Enfin de tous les Corps, & pefans, & legers,

Des Chauds, des Froids, des Secs, & des Humides Ce grand Dieu regle les Concerts, Et par le Mouvement entretient l'Univers,

Ο

DES PROPRIETEZ DE LA MATIERE.

MAIS de cette Matiere en Etres fi feconde,

Ce Corps de tous les Corps Principe general,
Si l'on en compofe le Monde

On doit en expliquer l'Attribut principal.

Elle eft Air, elle eft Flâme, elle eft Terre, elle eft Onde, Elle est separément tel Etre qu'il nous plaît;

Mais rien de tout cela ne montre ce qu'elle eft.

Elle nous touche, elle nous environne, Nos Corps même en font-composez ;, Aux Sentimens qu'elle nous donne Nous fommes fans ceffe expofez. Mais par ces qualitez dont elle eft revêtue, Notre Etude fouvent deçûe

Dans l'Erreur nous laiffe engager.

Donc fi de la Matiere on prétend bien juger,
Si l'on veut en avoir la veritable Idée,
A fes Modes changeans il faut ne point fonger,
Et qu'elle ne foit regardée

Par nul Accident paffager.

La Matiere à l'Efprit n'eft proprement connue

Par ce qui dans les Corps fe nomme qualité,
Froid, Chaud, Humide, Sec, Poids, ou Legereté,
Couleur, Odeur, Saveur, Moleffe, ou Dureté ;
Mais nous la connoiffons toujours comme étendue.

Nous concevons un Corps fans Poids & fans Couleur,
Sans Dureté, fans Froideur, fans Chaleur,
Sans Mouvement, fans Saveur, fans Odeur,
Mais jamais fans Longueur, Largeur, & Profondeur
La Nature n'en eft conçue.

Si, quelque Idée enfin qu'on en puiffe excepter,
Tous les Corps dans cette revûe

Sous fes Dimensions viennent se presenter,

Penfons

que l'Etendue eft donc de la Matiere
L'Effence finguliere.

Ainfi le Lieu des Corps qu'on nomme Interieur, C'est leur propre Substance, & c'est toute leur Masse Et pour le Lieu qu'on nomme Exterieur

Des Corps environnans c'est la fimple Surface.
De là nous conclurons que l'Univers eft plein;
Sur ce même Principe il doit être certain,

Que quand l'Esprit fe forme une immenfe Etendue,
Il conçoit la Matiere en tous lieux répandue.

ရာ

D'Infinité, d'Immenfité

Ne parlons qu'avec retenue;

A la feule Divinité

La Gloire en eft proprement dûe.

Ces termes toutefois peuvent fe rapporter
Aux Sujets que l'Efprit ne fçauroit limiter.

Dans fes Difcours, dictez par la fagelle
Defcartes feulement admet l'Indéfini ;
Un indifcret orgueil par là fe void banni.
Car enfin il faudra que notre Efprit confesse
Qu'on ne peut fe tracer un Monde limité;
Et l'étendant fans borne, alors notre foibleffe
S'abime dans l'Infinité.

L'un & l'autre parti doit donc être évité.

Ainfi nous compterons pour d'e pures

Les Espaces imaginaires.

Chimeres

Le Monde occupe tout, il n'eft point au dehors
Ou d'Intervale vuide, ou d'Efpace fans Corps.
Un Rien exifteroit; la Raifon nous le nie.
Sans borner d'un Néant les Cercles etherez,
Sans les reprefenter par un Vuide entourez,
Difons
que la Grandeur en eft indéfinie.
Que fi pour l'Univers on croit déterminer

Le Contour qu'on veut lui donner,

Nous renfermerons-nous dans ces Bornes prefcrites ?
Ou fi comme Infini l'on veut l'imaginer,

Ne chercherons-nous pas à trouver fes Limites 2
Ce font des Soins qu'il faut abandonner

De l'étendre fans borne, ou bien de le borner. ရာ

Lorfqu'on n'apperçoit rien, croire un Espace vuide C'est l'erreur de l'Enfant, de l'Ignorant ftupide. Que fans égard aux Corps, palpables, colorez, Par leur feule Etendue ils foient confiderez, Et non par leur Nature ou fubtile, ou groffiere. L'Air avec fa Legereté,

Son invifible Agilité,

En l'Espace d'un pied n'a pas moins de Matiere
Qu'une Maffe de plomb de même quantité.

De la Matiere ainfi l'Effence reconnue Par çe Principe feul nous avons des clartez. Sur toutes fes Proprietez;

Elles fuivent de l'Etendue,

nuls efforts

Un Corps, comme étendu, ne peut par
Tenir le même lieu qu'occupe un autre Corps;
Si déja le premier a rempli cet espace
Il faut l'anéantir pour en prendre la place.

On aura beau le fouler, le preffer,
Aucun autre avec lui ne pourra fe placer,
Qu'il foit invifible, impalpable;

Ha fon etendue, il eft impenetrable.

Ainfi comme étendus tous les Corps fuppofez,
Le Mouvement entre eux leur doit être impoffible,