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affranchies de toute surveillance, doivent au contraire être contenues dans des limites étroites.1 Conséquemment tout gouvernement pourra interdire à ses sujets le commerce général ou partiel avec l'ennemi, en édictant des amendes et la peine de confiscation contre les contrevenants. Il peut encore arrêter les sujets ennemis livrés au commerce, et user à cet effet de représailles, dont nous parlerons dans le chapitre relatif aux prises maritimes. Il peut également priver de leurs effets sur son territoire les contrats commerciaux, comme, par exemple, les contrats d'assurance, qui ont pour objets des biens ennemis." D'un autre côté les parties belligérantes ont la faculté d'autoriser certaines branches du commerce et d'accorder des licences que, bien entendu, elles ne sont nullement tenues de respecter entre elles.3 Mais en thèse générale il n'est pas permis de soutenir qu'une déclaration de guerre emporte toujours une interdiction absolue de commerce entre les belligérants, bien que souvent il en soit ainsi. Ces derniers doivent au contraire s'expliquer clairement à ce sujet, lorsque surtout il s'agit d'une interdiction générale. En effet le droit de commerce est essentiellement individuel et ne dérive pas de l'État, qui ne fait qu'en régler les conditions et qui ne peut pas non plus le frapper d'une manière absolue.5 Ainsi une puissance ne peut

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1 Autrefois l'interdiction était la règle commune. Pufendorf, loc. cit. obs. 207. Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 3. Quamvis autem nulla sit specialis commerciorum prohibitio, ipso tamen jure belli commercia sunt vetita." Quelquefois néanmoins on admettait des exceptions. Ainsi en 1675 les États généraux, lors de la guerre avec la Suède, proclamèrent la continuation du commerce entre les parties belligérantes.

2 de Steck, Essais sur div. sujets. p. 14 suiv. Wurm à l'endroit cité t. VII, p. 340 suiv.

3 Jacobsen, Seerecht p. 423 suiv. 719-731. Wheaton, Intern. Law. IV, 1. § 22. Oke Manning p. 123. Wildman II, 245. Phillimore III, 613. Contra Wurm, loc. cit. p. 282 suiv.

4 Nau, Völkerseerecht § 263. 5 V. pour la jurisprudence passablement rigoureuse suivie en Angleterre, en Amérique et en France, Wheaton, loc. cit. § 13. Valin, Commentaire sur l'Ordonnance de 1681. III, 6. 3. Phillimore III, 105. Halleck XV, 9 suiv. Oke Manning p. 123, observe avec raison qu'il s'agit ici plutôt de mesures politiques que commerciales. V. aussi Massé, Droit commercial. t. I. 1844. n. 335. Wildman II, p. 15.

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pas obliger ses alliés à se soumettre sous ce rapport à une défense générale, dès qu'elle ne résulte pas des clauses du traité d'alliance. Il doit se contenter d'exiger qu'ils ne favorisent pas effectivement l'ennemi, et il s'y opposera au besoin par voie de saisie ou autrement.1

Les personnes comprises dans l'état de guerre.

§ 124. Maintenant nous allons tracer les règles à observer durant la guerre en commençant par la conduite et le traitement des personnes impliquées dans l'état de guerre.

Notons d'abord que d'après les usages internationaux de l'Europe moderne les effets actifs et passifs ne se produisent dans toute leur rigueur qu'à l'égard des chefs des parties principales ou alliées, et des armées de terre ou de mer entrées en campagne sous leur commandement. Cette force armée ne comprend pas seulement les troupes et les équipages ordinaires, mais aussi ceux qui sont destinés à l'arrière-ban et au renforcement des premiers, comme la Landwehr allemande. Outre les soldats armés, on y compte encore les personnes non combattantes attachées au camp, telles que les aumôniers, les médecins, les vivandiers et les intendants militaires. A l'égard de ces personnes toutefois il est constant qu'ils ne participent pas à la guerre active et qu'ils ne peuvent faire usage des armes qu'en cas de nécessité et pour leur défense personnelle. -Les autres sujets des parties belligérantes remplissent dans le cours de la guerre un rôle purement passif et n'y interviennent que par leurs rapports avec les troupes, en même temps qu'ils subissent nécessairement les conséquences de la guerre et de ses diverses vicissitudes. 2 Il leur est défendu de commettre aucune espèce d'hostilités sans un ordre formel du souverain, qui peut appeler certaines classes ou la population

1 Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 10. Wheaton, loc. cit. § 14. Wurm, loc. cit. p. 294 professent une opinion plus rigoureuse. On doit néanmoins se demander à quel titre un gouvernement pourrait s'arroger le droit de tracer à ses alliés leur voie de conduite et d'exercer sur leurs sujets une espèce de juridiction.

2 Vattel III, 15, § 226.

valide tout entière à prendre les armes. Dans ce sens le code général de Prusse (Introduct. § 81) déclare que le chef seul de l'État prend les mesures nécessaires pour la défense du territoire contre des ennemis étrangers. Si, aux termes de représailles générales, le souverain, lors de la déclaration de guerre, ordonnait à tous les sujets de „, courir sus aux ennemis": cette formule toutefois, suivant l'explication fournie déjà par Vattel,1 ne signifiait autre chose qu'une autorisation accordée aux sujets d'arrêter les personnes et les choses appartenant à l'ennemi. Elle a cessé depuis d'être en usage (§ 110). Néanmoins elle pourra encore être remplacée par la levée en masse des sujets ordonnée par le gouvernement.

Les sujets non appelés aux armes des puissances belligérantes ont naturellement le droit de s'opposer directement aux troupes ennemies, dès qu'elles s'écartent de l'observation des lois de la guerre. Tous les autres actes d'hostilité commis par eux sur les personnes ou sur les biens privés de l'ennemi ne constituent pas seulement une infraction aux lois de la guerre, mais en même temps aux lois pénales protectrices des personnes et de la propriété, et que par suite elles sont justiciables soit des tribunaux ordinaires du pays, soit des cours martiales de l'ennemi.2

1 Loc. cit. § 227.

obs. 206.

Voyez aussi Fr. E. a Pufendorf, Jur. univ. IV,

2 Abegg, célèbre criminaliste, observe là-dessus dans son ouvrage intitulé: Untersuchungen aus dem Gebiet des Strafrechts, p. 86: La raison apparente pour résoudre la question dans un sens contraire, serait que l'État dont le territoire, par suite des vicissitudes de la guerre, a été occupé par des troupes ennemies, n'a le devoir ni l'intérêt de les protéger contre des attaques du dehors, après qu'un état de violence a succédé à la situation légale. A l'exception de ces guerres à outrance (bella internecina) dont nous ne verrons sans doute plus le retour, la guerre ne met pas un terme à l'état des choses légal, au point d'affranchir les citoyens de l'observation des lois envers certaines personnes. Il faut surtout renoncer à l'opinion qui ne fait consister la valeur des lois criminelles que dans l'efficacité de leur protection. Une question différente sera celle de savoir, jusqu'à quel point la légitime défense ou d'autres motifs de guerre sont de nature à modifier le caractère du droit criminel, au point d'assurer l'impunité ou une atténuation de la peine, ou même la grâce du coupable. V. aussi Frisius Rinia van Nauta, De delictis adv. peregrinos, maxime adv. milites hostiles. Groning. 1825. Heffter, Lehrbuch des Criminal - Rechtes. § 37.

Corps francs; Guerillas; Francs-tireurs; Corsaires.

§ 124. Tant à côté que séparément des troupes régulièrement organisées, disciplinées et commandées, il y a souvent des individus armés qui, de leur chef et tantôt réunis en bandes ou corps, tantôt isolément, font la petite guerre contre l'ennemi. Ce sont là surtout les nommés guerillas, les francstireurs dans les guerres sur terre.1 Ils ne seront soumis aux lois communes de guerre et assimilés aux troupes régulières que dans les cas suivants:

1° lorsqu'ils prennent part aux hostilités en vertu d'ordres formels du chef de leur parti, ordres dont ils sont en état de justifier;

2o lors d'une levée en masse ou d'une guerre à outrance, ordonnée ou approuvée par le gouvernement;

bien entendu que ceux qui y participent, agissent conformément aux dispositions réglementaires prescrites à l'insurrection. S'il n'y en a pas et que l'insurrection, la levée en masse ou la guerre à outrance soit seulement proclamée en termes généraux, il faudra du moins que les individus, en s'opposant à l'ennemi, soient reconnaissables pour celui-ci par leur nombre ou par certains insignes ou par des commandants militaires.

Dans tous les autres cas l'ennemi ne sera nullement obligé de respecter ces particuliers comme soldats en règle. On les a nommés pour cela brigands, briganti, quoique cette qualification ne soit pas moralement applicable à toutes les catégories de ces combattants.

De pareilles distinctions doivent être faites relativement à la guerre maritime.

1 V. l'excellent exposé de M. Lieber, On Guerilla Parties. New-York 1863. Comparez Halleck XII, 8 ss. et pour les temps passés J. J. Moser, Nachtrag zu den Grundsätzen des V. R. 1750. et le même dans ses Versuche d. E. V. R. IX, 2, 49.

2 V. pour la guerre de 1870 à 1871 M. Rolin-Jacquemyns dans la Revue internationale II, 660.

Il y a d'abord des armateurs (privateers en anglais),1 qui équipent des navires pour aller en course contre un belligérant en vertu des commissions ou lettres de marque qui leur ont été délivrées par leur propre gouvernement ou par un gouvernement étranger en guerre. Ils obéissent aux ordres de

l'amirauté et font partie de la marine militaire.

Les lettres de marque sont un legs du moyen âge et de son système de représailles. Les nations s'accordent sans doute depuis longtemps sur le caractère barbare de cet usage, et de plus en plus on y a renoncé. Nous aimons à rappeler à ce sujet la disposition d'un traité de commerce conclu en 1785 entre la Prusse et les États-Unis (art. 23), qui déclare la course abolie entre ces puissances, disposition qui à la vérité n'a pas été reproduite dans les traités de 1799 et de 1828. La Russie donna un autre exemple de s'abstenir de lettres de marque, dans la guerre qu'elle soutint de 1767 à 1774 contre la Turquie, guerre connue par la victoire navale remportée par Orloff sur la flotte turque à Tschesmé. Enfin la déclaration du 16 avril 1856 a proclamé la course abolie pour toujours (voir l'appendice). Pour qu'elle soit regardée comme la loi générale du concert Européen il n'y manque que l'adhésion de l'Espagne, des États-Unis de l'Amérique septentrionale et du Mexique. A l'égard de ces États les anciennes règles de mer serviront encore de loi, savoir: Les puissances belligérantes seules ont le droit de délivrer ces commissions: il est défendu à un gouver

1 V. l'ouvrage classique de Martens: Versuch über Kaper. Göttingen 1795. trad. en français ibid. Hautefeuille, Droits des neutres. I, 327. Halleck XVI, 11.

2 de Kaltenborn dans Pölitz-Bülau, Jahrbücher für Geschichte und Politik. 1849. t. II.

3 Nau, Völkerseerecht. 1802. § 279 cite encore le traité entre l'Angleterre et la Russie, mais il contient seulement quelques modifications dans le régime des lettres de marque. Des clauses analogues se retrouvent dans une foule d'autres traités, sans avoir jamais été exactement exécutées. Hautefeuille p. 338.

4 Franklin (Works t. II, p. 448) a condamné la course. V. Wheaton, Histoire p. 223 (éd. 2. II, 371). Hautefeuille I, p. 339. Wurm (Zeitschrift für Staatswissensch. t. VII, p. 344 suiv.) cite plusieurs autres exemples de guerres qui n'ont pas vu de lettres de marque.

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