de Kiang nan. s'y mêle, comme auparavant, une infiProvince nité de particules de fel, qu'on extrait une feconde fois & de la même maniere. Tandis que les hommes travaillent à la campagne, les femmes avec leurs enfans font bouillir les eaux falées; elles en rempliffent de grands baffins de fer, où ces eaux s'épaiffiffent & fe changent peu peu en un fel très-blanc, qu'on remue fans ceffe avec une large fpatule de fer, jufqu'à ce qu'il foit entièrement fec. Dans les autres terres, les habitans font tous les ans deux récoltes, l'une de grains, qui fe fait au mois de Mai, & l'autre de riz & de coton, qui se fait au mois de Septembre. On ne compte dans toute l'ifle qu'une ville du troisieme rang; mais les villages y font en fi grand nombre, qu'ils femblent fe toucher & ne former, pour ainfi dire, qu'une feule & vafte habitation. L'air y eft fain & tempéré, le pays riant, & la campagne coupée d'une infinité de canaux entretenus avec beaucoup de foin. Il y a dans ce pays un affez grand nombre de Mandarins; mais le Gouverneur de l'isle est un Mandarin de Lettres; c'est lui seul qui administre la justice, qui est chargé de Kiang nan. chargé de recevoir le tribut que chaque famille paye à l'Empereur, qui diftribue Province les paffe-ports aux vaiffeaux, & qui condamne à mort les criminels. Quand on a besoin de pluie & de beau temps, ce Mandarin fait afficher des Ordonnances qui prefcrivent un jeûne univerfel : il est défendu alors aux Bouchers & aux Traiteurs de rien vendre, fous les peines les plus grieves; cependant ils ne laiffentpas de fe défaire de leur viande en cachette, moyennant quelque argent qu'ils donnent fous main aux gens du Tribunal, qui veillent à l'observation de la Loi. Le Mandarin marche enfuite, accompagné de fes fubalternes, vers le temple de l'Idole qu'on veut invoquer; il allume fur fon autel deux ou trois petites baguettes de parfum, après quoi tous s'affeyent: pour paffer le temps, on prend du thé, on fume, on caufe une heure ou deux, & enfin l'on fe retire: c'est ce qu'ils appellent demander de la pluie ou du beau temps. Le P. Jacquemin raconte que de fon temps le Vice-Roi d'une Province s'impatientant de voir que la pluie n'étoit point accordée à fes demandes réitérées, envoya un petit Mandarin dire de fa Tome I. D part à l'Idole, que fi la pluie ne venoit Province pas à tel jour qu'il défignoit, il la chafde Kiang feroit de la ville & feroit rafer fon tem nan. ple: la pluie n'étant point venue au jour marqué, le Vice-Roi indigné défendit au peuple de porter, felon l'ufage, fon offrande à l'Idole, & voulut qu'on fermât fon temple & qu'on en fcellât les portes; ce qui fut exécuté fur le champ. L'ifle de Tfong-ming s'étend du fudeft au nord-oueft, & a environ vingt lieues de longueur fur cinq à fix de large. de ARTICLE III. Province de Kiang-fi. CETTE Province eft bornée au nord par Province la Province de Kiang-nan, au couchant Kiangf. par celle de Hou-quang, au midi par celle de Quang-tong, & au levant par celles de Fo-kien & de Tche-kiang. Cette contrée est extrêmement fertile; mais elle est si peuplée, qu'elle peut à peine fournir aux befoins de fes habitans; auffi paffent-ils pour être fort économes, ce qui leur attire des railleries & des farcalmes de la part des Chinois des autres Provinces ; du refte ils ont l'efprit vif & folide, & Province le talent de parvenir rapidement aux dignités de l'Etat. Les montagnes de cette Province font couvertes de fimples, & recelent un grand nombre de mines d'or, d'argent, de plomb, de fer & d'étain; le riz qu'elle produit eft très-délicat; on en charge chaque année plufieurs barques pour la Cour. Sa porcelaine est une des plus fines & des plus eftimées de l'Empire. Cette Province contient treize villes du premier ordre, & foixante-dix-huit du fecond & du troisieme. La capitale eft Nan-tchang-fou; cette ville n'a d'autre commerce que celui de la porcelaine qui fe fabrique dans le voifinage d'lao-tcheou. Elle est la résidence d'un Vice-Roi, & comprend fous fa jurifdiction huit villes, dont fept font du troisieme ordre & une feule du fecond; fes campagnes font tellement cultivées, qu'à peine laiffe-t-on de quoi paître aux troupeaux. Tao-tcheou-fou eft fituée fur le bord feptentrional de la riviere Po, qui se jette peu de distance dans le lac Po-yang ; elle commande à sept autres villes du à de Kiang-fi. de troisieme ordre. Cette ville eft particuProvince liérement célebre par la belle porcelaine Kiang-fi. qui fe fabrique dans une bourgade de fon diftrict, appelée King-te-tching. Ce bourg, où se trouvent réunis les plus habiles Ouvriers en porcelaine, est aussi peuplé que les plus grandes villes de la Chine; on y compte un million d'habitans, & il s'y confomme chaque jour plus de dix mille charges de riz. Il occupe une lieue & demie de terrein le long des bords d'une belle riviere : ce n'eft point un affemblage de maisons éparfes, entremêlées de terreins vagues; on fe plaint au contraire que les maifons y foient trop ferrées les unes contre les autres, & que les longues rues qu'elles forment foient trop étroites. En les traverfant, on s'imagine être transporté au milieu d'une foire, & l'on n'entend de tous côtés que les cris des porte-faix qui fe font faire paffage. Les denrées y font d'autant plus cheres, qu'il faut faire venir d'ailleurs tout ce qui s'y consomme, & même jufqu'au bois, néceffaire pour entretenir le feu des fourneaux, qu'on eft obligé de tirer actuellement de près de cent lieues. Ce bourg, malgré la cherté des vivres, & l'afile d'une infinité |