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d'empereur dans leurs négociations avec la Porte et les États Barbaresques. De même la couronne d'Angleterre est qualifiée d'Imperial crown dans les actes publics.1 Néanmoins les souverains qui jouissent des honneurs royaux, sans cependant porter le titre d'empereur ou de roi, accordent le pas à ces derniers. Ils ont également le pas sur les républiques actuellement existantes, bien que le rang de ces dernières, par rapport aux souverains qui jouissent des honneurs royaux, ne soit pas clairement défini.

III. Le vasselage d'un État ne confère pas nécessairement un droit de préséance à l'État suzerain, mais les États misouverains ou d'une souveraineté incomplète cèdent en tout le pas, sinon aux États souverains en général, du moins à celui dont ils relèvent. De même un État protégé cède le pas à l'État protecteur, dès que le protectorat porte un caractère général et qu'il ne s'agit pas d'affaires en dehors de ce dernier. Cette infériorité toutefois n'est que relative et ne se retrouve aucunement dans les rapports internationaux avec les autres puissances. Il existait naguère tels États mi- souverains auxquels les usages européens accordaient la préséance sur d'autres entièrement souverains. Ainsi les électeurs du ci-devant empire germanique avaient le pas sur les souverains qui ne jouissaient pas des honneurs royaux.

IV. Les traités publics et les usages pourront modifier l'égalité du rang des États. Ainsi l'ordre parmi les États de l'Allemagne était réglé par l'acte de la Confédération germanique, mais uniquement par rapport à la Confédération, et continue à servir de modèle dans le nouvel Empire germanique, sorti de la Confédération de l'Allemagne du Nord. Ces conventions devront être respectées par les autres puissances, dès qu'elles sont portées à leur connaissance, pourvu qu'elles ne leur causent aucun préjudice. En effet les conventions publiques ne peuvent profiter ni nuire aux puissances qui ne sont pas parties contractantes. Il faut en conséquence que celles

1 V. (de Steck), Échantillon d'essais. Halle 1789. p. 3. lement britannique porte aussi le nom d'imperial parliament.

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2 Günther I, 213. 214. Protectio non involvit subjectionem."
3 Günther I, 269.

Le par

qui ont pour objet de conférer à une puissance une priorité de rang sur les autres, obtiennent l'assentiment de toutes les parties intéressées. Autrement, en s'écartant des règles générales, elles constitueraient un acte de lésion. En cas de conflit c'est toujours aux règles générales qu'il faut recourir, et il ne faut jamais y déroger. Des considérations de famille mêmes ne permettront pas de s'éloigner des principes d'une stricte neutralité, dès qu'il ne s'agit pas de purs rapports de famille.1

V. Lorsque la forme du gouvernement vient à changer chez une nation, lorsque notamment les organes du pouvoir souverain suprême cessent d'être les mêmes, elle n'en conserve pas moins le rang et les honneurs dont elle a joui jusqu'alors. Le protectorat exercé par Cromwell, durant le „, common wealth“, les dernières années du Directoire et le consulat en France en fournissent des exemples éclatants. Toutefois si le changement opéré dans la forme du gouvernement avait pour effet un changement du titre de souverain, de nature à en modifier également le rang conformément aux usages reçus (alin. II cidessus), il en serait autrement.

VI. Aucun souverain ne peut prétendre que les autres puissances reconnaissent les honneurs conférés par lui, si ceux-ci sont égaux ou même supérieurs aux siens propres. Ainsi la prétention d'un prince souverain ne jouissant pas des honneurs royaux lui-même, qui voudrait créer un de ses sujets prince ou duc, serait contraire aux usages reçus.3

Droits fondamentaux et individuels des États.

1. Droit d'existence territoriale libre et indépendante.

a. Droit d'intégrité ou d'inviolabilité territoriale.

§ 29. Les États, comme les individus, ont le droit fondamental d'exister et de se développer autant physiquement que moralement.

1 Günther I, 269. Comparez de plus le Protocole signé à Vienne le 19 Mars 1815, dans l'Appendice.

2 Art. 23 du traité de Campo Formio. V. Vattel II, 3, 39. Günther I, 208. Klüber § 99. Wheaton I, 196. (Élém. du droit intern. I, 152).

3 V. Klüber, Oeffentl. Recht des Deutschen Bundes. § 497, I in fine.

La condition naturelle en est la possession exclusive et assurée d'un territoire suffisant aux besoins de la société politique qui se trouve dans la possibilité de former un État à part. Alors cette possession devient son domaine, dont il peut jouir à son gré et dont il peut garder et défendre l'intégrité contre tout attentat par tous les moyens de défense. Par suite aucune nation ne peut, par ses lois ni par ses actes, affecter directement, lier ou régler des objets qui se trouvent dans un territoire étranger. Aucun acte de juridiction étrangère ne peut non plus être exécuté dans le territoire d'une nation sans son consentement exprès ou tacite. L'intégrité et l'inviolabilité d'un État trouve ses limites naturelles dans celle des autres. Voici les conséquences pratiques des principes qui viennent d'être

énoncés.

I. L'autorité de tout acte et de tout établissement public expire aux limites du territoire. Ainsi l'administration des postes, celle des loteries, les bureaux d'enrôlement militaires ne peuvent pas fonctionner dans un territoire étranger. Les notaires ne peuvent pas non plus y instrumenter, ni les autorités judiciaires et de police y exercer des poursuites. Les fonctionnaires de l'État n'y ont aucun caractère public. Chaque territoire représente à cet égard un asile pour les individus vis-à-vis des autres États.

II. L'autorité publique d'un État ne peut faire aucun acte de nature à porter atteinte, d'une manière directe ou indirecte, à l'intégrité d'un autre dans ses éléments naturels. Ainsi elle doit s'abstenir d'actes quelconques tendant à provoquer l'émigration des sujets d'un autre État, ou à le dépeupler, ou à en détacher une portion de territoire. Elle ne doit pas s'approprier arbitrairement les enclaves de son territoire appartenant à un État étranger. Il est vrai que la politique n'a pas toujours respecté ce principe incontesté du droit international. Souvent elle a provoqué ouvertement la révolte, ou du moins elle a favorisé dans un intérêt égoïste des conspirations et la propagande révolutionnaire. Telle a été à la vérité la politique constante de plusieurs cabinets de l'Europe. Mais elle n'a jamais osé s'abriter des maximes du droit: c'est en secret

qu'elle a le plus souvent agi, et elle a toujours rencontré l'opposition des autres cabinets.1

D'un autre côté on ne peut empêcher un État de recevoir sur son territoire les émigrants d'un autre pays, ou de leur offrir en général certains avantages. On ne peut l'empêcher non plus d'incorporer à son territoire les parties d'un territoire étranger qui, après s'en être détachées, ont fait reconnaître leur indépendance conformément aux règles exposées au § 23 ci-dessus. 2

III. Le pouvoir souverain d'un État ne doit refuser ni retirer à un État étranger ce qui lui appartient d'après l'ordre naturel des choses. Les conditions naturelles de pays limitrophes notamment doivent être maintenues d'après leur état primitif, et l'on ne peut revendiquer le domaine exclusif de choses que la nature a réparties entre tous ou entre plusieurs également. Ainsi on ne doit pas détourner le cours d'une rivière ou les eaux d'un lac au préjudice d'un État voisin, mais les États riverains peuvent l'utiliser dans son parcours sur leur territoire, pourvu que son cours naturel ne soit pas changé.3

.

IV. Le pouvoir souverain d'un État ne doit pas non plus ordonner ou autoriser sur son propre territoire des faits ou des établissements qui sont de nature à nuire aux voisins. A cet égard on suit la maxime du droit privé: In suo quisque facere non prohibetur dum alteri non nocet" bien entendu qu'on admette une distinction entre damnum" et lucrum cessans." 4

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b. Droit de conservation et de défense.

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§ 30. La raison naturelle permet la protection et la défense de l'existence politique contre tous les dangers qui la menacent,

1 Günther, Völkerr. II, p. 276 suiv.

2 Moser, Vers. VI, p. 118. Günther, loc. cit. II, p. 298 suiv.

3 Vattel I, 22, 271. 273.

• Multum interest utrum damnum quis faciat, an lucro quod adhuc faciebat, uti prohibeatur. L. 1. § 11. D. de aqua. L. 26. D. de damno inf. V. Cocceji, De iure nocendi aliis in Vol. dissert. II, 1199.

et l'adoption des mesures de précaution propres à repousser toute agression du dehors.1

Les périls qui menacent l'existence des États sont nombreux. Tantôt ce sont des forces naturelles et surhumaines ou des bouleversements qui changent la face du monde, tantôt c'est la violence humaine. Les premiers par eux-mêmes ne justifient aucunement des lésions faites à l'existence, aux propriétés et aux droits d'États étrangers et de leurs sujets. Une extrême nécessité pourrait seulement excuser le maintien des propres droits aux dépens des droits d'autrui. Encore faut-il, pour le légitimer, que le danger ne soit pas provoqué volontairement, et que le préjudice occasionné puisse être réparé au moyen d'une indemnité.

En général les principes du droit de conserver l'existence sont les mêmes pour les nations que pour les individus, bien qu'ils soient d'une application plus rare par rapport aux premières. Supposons qu'une nation manque absolument de vivres, ne pourrait-elle, après avoir épuisé tous les moyens, demander à ses voisins qui en ont de reste, de lui en céder à juste prix, ou même en enlever de force, sauf indemnité??

Le droit d'une juste défense est le droit qui appartient à chaque nation de repousser par la force toute agression quelconque. Les autres nations ont même le droit de la secourir, si seule elle ne peut repousser l'agression, et qu'elle veuille être secourue. Assurément il faut une lésion réelle, ou bien une intention manifeste de léser. Tant qu'il n'y a pas lieu de craindre une telle lésion, il est permis seulement de prendre des mesures de précaution, telles que des coalitions, des armements, des constructions de forts etc. Dès que le danger existe, la nation menacée a le droit d'opposer la force, et même d'aller au-devant de l'attaque qui la menace en attaquant elle-même. C'est ce que conseillaient déjà les lois romaines:,, melius est occurrere in tempore quam post exitum vindicare."3

1 Adversus periculum naturalis ratio permittit se defendere. L. 4. D. ad legem Aquil.

2 Vattel II, 120. Bynkershoek, Quaest. jur. publ. II, 15. Grotius II, 2, 9.

3 Loi 1. Cod. quando liceat unicuique.

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