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Pareillement le blocus ou l'emploi de forces régulières suffisant pour empêcher toute communication d'une côte, d'un ou de plusieurs ports avec le dehors, peut avoir en vue des fins différentes. Quelquefois c'est un acte de coërcition qui accompagne l'ouverture des hostilités, ainsi que nous l'expliquerons au chapitre suivant (§ 121). D'autres fois il précède une déclaration de guerre régulière, comme mesure de représailles destinée à prévenir le danger d'une violation de l'état de paix, qui résulterait par exemple du départ d'une escadre, de l'introduction de troupes dans une place forte au moment même où le gouvernement suspect a été mis en demeure de s'expliquer sur ses véritables intentions. L'histoire la plus récente est féconde en exemples de cette espèce de blocus tout nouveau, qu'on emploie sans déclaration de guerre comme acte de représailles (blocus pacifique). Nous nous contentons de rappeler le blocus exécuté en 1827 par les forces combinées de l'Angleterre, de la France et de la Russie sur les côtes encore turques alors de la Grèce; le blocus du Tage (1831), de la Nouvelle-Grenade (1836), du Mexique (1838), blocus qui par suite de la déclaration du gouvernement mexicain s'est transformé en guerre formelle. La légalité de cette mesure ne peut faire l'objet d'aucun doute, et les États neutres doivent respecter un blocus régulièrement proclamé, conformément aux règles expliquées au chapitre III ci-après. Mais une confiscation des objets saisis ne peut être prononcée qu'à la suite d'une déclaration de guerre.2

1

la Russie et la Suède (art. 32), proscrivent l'embargo comme mesure spéciale et ne l'admettent qu'à la suite d'une déclaration de guerre.

1 Nouv. Supplém. au Recueil III, p. 570. Nouv. Recueil t. XVI, p. 803 suiv. Les cas assez rares où cette mesure avait été pratiquée jusqu'alors, avaient suscité d'abord quelques doutes sur sa légalité. Elle est contestée encore par Wurm, dans le Staats - Lexicon XII, p. 128 et dans la Vierteljahrsschr. de 1858 p. 74; ainsi que par Hautefeuille, Droits des nations neutres III, p. 176, et par L. Gessner, Le droit des neutres sur mer. Berl. 1865. p. 215. L'humanité d'ailleurs n'a qu'à s'applaudir de toute nouvelle institution internationale qui rend dispensable la guerre complète.

2 Avis du Conseil d'État du 1er mars 1848. Gaz. des Trib. 28 mars 1848 p. 54. L'Angleterre a adopté une jurisprudence différente, mais c'est

Le dernier moyen de se faire justice par soi-même sans ou avant la guerre consiste dans l'ouverture d'une opération hostile avec sommation de faire ce qu'on exige ou de choisir la guerre. C'est la justice brutale envers le faible. Nous ne citons pas d'exemples. Il y en a de fort déplorables.

Mesures de correction et de rétorsion.

§ 112. D'un autre côté le droit public Européen permet encore de recourir à des mesures purement correctives lorsqu'un gouvernement, sans porter atteinte aux principes du droi des gens et aux traités existants, adopte pourtant envers un autre ou tous les autres ou envers leurs sujets des maximes contraires à l'équité (§ 27). L'inégalité dans le traitement de sujets étrangers consistera tantôt dans leur exclusion absolue de certains avantages accordés aux nationaux, tantôt dans des faveurs accordées à ceux-ci au détriment des premiers. Quelquefois elle résultera également, même par rapport aux nationaux, de l'application de certains principes contraires à ceux reçus chez les autres nations et de nature à produire pour celles-ci des conséquences matérielles fâcheuses. Dans ces différents cas ce n'est pas à des représailles, mais à la voie de rétorsion qu'on aura recours; c'est-à-dire, dans un esprit d'égalité et afin d'obtenir le redressement de ces iniquités, on emploie envers la puissance qui en commet, des mesures analogues, jusqu'à ce qu'elle consente à y renoncer. Ce qui distingue la rétorsion (retorsio juris) des représailles, c'est que celle-là a pour but de faire cesser des actes d'iniquité (jus iniquum), tandis que celles-ci ont pour objet de réagir contre l'injustice. Elle s'appuie sur cette maxime: ",quod quisque in alterum statuerit ut ipse eodem jure utatur." C'est par là qu'elle fait

celle de la France qui doit prévaloir si le blocus ne constitue pas un cas de guerre.

1 V. les ouvrages indiqués par d'Ompteda § 287 et de Kamptz § 269, spécialement Moser, Versuch VIII, p. 485. Vattel II, § 341. de Martens, Droit des gens § 250. Mittermaier, Deutsches Privatr. § 110. Wurm, dans les articles cités au § 106 supra.

ressentir à la partie adverse le caractère égoïste et exclusif de ses procédés.1

La rétorsion peut avoir lieu non-seulement dans les cas où un gouvernement a déjà fait l'application d'un principe préjudiciable à un autre dans certaines espèces, mais aussi dès le moment où il l'a sanctionné. Néanmoins une simple divergence de dispositions dans les lois de deux pays, lorsqu'elles ont seulement l'effet casuel d'exclure les sujets étrangers de certains avantages dont ils jouiraient dans leur propre pays, ne suffira jamais pour justifier des mesures de rétorsion, pourvu que ces dispositions ne soient pas dirigées d'une manière expresse contre les sujets étrangers. Ainsi il est évident que les dispositions d'un code qui établissent des modes ou des ordres de successions particuliers, différents de ceux sanctionnés dans d'autres codes, ne suffiront pas pour motiver des mesures semblables.

D'ailleurs la rétorsion est une mesure essentiellement politique, dont les magistrats et les particuliers ne peuvent faire usage qu'en vertu d'une autorisation de leur gouvernement, rendue dans les formes légales, qui détermine en même temps le mode et les conditions de la rétorsion, ainsi que les personnes qui sont appelées à en profiter. Les règles particulières à cette matière sont du domaine du droit public interne.

Si les circonstances ne permettent pas d'appliquer à un gouvernement étranger des mesures identiques sur les mêmes objets, la rétorsion s'effectuera par voie d'analogie et selon les circonstances données. Ainsi, par exemple, si le commerce d'un certain pays venait à être frappé dans un autre de droits exorbitants ou qu'il y éprouvât des difficultés sérieuses, le gouvernement lésé y répondrait en imposant les produits similiairęs de droits analogues.

p.

1 J. Gothofr. Bauer, Opusc. t. I,
2 Struben, Rechtl. Bedenken V, 47.

157 seq.

Spangenb. II, p. 321.

Chapitre II.

LE DROIT DE GUERRE.1

Définition de la guerre.

§ 113. La guerre se manifeste extérieurement comme un état d'hostilités existant entre plusieurs puissances, pendant lequel elles se croient autorisées à faire réciproquement usage entre elles de violences de toute espèce. C'est la définition matérielle de la guerre. Mais considérée au point de vue légal, la guerre ne sera un droit qu'autant qu'elle présente un état régulier de violences et de destruction, lequel se propose un but légitime, et continue à l'être jusqu'au moment où ce but sera atteint. La guerre, en d'autres termes, est l'emploi extrême de violences légitimes. Tantôt d'un caractère purement défensif, elle cherchera à repousser une agression injuste, et à cet effet elle préviendra même des menaces suspendues au-dessus d'elle.2 Tantôt réellement offensive, elle exigera le redressement des offenses ou des injures éprouvées par une juste et pleine satisfaction. C'est ce qui constituera la justice de sa cause. Le grand Frédéric déjà écrivit en ce sens dans son Anti-Macchiavel (chapitre 26) ces paroles remarquables:,,Toutes les guerres qui n'auront pour but que de repousser des usurpateurs, de maintenir des droits légitimes, de garantir la liberté de l'univers et d'éviter les violences et les oppressions des ambitieux, sont conformes à la justice."

Quoiqu'il en soit il deviendra souvent très-difficile de se rendre compte de la justice d'une guerre. Les auteurs sont

1 Les monographies relatives à cette matière, notamment celles publiées par Alberic Gentile, J. Gottl. Fréd. Koch et Joach. E. de Beust, sont indiquées par d'Ompteda § 290. 291. de Kamptz § 271. 272. de Clausewitz, dans son ouvrage intitulé: Vom Kriege. Berlin 1832. t. I. p. 105, retrace une histoire générale de la guerre. Comparez aussi l'Histoire du droit de guerre et de paix de 1789-1815 par Marc Dufraisse. Paris 1867.

2 V. ci-dessus § 30 et Guil. Schooten, De jure hostem imminentem praeveniendi. Specim. jurid. Lugd. Bat.

d'accord là-dessus. Ceux-là même en conviennent qui ont cherché minutieusement de faire une analyse des différentes causes d'une juste guerre, et ont inventé une espèce de responsabilité juridique à l'égard de celui qui prend les armes sans sujet légitime.1 Il n'existe en effet sur terre aucun juge qui puisse, d'une manière infaillible, prononcer sur la justice d'une guerre. Ajoutons que celle-ci est dirigée par le hasard, sans qu'il soit possible de prévoir d'avance ses nombreuses péripéties. En faisant succéder à l'ordre le chaos, elle fait sortir pourtant de ce dernier un ordre de choses nouveau, quelle qu'ait été la cause de la guerre. Seulement les résultats moraux d'une guerre injuste ne seront pas ceux d'une guerre légitime. Jamais aussi des intérêts purement politiques, des intentions moralement bonnes mêmes, dès qu'elles ne sont motivées par aucune lésion imminente ou déjà accomplie, ne suffiront pour purifier une guerre de son caractère illégitime. Mais nous regardons comme oiseuses toutes les discussions abstraites sur la légitimité des guerres de religion, de vengeance, d'équilibre politique. Cette question puise ses éléments de solution dans les circonstances particulières à chaque espèce et dans les principes internationaux que nous avons retracés dans le livre précédent.

Parties belligérantes.

(Jus belli activum et passivum).

§ 114. Un état de guerre ne peut exister valablement qu'entre parties qui ne sont pas empêchées d'avoir recours dans leurs contestations à des violences arbitraires et qui n'en sont responsables à personne. Ces parties sont d'abord les corps qui jouissent d'une indépendance absolue et ne relèvent d'aucune

1 Parmi ces auteurs figurent Grotius et Vattel III, § 183 suiv. 190. Déjà Cocceji, dans son commentaire sur Grotius III, 10, 3 suiv. a montré jusqu'à quel point la distinction entre le droit naturel et le droit positif est insuffisante sur ce point. Le grand nombre d'écrits concernant cette matière sont indiqués par d'Ompteda § 294. 298. 299. de Kamptz § 274.

280. 281.

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