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cependant, que les Consuls Russes prennent des informations exactes de tous les bâtimens qui arrivent sous pavillon Russe, & qu'ils les communiquent ensuite aux Officiers de la Porte, avec lesquels les dits Consuls Russes pourront entretenir réciproquement des liaisons pour se communiquer mutuellement, soit de bouche, ou par écrit, tout ce qui pourra acheminer la sûreté réciproque.

LXIII. Il a été convenu à l'égard des commerçans Russes dans l'Empire Ottoman, qu'en cas de dispute avec un marchand Russe & lors d'une plainte au Cadi à ce sujet, le juge n'informera le procès qu'en présence du Dragoman Russe, & si le Translateur est occupé alors d'une autre affaire importante, on le prorogera jusqu'à son arrivée. Par contre les sujets Russes sont obligés, pour ne point abuser du prétexte de l'absence du Dragoman, de le faire comparoître sans délai en justice. Si la dispute s'élève entre des sujets Russes, leur Ministre à la Sublime Porte ou leurs Consuls pourront examiner leurs différends, & prononcer l'arrêt conformément aux loix & usages Russes, sans le moindre empêchement ou difficulté de la part de qui que ce soit.

LXIV. Les procès, qui passent la somme de quatre mille aspres, seront informés au Divan & pas dans aucun autre Tribunal.

LXV. Si un sujet de la Porte, soit marchand ou autre, a une lettre de change sur un sujet Russe & que celui-ci ou son subordonné ne l'accepte point, on ne pourra pas le forcer de payer sans une cause légitime, mais on en exigera un réfus par écrit, pour s'en servir ensuite contre le tireur. Par contre les Ministres ou les Consuls de Russie s'employeront de tout leur pouvoir à faire payer les bonnes lettres de change.

LXVI. Lorsqu'un marchand Russe voudra partir pour un autre endroit & que le Consul en fera caution, on ne pourra pas l'empêcher sous prétexte de lui faire payer ses dettes; & les procès excédant la somme de quatre mille aspres seront informés à la Cour de Sa Hautesse ainsi qu'on est déjà convenu ci-dessus dans l'Article LXIV du présent Traité.

LXVII. Les Employés à la justice, Officiers, &c., de la Porte ne pourront pas entrer par force dans une maison habitée par un sujet Russe, & dans un cas de nécessité urgente il faudra en prévenir le Ministre ou les Consuls là, où il-y-en-a; ensuite on ira sur les lieux avec ceux qu'ils auront commis à cet effet, faute de quoi la Sublime Porte s'engage à punir les contrevenans selon toute la rigueur des loix.

LXVIII. Les procès entre des sujets Russes & d'autres particuliers, qui auront déjà été terminés juridiquement & par Chodget, ne pourront plus être informés une seconde fois; mais si la nécessité exige ce second examen, on ne permettra point aux parties en litige

de comparoître en justice, ni on n'enverra point des Commissaires ou Huissiers pour les chercher sans en avoir prévenu le Ministre Russe, ou attendu du Consul la réponse avec une explication claire de toute l'affaire. On accordera aussi un tems suffisant pour rassembler des informations détaillées touchant le cas en question. Au reste il a été convenu, que lorsqu'il sera ordonné de revoir derechef un procès déjà terminé, on ne décidera rien à cet égard, qu'à la Cour de Sa Hautesse. Dans ce cas les sujets de Russie & ceux qui en dépendent, peuvent en personne comparoître en justice, ou constituer à leur place des Plénipotentiaires en forme juridique. Les sujets de la Porte, voulant intenter un procès à ceux de Russie, ne seront point écoutés à moins qu'ils ne soyent munis de titres authentiques ou de certificats de la part des Tribunaux.

LXIX. En cas d'une banqueroute d'un Négociant Russe ou d'un autre dépendant de la Russie, les créanciers seront payés des effets restans: si les créanciers ne pourront point produire un témoignage véridique, pour prouver que le Consul Russe, Dragoman, ou autre Russe, font cautions pour le Banqueroutier, on ne fera aucune prétention à la charge des dits Consuls, Dragomans, ou autres sujets Russes quelconques, & on ne les arrêtera point, ni ne leur causera le moindre désagrément sous prétexte qu'ils sont responsables des dettes.

LXX. Si à l'avenir le bien du commerce exigeoit qu'on établisse des Courtiers, tout comme les François en ont en Turquie, ces mêmes Courtiers, nommés par des marchands, de quelque nation qu'ils soient, ne seront aucunement molestés dans l'exercice de leurs charges, ni on ne leur fera aucune violence. Il dépendra absolument du choix des négocians Russes, de nommer des Courtiers de telle nation, que bon leur semble, sans excepter même la Juive. Lorsque ces Courtiers viendront à être congédiés, ou à mourir, ou n'exigera absolument rien de leurs successeurs, sous prétexte du droit nommé Edec.

LXXI. On n'exigera point le droit de Charatsch des sujets Russes, soit mariés ou non mariés, qui habitent dans les Etats de l'Empire Ottoman, & de telle condition qu'ils puissent être.

LXXII. En cas de meurtre ou d'autres désordres entre les sujets Russes, le Ministre ou les Consuls Russes pourront examiner le cas & y prononcer l'arrêt que leur dicteront leurs loix & ordonnances, sans qu'aucun des Officiers de la Porte puisse les en empêcher.

LXXIII. Si on commet un meurtre sur des lieux où se trouvent des sujets Russes, & si on n'aura aucune preuve contre eux ils ne seront aucunement inquiétés à ce sujet par des informations, ni aggravés par le payement de l'amende Dgérémé.

LXXIV. Lorsqu'un sujet de Russie ou tel autre, jouissant de la protection, commettra un meurtre ou un autre crime, & que le

Gouvernement en sera informé, les Juges & Officiers de la Porte ne jugeront de pareils cas, qu'en présence du Consul, ou de ceux qui auront été commis à cet effet par le Ministre ou le Consul, quelque part qu'ils se trouvent. Pour observer la plus grande équité dans ces sortes de cas, on exige réciproquement des deux Contractans qu'ils veillent à ce qu'ils soient examinés & jugés avec une attention égale.

LXXV. Quoiqu'il est très sûr & avec l'aide de Dieu hors de probabilité, que les fondemens de la paix & amitié qui sont établis, & subsistent entre les deux Empires, puissent être ébranlés & renversés; cependant, comme de tems en tems il nait de fausses nouvelles contraires à la vérité, qui troublent la sûreté & donnent de l'inquiétude aux marchands respectifs, il étoit nécessaire d'insérer dans le présent Traité de commerce un Article, qui puisse anéantir une pareille inquiétude des dits marchands. Ainsi on déclare que de la manière, que cela se trouve dans quelques-uns des Traités, s'il arrivoit (Dieu en préserve!) que l'amitié & l'alliance qui subsistent entre l'Empire de Russie & la Sublime Porte, se changeat en discorde & inimitié, les sujets des deux Empires qui font le commerce dans les Etats respectifs, auront la liberté, en comptant du jour de la rupture jusqu'au terme de six mois, de vendre leurs marchandises, effets & tout ce qu'ils possèdent, & s'en retourner sans obstacle avec leurs biens dans les frontières de leur Patrie; ils seront garantis & protégés de tous les deux côtés, & on ne manquera pas de leur accorder des deux Parts l'assistance & protection nécessaire.

LXXVI. Pour faciliter le commerce des sujets respectifs, ainsi que la correspondance réciproque, la Sublime Porte s'engage de pourvoir aux moyens de la célérité, sûreté & commodité de la Poste & des Couriers Russes, qui vont & viennent aux frontières de la Russie. C'est à quoi la Cour Impériale de Russie s'engage pareillement de son côté.

LXXVII. Comme dans l'Article XI du Traité de Cainardgé & dans l'Article VI de la Convention explicatoire il a été arrêté, que le commerce Russe jouira de tous les droits & priviléges qui sont accordés dans les Capitulations Françoises & Angloises; & quoiqu'une partie de ces Capitulations ait été insérée dans ce Traité, pour autant qu'elles ont du rapport au commerce Russe, cependant les deux Hautes Parties Contractantes s'engagent en outre de laisser dans leur force même ceux des Articles des Capitulations qui ne sont pas insérés ici, pour l'avantage des sujets Russes. En conséquence la Sublime Porte confirme aux sujets Russes tout ce qui est renfermé dans les Capitulations avec les Vénitiens, vu qu'elles sont appropriées aux François dans leurs Capitulations avec la Porte, en défendant au reste à tous & à chacun de n'opposer aucun obstacle ni chicane à l'exécution de ce Traité avec la Cour Impériale de Russie.

LXXVIII. Tous les Gouverneurs, Amiraux, Vicaires, Cadis, Directeurs de Douane, Capitaines de la Marine, & en général tous les habitans de l'Empire Ottoman, ainsi que tous les sujets Russes de toute condition, seront tenus de remplir le présent Traité avec toute l'exactitude possible & sans y porter la moindre atteinte. Si quelqu'un s'y oppose, ou témoigne de la mauvaise volonté dans son exécution, il sera déclaré rebelle & criminel, & puni comme tel sans délai, pour servir d'exemple aux autres.

LXXIX. Pareillement les deux Hautes Parties Contractantes s'engagent à ne point contrevenir au présent Traité, & les Gouverneurs, Commandans, Cadis, Douaniers, Voivodes, Mousselimes, Officiers & autres personnes, employées dans l'Empire Ottoman, ne doivent pas contrevenir à ce Traité, & si de part ou d'autre on l'enfreint en inquiétant quelqu'un, soit de parole ou par faits, les sujets Russes seront punis par les Consuls ou leurs Chefs, conformément à ce Traité, tout comme la Sublime Porte s'engage à avoir soin que ses sujets soyent punis sur les représentations du Ministre ou des Consuls Russes, & après un examen suffisant de l'affaire, si le cas l'exige.

LXXX. En outre la Cour Impériale de Russie, pour témoigner l'amitié particulière, qu'Elle porte à la Sublime Porte, promet par le présent Article de donner en toute occasion aux sujets de la Porte toute sorte de secours, quant à leurs affaires mercantiles dans les Ports de Russie, pour étendre le commerce réciproque, ainsi que leur accorder toute justice dans les Tribunaux.

LXXXI. Au reste, comme la Cour Impériale de Russie, en s'accordant dans ce Traité de commerce sur les droits de Douane & autres Stipulations en faveur de ses sujets commerçans dans les Etats de la Porte Ottomane, ne demande rien autre chose que les mêmes avantages & une parfaite égalité avec les Nations favorisées dans les Etats de la Porte, à quoi la.Porte s'est déjà engagée par l'Article XI du Traité de Paix de Cainardgé & le l'Article VI de la Convention explicatoire, les sujets de la Porte, pour ce qui est de leur commerce dans les Ports de Russie, ne pourront pareillement exiger autre chose si non une parfaite égalité avec les Nations les plus favorisées en Russie, & ne payeront par conséquent dans les Etats de Russie qu'exactement les mêmes droits que payent les Anglois & les autres Nations les plus amies, d'après les Tarifs établis en Russie.

Le présent Traité de commerce sera, tant de la part de Sa Majesté Impériale la Très-Auguste & Très-Puissante Impératrice & Souveraine de Toutes les Russies, que de celle de Sa Hautesse le Sultan Ottoman, confirmé & ratifié par des Ratifications solennelles, signées & écrites de la manière usitée, qui seront échangées à Constantinople le plûtot possible, & au plus tard dans l'espace de quatre mois, à compter du jour de la conclusion de ce Traité, duquel les Plénipotentiaires

respectifs ayant fait deux exemplaires d'un contenu égal, les ont signés de leurs mains, cachetés de leurs cachets, & échangés entre eux. Fait à Constantinople, ce 10 Juin, 1783.

(L.S.) JAQUES DE BOULGAKOFF.

(L.S.) MEHEMED HAYRI.

[Ce Traité de commerce a été ratifié par Sa Maj. Impériale ainsi que par Sa Hautesse, & les Ratifications ont été échangées selon l'usage ordinaire par les Plénipotentiaires respectifs, le 21 Sept. 1783.]

No. 16.-Treaty. (Peace.) Constantinople, January 8, 1784.*

Traité de paix & d'amitié entre Sa Majesté l'Impératrice de Toutes les Russies & la Porte Ottomane. Signé à Constantinople, ce 28 Dec. 1783, v. st. (8 Janv. 1784.)

Au Nom du Dieu Tout-Puissant.

LA Cour Impériale de Russie & la Sublime Porte Ottomane voulant & désirant saisir toutes les occasions qui peuvent produire l'accroissement & l'affermissement de l'amitié & de la bonne harmonie, qui existent entre Elles, & considérant, que le nouvel état des choses en Crimée, à Taman & dans le Cuban, auroit pu occasionner des discussions & peut-être une rupture entre les deux Empires, les dites deux Cours ont pris la résolution de s'entendre amiablement sur cette affaire, & après l'avoir bien considérée, voulant constamment, qu'il ne reste dorénavant entre Elles aucun sujet de discussion, pour pouvoir à l'avenir jouir de part & d'autre des avantages d'une paix solide & heureuse du bon voisinage & du commerce établi, ont trouvé nécessaire de la régler sur un pied solide. En conséquence de quoi, les deux Empires s'étant expliqués là-dessus, & voulant stipuler l'acte présent avec l'engagement le plus solennel de l'observer exactement, ont choisi & muni de leurs Plein-pouvoirs, savoir, S. M. Impériale de Toutes les Russies de sa part, le haut & noble Jaques de Bulhakow son Envoyé Extraordinaire & Ministre Plénipotentiaire auprès de la Sublime Porte Ottomane, Conseiller d'Etat, & Chevalier des Ordres de Wladimir & de St. Stanislas, & S. M. le Sultan Ottoman de son côté, les très-honorés & très-éstimés son Grand Amiral actuel le Vizir

* Martens. Vol. 2. Page 505.

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