Images de page
PDF
ePub

cière non-souveraine, par exemple, dans une affaire matrimoniale ou dans d'autres affaires purement personnelles? Néanmoins tout État souverain a le pouvoir de déterminer les conditions auxquelles il consent à recevoir des ministres publics, et les droits et les prérogatives qui se rattachent à l'exercice de leurs fonctions.1

3

En soi-même il n'existe aucune obligation pour un État souverain de recevoir des ministres des autres puissances. C'est une pure question de convenances. Cependant le souverain qui refuse sans motifs de recevoir un ministre étranger, s'expose à la rétorsion. Au surplus l'esprit d'humanité s'oppose à ce qu'une puissance repousse en pleine paix les communications officielles d'une autre, sans les entendre.2 Il arrive quelquefois qu'un gouvernement refuse de recevoir en qualité de ministre tel ou tel individu ou un de ses propres sujets. De même il peut refuser de recevoir des ministres dont les pouvoirs sont incompatibles avec les lois et la constitution de l'État. Ainsi aucun gouvernement n'est tenu de recevoir des légats ou des nonces du pape, porteurs des pouvoirs qui leur sont conférés expressément ou tacitement par les lois ecclésiastiques, et dont l'exercice donnerait lieu à des collisions avec l'autorité souveraine de l'État en matière religieuse. En pareil cas, ainsi que cela se pratique en France, un gouvernement peut exiger que les pouvoirs du ministre ecclésiastique soient nettement définis et réduits à des limites raisonnables.4

1 Un intéressant document sur le droit d'envoyer ou de recevoir des ministres publics, ce sont les prétendues lois de Charles V. relatives aux ambassadeurs, qui se trouvent dans de Réal t. V. p. 140 suiv. et dans Rousset, Cérémonial diplom. t. II, p. 481. V. aussi de Martens, Erzählungen t. I, p. 371. Malgré leur contenu assez exact, elles ne nous paraissent pas appartenir à l'époque de Charles V, et jusqu'à nouvelle preuve nous les regardons comme apocryphes. Nous indiquerons plus loin un document analogue relatif aux immunités des ambassadeurs.

2 Vattel IV, chap. 65. 66. Merlin, à l'endroit cité, sect. II, § 3.

3 J. J. Moser, Versuche t. III, p. 89. Beiträge t. III, p. 90. Bielfeld, Institut. II, p. 178. Merlin sect. III, no. 3. Klüber, Droit des gens. § 176. 187.

4 Mirus § 94 suiv. Merlin, Répert. univ. mot: Ministre public, sect. V. § 7.

Heffter, droit international. 3e éd.

25

Classification des agents du commerce diplomatique.

§ 201. En dehors de la part active que les souverains eux-mêmes prennent à la direction générale des relations extérieures de leurs États, il existe un certain nombre d'agents qui en sont chargés d'une manière spéciale. Ce sont:

I. Le ministre des affaires étrangères.

Nous insistons notamment sur l'organisation du Ministère des affaires étrangères en France, par ordonnance du 13 août 1844, avec son bureau de protocole qui expédie les traités, les concessions, brevets, provisions, exequatur; qui instruit pour le ministre les questions relatives au cérémonial et au protocole, aux priviléges, immunités et franchises des ambassadeurs et ministres étrangers.1

II. Les agents et les mandataires envoyés en pays étranger, afin d'y pourvoir en toute occasion aux intérêts politiques ou personnels, ou bien pour y traiter certaines affaires particulières de leurs souverains. Ils sont chargés tantôt de missions ou de fonctions diplomatiques permanentes auprès des puissances étrangères, tantôt seulement de certaines missions passagères. A cet effet on distingue les catégories suivantes:

1° les ministres publics (legati publice missi), revêtus d'un caractère public et officiel et accrédités auprès du gouvernement étranger;

2o les agents, chargés de missions analogues, mais sans caractère public et officiel;

3° les commissaires délégués pour régler certaines affaires particulières, telles qu'une délimitation de frontières, l'arrangement d'un différend litigieux, l'exécution de quelque article d'un traité ou d'une convention. Ils ne communiquent pas directement avec le souverain étranger, mais seulement avec ses ministres ou avec leurs députés; 4° les consuls chargés de veiller aux intérêts du commerce (§ 244 suiv.).

Ces divers agents sont nommés définitivement ou provisoirement (ad interim), pour un temps fixe ou indéterminé.

Notons en outre qu'il y a souvent un personnel auxiliaire, comme les secrétaires et les autres membres de bureau, les courriers d'ambassade etc.

1 Journal des Débats du 20 septembre 1844.

Condition légale des personnes diplomatiques en général.

§ 202. Toutes les personnes qui appartiennent à l'une des catégories ci-dessus indiquées, doivent être considérées d'abord comme fonctionnaires de l'État qu'elles représentent: elles jouissent en conséquence des droits et des prérogatives, en même temps qu'elles sont soumises aux devoirs qui découlent de cette qualité. Ensuite elles se trouvent dans des rapports internationaux soit avec l'État auprès duquel elles sont envoyées, soit quelquefois aussi vis-à-vis de tierces puissances, avec lesquelles leur mission les met nécessairement ou accidentellement en contact. Nous n'avons à nous occuper ici que de leur caractère international, d'abord en général, et puis pour les diverses catégories en particulier. Lorsque l'agent diplomatique envoyé auprès d'un gouvernement étranger est sujet de ce dernier, son caractère public et international est d'une nature mixte. Car en pareil cas le consentement du gouvernement étranger est indispensable, et ce consentement peut être conditionnel et limité. Il implique une suspension forcée des rapports de sujétion pendant toute la durée de la mission, du moins dans toutes les circonstances où ils seraient incompatibles avec l'exercice des fonctions diplomatiques.

Les usages de plusieurs Cours, et notamment de la Cour de France, se sont prononcés contre ces rapports mixtes de leurs sujets. C'est surtout depuis le règne de Louis XVI que les gouvernements en France ont maintenu rigoureusement le principe de ne jamais recevoir d'aucune puissance étrangère un de leurs propres sujets en qualité de ministre public. Les lois de Suède s'expliquent également à cet égard avec beaucoup d'énergie. Par un motif analogue la Diète germanique refusa d'admettre dans son sein des bourgeois de la ville libre de Francfort comme représentants de souverains allemands, excepté les délégués de cette ville même.1

1 V. Merlin, à l'endroit cité, p. 250.

Codex Legum Suec. de crimi

nibus § 7. et la convention conclue en 1816 entre la Diète germanique et la ville de Francfort, dans Klüber, Staatsarchiv II.

Des prérogatives dont jouissent en général les agents diplomatiques.1

§ 203. L'établissement de relations diplomatiques entre les divers États implique nécessairement de leur part une concession importante. C'est qu'ils consentent à accorder à leurs agents diplomatiques respectifs la sûreté et la liberté sans lesquelles ces derniers ne pourraient remplir leurs fonctions d'une manière convenable, honorable et régulière, et qui constituent leur caractère représentatif.2 Les droits fondamentaux qui résultent du caractère public des ministres étrangers, sont l'inviolabilité personnelle et l'exterritorialité ou l'exemption de toute juridiction civile de l'État dans lequel ils résident, autant du moins que celle-ci pourrait les gêner dans l'exercice de leurs fonctions. Ils jouissent en outre de certaines prérogatives et de certains droits honorifiques d'une nature moins essentielle, fondés soit sur les usages généraux des États, soit sur les usages particuliers de certains d'entre eux, et qui font partie du cérémonial diplomatique ou d'ambassade. Ces droits, qui varient selon les différents ordres des ministres publics, constituent leur caractère cérémonial.

Inviolabilité.3

§ 204. L'inviolabilité des ministres étrangers est un principe tellement nécessaire pour les relations extérieures des États, qu'il a été reconnu par tous les peuples, même par ceux de

1 On trouve une bonne critique des doctrines et des usages relatifs à cette matière, dans la dissertation de Evertsen de Jonge, intitulée: Over de grenzen van de regten van gezanten en van secretarissen van vreemde mogendheden. Utrecht 1850.

2 Plusieurs publicistes ont attaché à cette expression des idées nébuleuses, ainsi que l'observe avec raison Pinheiro - Ferreira sur Vattel IV, chap. 70.

3 Les monographies sont indiquées par d'Ompteda § 252. de Kamptz § 227. V. en outre Grotius II, 18. 4. Wicquefort I, sect. 2. Bynkershoek, De foro competente legatorum chap. 1.

l'antiquité.1 Il impose au gouvernement, lorsqu'une fois il a reconnu un ministre étranger en sa qualité de mandataire de son souverain, le devoir non- seulement de s'abstenir lui-même de tout acte qui serait contraire à l'inviolabilité attachée à la personne du ministre, mais encore de réprimer sévèrement toute atteinte matérielle ou morale qu'elle pourrait subir sur son territoire. L'offense commise envers un ministre étranger constitue une offense envers son propre gouvernement. En ce sens les lois intérieures des États punissent comme crime d'État tout délit commis envers la personne de l'agent diplomatique. Des représailles mêmes ne peuvent pas servir de prétexte à des actes de violence, à moins que le gouvernement du ministre ne se soit rendu lui-même coupable d'une pareille violation du droit international.3

5

L'inviolabilité due à la personne du ministre étranger ne commence que du moment où son caractère public a été suffisamment constaté et reconnu comme tel par le gouvernement auprès duquel il doit résider.4 Elle est accordée non - seulement à tout agent diplomatique régulièremeut accrédité, mais aussi à ceux qui sont attachés à sa personne et à sa mission. Elle comprend également, au profit de l'agent diplomatique, la liberté absolue de correspondre avec son propre gouvernement, d'envoyer et de recevoir des lettres et des dépêches, soit par des courriers particuliers, pourvus de pièces nécessaires pour justifier de leur qualité, soit par l'intermédiaire des postes locales. Il faut seulement, en ce cas, que les lettres et les dépêches remises par eux à l'administration des postes, portent un cachet diplomatique incontesté."

1 V. déjà à cet égard lex ultima D. de legatis et Cicéron, in Verrem I, 33. Ajoutons les observations de Ward, Enquiry II, p. 494 et de Hert, Opusc. III, p. 419.

2 Loi 7. D. ad legem Juliam de vi publica. Code pén. franç. art. 25. Code pénal prussien § 80. Code pénal de Bavière art. 125. Code pénal de Saxe art. 139. Code de l'Empire Allemand. § 101.

3 Merlin, à l'endroit cité, sect. V, § 3.

4 Merlin sect. V, § 3, no. 3 et § 4, no. 14. 5 V. loi 7. D. ad legem Juliam de vi publ. 6 Moser, Versuche IV, 140. Beiträge IV, 542. Kleine Schriften 4, no. 2. Schmelzing, Völkerr. § 339.

Ch. Fr. de Moser,

« PrécédentContinuer »