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la France et l'Angleterre (art. 19), et d'autre part entre cette puissance et l'Espagne (art. 6); celles du traité anglo-russe de 1766 (art. 12). Enfin, avons-nous besoin de rappeler les règles généreuses adoptées dès le principe de la guerre d'Orient par les puissances occidentales et par la Russie?

III. Conformément aux usages modernes, les souverains et les princes qui appartiennent à la famille souveraine, lors même qu'ils auraient pris part aux opérations de la guerre, ne sont pas soumis au traitement commun, et on leur accorde des ménagements particuliers. Ainsi on évite de faire tirer sur eux: mais ils peuvent être faits prisonniers. Aucun excès ne peut être commis sur des femmes et des enfants: ils ont au contraire droit à être protégés contre toute molestation. Les troupes ennemies ne négligent pas non plus d'observer entre elles les règles consacrées de la politesse. Cela n'empêche en aucune manière de prendre des mesures de précaution et de recourir au besoin à des représailles.

IV. Sont exceptées de la protection des lois et des usages de la guerre les personnes suivantes:

1o Les individus qui, à leurs risques, et sans aucune autorisation de leur souverain ou sans tenue militaire reconnaissable, se sont livrés à la petite guerre (§ 124. b.); 2° ceux qui dans le territoire occupé par l'ennemi commettent des hostilités envers lui; ce qui constitue le cas de rébellion;2

3o les militaires et les individus non-militaires qui, par leur conduite, enfreignent les lois de la guerre, comme les maraudeurs non régulièrement autorisés;

4° les déserteurs retrouvés dans le camp ennemi.

Ces derniers seront jugés d'après les lois criminelles qu'ils ont violées par leur désertion et en suite de celle-ci; les autres sont responsables d'après la loi martiale.

1 Ward (I, p. 356. 357) cite de déplorables exemples du contraire. Contra Ortolan II, p. 281. V. aussi § 122 ci-dessus.

2 Lieber, On guerilla p. 13. Revue Internationale III, p. 667. Comparez § 131, II. ci-après.

Captivité.

§ 127. D'après les règles de l'ancien droit des gens, toutes les personnes ennemies tombées au pouvoir du vainqueur subissaient le sort de la captivité. Lorsqu'il n'avait pas promis de les traiter avec ménagement, il disposait d'eux arbitrairement et selon ses caprices: encore les engagements pris par lui à ce sujet ne suffisaient-ils pas toujours pour les protéger. Il les tuait, les accablait de mauvais traitements, les livrait en esclavage.1 Certains peuples à la vérité avaient des coutumes moins barbares: mais les observaient-ils strictement? Ainsi une loi adoptée par la Ligue amphictyonique proscrivait le meurtre d'un prisonnier qui s'était réfugié dans un temple.2 Pareillement une loi qui, à ce qu'on prétend, était respectée dans toute la Grèce, assurait le pardon aux ennemis qui s'étaient rendus volontairement en implorant leur grâce.3 Il paraît encore qu'un usage romain garantissait la vie sauve aux assiégés qui s'étaient rendus avec leur matériel de défense.1

Au moyen âge l'Église assurait par l'établissement des trêves de Dieu à quelques classes de personnes et de choses une certaine protection et inviolabilité. C'est ce qui n'empêchait pas

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tout-à-fait les parties belligérantes de soumettre les sujets et les prisonniers ennemis aux traitements les plus violents et les plus cruels. A peine le désir d'obtenir une riche rançon ou l'esprit de chevalerie apportait-il quelquefois de légers adoucissements à ces procédés barbares. L'Église parvint en même temps à supprimer graduellement l'esclavage des prisonniers chez les nations chrétiennes. Dans l'occident, ce fut par un canon décrété sous le pape Alexandre III par le troisième concile latéran (1179), que l'esclavage et la vente des prisonniers chrétiens furent abolis. En Orient une défense analogue existait

1 Grotius III, 11, 7 suiv.

2 Saint-Croix Gouv. fédér. p. 51.

3 Thucydid. III, chap. 52.

4 Caesar, De bello gallico. II, 32. Cicero, De offic. I, 12.

5 V. c. 2. X. de treuga.

6 Ward dans plusieurs endroits. Pütter, Beitr. p. 47 suiv.

dès l'année 1260, d'après le témoignage de l'évêque grec Nicephore Grégoire.1

§ 128. D'après les coutumes modernes il est reconnu que le souverain et les princes des familles souveraines, dès qu'ils ont pris du service dans l'armée active ou qu'ils sont capables de porter les armes, ensuite tous ceux qui font partie de l'armée active et légitime, sont soumis au sort de la captivité.2

Les effets de la captivité commencent à courir, à l'égard des prisonniers de guerre, dès le moment où, réduits à l'impossibilité d'opposer de la résistance, ils se sont rendus volontairement, soit conditionnellement, soit sans condition, et qu'ils ont obtenu la grâce de leur vie.

Les lois de la guerre défendent d'ôter la vie aux prisonniers sous aucun prétexte: car l'ennemi incapable de nuire a droit à des ménagements. Il est permis seulement de prendre à son égard des mesures de précaution et de s'assurer de sa personne. Si toutefois les circonstances rendaient l'application de ces mesures trop difficile, la nécessité de la légitime défense et les fins suprêmes de la guerre feraient repousser la reddition offerte. Ainsi les prisonniers qui, après avoir été désarmės, menacent de reprendre les armes, pourront être tués impunément. Le meurtre sera moins excusable s'ils se sont rendus sur parole, à moins qu'ils n'y aient manqué les premiers, ou que leur présence dans le camp ne présente des dangers sérieux.

De même le vainqueur a incontestablement le droit de faire appliquer au prisonnier qui s'est livré sans condition, la peine d'un forfait énorme contraire aux lois de la guerre, dont il s'était rendu coupable, d'après les règles de la vindicte sociale. Toute vengeance néanmoins exercée sur un ennemi qui n'a fait que remplir les devoirs militaires, doit être réprouvée:3 telle sera, par exemple, l'exécution du brave commandant d'une

1 Pütter, Beitr. p. 69. 86.

2 d'Ompteda § 311. de Kamptz § 305. Grotius III, chap. 7. Moser, Vers. IX, 2, p. 250. 311 suiv. Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 3. Vattel III, § 139 suiv. Klüber § 249. Wheaton IV, 2. 2. Oke Manning p. 155. Wildman II, 25. 26.

3 Vattel III, § 141. 143.

forteresse assiégée, lors même que sa défense courageuse aurait provoqué pendant le siége la menace de cette punition. Espérons que les annales de l'Europe n'aient plus à enrégistrer de pareils forfaits.

§ 129. Le traitement du prisonnier de guerre consiste dans la privation effective et temporaire de sa liberté, pour l'empêcher de retourner dans son pays et de prendre de nouveau part aux opérations de la guerre. Les membres des familles souveraines, lorsqu'ils ont été faits prisonniers, sont traités avec les égards dus à leur position. Détenus souvent sur leur simple parole, ils sont affranchis de toutes les mesures vexatoires de sûreté personnelle. De même les officiers, dès qu'ils ont engagé leur honneur, jouissent aussi d'une plus grande liberté. Les sous-officiers et les soldats au contraire, soumis à une surveillance active, sont employés à des travaux convenables pour gagner une partie des frais d'entretien fournis par le gouvernement qui les détient. Ce dernier pourra exiger le remboursement ou en exiger la compensation lors de la conclusion de la paix.

Les prisonniers de guerre sont, pendant toute la durée de leur captivité, incontestablement justiciables des tribunaux du pays où ils se trouvent détenus, notamment à raison des crimes qu'ils y ont commis. Les lois de la guerre réprouvent de mauvais traitements, des procédés arbitraires, des violences de toute espèce, lorsqu'elles ne sont pas justifiées par la nécessité. Ce ne serait surtout que dans le cas où, contrairement aux conditions de leur détention, ils conspireraient contre la sûreté intérieure de l'État, que ce dernier pourrait user valablement à leur égard de moyens de correction ou de répression énergiques. Ceux qui sont restés étrangers aux faits reprochés, ne devront pas subir les conséquences des représailles, quoi qu'en disent certains auteurs anciens qui, sous le nom de pratiques de guerre, ont cherché à justifier des procédés semblables, ne fût-ce que comme de simples menaces.1 Les lois de la

1 Vattel III, § 142. Le traité conclu en 1799 entre la Prusse et les États-Unis contient, dans l'art. 24, quelques dispositions curieuses sur le traitement des prisonniers.

guerre défendent encore de contraindre des prisonniers d'entrer dans l'armée de l'État où ils sont détenus.

La captivité finit dans les cas suivants:

par la paix;

par une soumission volontaire acceptée par le gouvernement ennemi;

par le renvoi conditionnel ou sans condition;

par le rachat ou la rançon.

Les prisonniers qui, après avoir été rendus à la liberté par suite d'une promesse de payer une rançon qu'ils n'ont pas remplie, viennent à être repris une seconde fois, ne sont passibles d'aucune peine, car ils n'ont fait qu'obéir à la voix naturelle de la liberté et de la patrie. Mais s'ils ont manqué en même temps aux conditions plus sérieuses de leur mise en liberté, à celle, par exemple, de ne plus servir contre le gouvernement qui les a renvoyés, ils seront passibles de corrections sévères.

Droits sur les choses qui appartiennent à l'ennemi.1

§ 130. Par une conséquence naturelle des anciennes lois de la guerre, qui avait pour but exclusif la destruction de l'ennemi, le vainqueur pouvait s'approprier, par une simple prise de possession, les biens appartenant à ce dernier, ces biens étant regardés comme caducs et sans maître.2 Les lois regardaient même le domaine des biens enlevés à l'ennemi comme le plus légitime et le plus solide.3 Ceux que le vainqueur n'avait pas l'intention de garder étaient impitoyablement voués à la destruction. Rien n'était excepté de la ruine universelle: les campagnes et les villes, les édifices publics et

1 Grotius III, chap. 5 et 6. Vattel III, 9 et 13. Martens, Völkerr. p. 274 suiv. d'Ompteda p. 308. de Kamptz p. 306.

2 Loi 1. § 1. 1. 5. § 7 pr. D. de acquir. rer. domin. I, 20, § 1. D. de captivis et postlim. Gajus, Comment. II, 69, § 17. J. de divis. rerum.

3 Gajus (Comment. IV, § 16) dit des anciens Romains: „Omnium maxime sua esse credebant quae ex hostibus cepissent. Unde in centumviralibus judiciis hasta praeponitur.“

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