ARTICLE VII. Herbes & plantes médicinales de la Chine. LES fimples & les herbes médicinales qui croiffent à la Chine, forment une des Herbes & plantes mébranches les plus riches, les plus variées dicinales de & les plus étendues de fon Hiftoire Na- la Chine. turelle. Comme notre objet n'eft point de donner ici un Herbier Chinois, nous nous contenterons d'indiquer les principales. La rhubarbe. LE Tai-hoang, ou la rhubarbe, croît dans plufieurs des Provinces de cet Empire; mais la meilleure eft celle de Se-tchuen, qu'on regarde comme très-fupérieure à celle du Chen-fi & du Thibet. La tige de la rhubarbe reffemble aux petits bamboux, ou cannes Chinoifes; elle est vide & très-caffante. Elle s'éleve à la hauteur de trois ou quatre pieds, & fa couleur eft d'un violet obfcur. Dans la feconde lune, c'est-à-dire, au mois de Mars, elle pouffe des feuilles longues, épaiffes, plantes médicinales de la Chine. & dont la furface eft rude au toucher; Herbes & ces feuilles, rangées quatre à quatre fur une même queue, forment un calice. Les fleurs que portent cette plante font de couleur jaune, quelquefois de couleur violette. A la cinquieme lune, elle produit une petite femence noire de la groffeur d'un grain de millet. A la huitieme lune, on l'arrache. Les racines de rhubarbe qu'on eftime les meilleures, font les plus pefantes, & celles dont la fubftance eft la plus marbrée. Il est trèsdifficile de les fécher, & de parvenir à en exprimer toute l'humidité. Les Chinois, après les avoir nettoyées, les coupent en tronçons de l'épaiffeur d'un pouce ou deux, & les font fécher fur des tables de pierre, fous lefquelles ils allument un grand feu. Ils tournent & retournent continuellement ces tronçons fur ces tables échauffées; mais comme cette opération n'eft point encore fuffifante pour les fécher parfaitement, ils enfilent tous ces morceaux en forme de chapelet, & les fufpendent à la plus forte ardeur du foleil, jufqu'à ce qu'ils foient en état d'être confervés fans danger de fe corrompre. ༦ Les Médecins Chinois font affez d'ac plantes mé cord avec les Médecins Européens, fur les propriétés de la rhubarbe & fur l'em- Herbes & ploi qu'on doit en faire. Il eft très-rare dicinales de cependant qu'ils fe fervent de cette plante la Chine. crue & en substance: ils l'emploient plus volontiers en décoction, avec quelques autres fimples qu'ils y mêlent. La rhubarbe eft à très-bas prix à la Chine; la meilleure n'y vaut que quatre fous la livre. Le Hia-tfao-tong-kong (*). CETTE plante a toute la configuration d'un ver. On y diftingue la tête, les yeux, le corps, les pieds des deux côtés du ventre, & les différens plis que la peau forme fur fon dos. Cette reflemblance eft fur-tout fenfible, lorfque la plante eft fraîche & récente. Car fi on la garde long-temps, & fur-tout fi on l'expofe à l'air, elle devient noirâtre & fe corrompt aisément, à cause de la molleffe de fa fubftance. Cette plante eft longue de neuf lignes, & de couleur jaunâtre; elle est très-rare à la Chine, où elle paffe pour étrangere, & l'on (*) Ce nom chinois fignifie, plante qui, d'herbe qu'elle étoit pendant l'été, devient un ver pendant l'hiver. en trouve difficilement ailleurs que dans Herbes & le palais de l'Empereur. Le Hia-tfaodicinales de tong-kong croît dans le Thibet; mais on plantes mé la Chine. en trouve auffi, quoiqu'en petite quantité, dans la Province de Se-tchuen qui confine au Thibet, & dans le Houquang. foit Les propriétés de cette racine font à peu près les mêmes que celles qu'on attribue au Gin-feng, excepté toutefois que l'usage fréquent qu'on peut en faire ne caufe pas, comme le Gin-feng, des ébullitions de fang & des hémorragies. Elle fortifie l'eftomac, & répare les forces perdues, foit par l'excès du travail par de longues maladies. Le P. Parennin affure en avoir fait lui-même une heureuse expérience. Le Tfong-tou, ou » Vice-Roi des deux Provinces de Se»tchuen & de Chen-fi, dit ce célebre Miffionnaire, étant venu en Tartarie " pour rendre fes devoirs à l'Empereur » apporta, felon la coutume, ce qu'il » avoit trouvé de plus fingulier dans fon département ou dans les pays circon "voifins, & entre autres chofes des » racines Hia-tao-tong-kong. Comme je l'avois connu autrefois, il me fit l'hon» neur de me venir voir. J'étois alors plantes mé dans un abattement extrême caufé » par les fréquens voyages qu'il me faut Herbes faire durant les rigueurs d'une faifon dicinales de froide & humide. J'avois perdu l'appé- la Chine. >> tit & le fommeil, & je languiffois » nonobftant les divers remedes qu'on » m'avoit donnés. Touché de mon état, » il me propofa d'ufer de fa racine, qui » m'étoit tout-à-fait inconnue, & il » m'enseigna la maniere de la préparer. » Il faut, me dit-il, prendre cinq drachmes » de cette racine toute entiere avec fa queue, » & en farcir le ventre d'un canard domeftique, que vous ferez cuire à petit feu. Quand il fera cuit, retirez-en la racine dont la vertu aura paffé dans la chair » du canard, & mangez-en foir & matin pendant huit à dix jours. J'en fis l'épreuve, & en effet l'appétit me re" vint & mes forces fe rétablirent. Les » Médecins de l'Empereur, que je con» fultai fur la vertu de cette racine, me l'expliquerent de la même maniere qu'avoit fait le Tfong-tou; mais ils. me dirent qu'ils ne l'ordonnoient que » dans le palais, à caufe de la difficulté » qu'il y a d'en avoir; & que, s'il s'en » trouvoit à la Chine, ce ne pouvoit » être que dans la Province de HouTome I. 09 כל |