éducation.

II PARTIE.

TRAVAUX DU conseil d'adMINISTRATION.

Je passe aux travaux intérieurs de la Société. Cette année marquera, Messieurs, dans vos annales, par la variété, l'importance, et la multiplicité de vos travaux. Pour être un digne organe du Conseil à qui on les doit, je voudrais ici n'en oublier aucun. Tous déposent du zèle infatigable des sociétaires que vous avez honorés de votre confiance: mais le temps permet à peine d'en citer rapidement un très-petit nombre.

Projet de loi.

Je commencerai par celui qui avait pour objet d'établir un système général d'administration pour la direction et le support de l'enseignement primaire en France, c'est-à-dire un mode fixe et invariable, indépendant des variations des temps et de l'arbitraire des décisions ministérielles; UNE LOr enfin qui garantît à toujours l'instruction à tous les Français des deux sexes; qui établît le droit, traçât les devoirs et assurât les moyens. Vous savez, Messieurs, comment ce plan a été conçu et exécuté par le Conseil. Il a été mûrement élaboré, puis imprimé, présenté et distribué aux Chambres; enfin accueilli avec faveur par l'opinion publique (1). Il est donc inutile de vous en rappeler les dispositions. Il a eu depuis l'insigne honneur de servir de première base au projet officiel, et d'être adopté presque entier par un des membres de la Chambre des députés, qui se l'est approprié. On lui a reproché, peut-être à tort, de ne pas renfermer de dispositions spéciales pour les institutrices; on ne faisait pas attention que la Société a toujours entendu accorder les mêmes avantages, ou imposer les mêmes obligations aux instituteurs des deux sexes; son opinion est aussi que l'Etat et les communes doivent faire pour les enfans des deux sexes les mêmes sacrifices.

Provoqué par le projet de la Société, le Gouvernement a soumis, à la fin d'octobre dernier, un autre projet de loi. C'était remplir un devoir imposé par la nouvelle Charte; toutefois l'exposé des motifs n'en est pas moins une pièce importante pour l'histoire de l'instruction primaire, puisque c'est pour la première fois qu'on a déclaré à la fois officiellement, non-seulement la nécessité d'instruire la population tout entière, mais la possibilité de le faire. Ainsi, cette obligation est désormais regardée, par l'autorité universitaire aussi bien que par toute l'administration, comme un devoir sacré. Ces vérités, Messieurs, vous les avez proclamées de(1) Voy. no de janvier 1831.

puis long-temps. Mais c'est, en quelque sorte, depuis ces derniers jours seulement que le corps enseignant les a reconnues. Contentons-nous de ce triomphe. On le doit sans doute à une conviction tardive, mais surtout au mouvement immense imprimé à l'opinion par un grand événement, sans lequel notre espoir eût été déçu. L'enseignement primaire sera-t-il entièrement libre pour les maîtres et pour les familles? Il n'y a guère plus que cette question qui soit à débattre. L'Université a essayé de la résoudre à sa manière. Ce n'est pas ici qu'il convient d'apprécier la solution qu'elle apréférée; elle diffère un peu de celle que vous aviez admise. Nous aimons mieux renvoyer au lumineux rapport de la commission chargée par la Chambre de l'examen du projet de loi. L'organe qu'elle en avait chargé, le savant publiciste M. Dannou, a peu laissé à faire à ceux qui voudraient apprécier les dispositions des divers projets présentés. C'est à la discussion prochaine à concilier, s'il est possible, les opinions divergentes, tant sur la liberté de l'enseignement que sur les mesures administratives les plus sûres, les plus efficaces, pour assurer l'universalité de l'instruction, celles enfin qui sont sujettes, moins que les autres, aux objections et aux difficultés d'exécution.

Une des dispositions du projet officiel remplit enfin une importante lacune, cause en partie de tout le mal dont nous gémissons. Le sort des instituteurs sera assuré par des caisses de retraite, et ils jouiront d'une pension après de loyaux services. Une telle condition était indispensable pour la propagation générale. Cette pensée a de tout temps été celle de la Société; ses délibérations et sa correspondance en font foi, et même, en dernier lieu, le projet auquel elle a donné de la publicité.

Nous verrons plus tard que, chez une nation voisine récemment émancipée, la Belgique, qui a mis aussi au premier rang de ses institutions l'universalité de l'enseignement primaire, les communes sont tenues, avec l'aide des conseils provinciaux et du trésor de l'Etat, de pourvoir à ce que tous les enfans reçoivent de l'instruction; la loi présentée par le roi des Belges au corps législatif comprend comme chez nous l'enseignement du dessin linéaire; enfin l'on y garantit l'existence des maîtres.

Statuts et réglemens.

Il vous a été rendu compte, Messieurs, à la dernière assemblée générale, de l'approbation donnée par le Gouvernement aux nouveaux Statuts. Il restait à adopter des dispositions réglementaires qui servissent de règle aux travaux intérieurs du Conseil. En conséquence son président lui a soumis un projet de réglement, et dans sa séance du 3 août dernier, le Conseil en a commencé une discussion approfondie. L'expérience de seize années avait fait reconnaître, dans l'ancien réglement, quelques lacunes, quelques

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