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SCÈNE V.

LA PRINCESSE, AGLANTE, MORON.

LA PRINCESSE.

Ah! qu'en cette aventure le ciel me traite avec une rigueur étrange! Au moins, princesse, souvenez-vous de la prière que je vous ai faite.

AGLANTE.

Je vous l'ai dit déja, madame, il faut vous obéir.

SCÈNE VI.

LA PRINCESSE, MORON.

MORON..

Mais, madame, s'il vous aimoit, vous n'en voudriez point; et cependant vous ne voulez pas qu'il soit à une autre. C'est faire justement comme le chien du jardinier.

LA PRINCESSE.

Non, je ne puis souffrir qu'il soit heureux avec une autre; et, si la chose étoit, je crois que j'en mourrois de déplaisir.

MORON.

Ma foi, madame, avouons la dette: vous voudriez qu'il fût à vous; et dans toutes vos actions il est aisé de voir que vous aimez un peu ce jeune prince.

LA PRINCESSE.

Moi, je l'aime! O ciel! je l'aime! Avez-vous l'insolence

de prononcer ces paroles? Sortez de ma vue, impudent, et ne vous présentez jamais devant moi.

Madame...

MORON.

LA PRINCESSE.

Retirez-vous d'ici, vous dis-je, ou je vous en ferai retirer d'une autre manière.

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Ma foi, son cœur en a sa provision, et...

(Il rencontre un regard de la princesse, qui l'oblige à se retirer.)

SCÈNE VII.

LA PRINCESSE.

De quelle émotion inconnue sens-je mon cœur atteint? et quelle inquiétude secrète est venue troubler tout d'un coup la tranquillité de mon ame? Ne seroit-ce point aussi ce qu'on vient de me dire? et, sans en rien savoir, n'aimerois-je point ce jeune prince? Ah! si cela étoit, je serois personne à me désespérer. Mais il est impossible que cela soit, et je vois bien que je ne puis pas l'aimer. Quoi! je serois capable de cette lâcheté! J'ai vu toute la terre à mes pieds avec la plus grande insensibilité du monde; les respects, les hommages et les soumissions, n'ont jamais pu toucher mon ame: et la fierté et le dédain en auroient triomphé! J'ai méprisé tous ceux qui m'ont aimée; et j'aimerois le seul qui me méprise! Non, non, je sais bien que je ne l'aime pas. Il n'y a pas de raison à cela. Mais si ce n'est pas de l'amour que ce que je sens

maintenant, qu'est-ce donc que ce peut être? et d'où vient ce poison qui me court par toutes les veines, et ne me laisse point en repos avec moi-même? Sors de mon cœur, qui que tu sois, ennemi qui te caches; attaquemoi visiblement, et deviens à mes yeux la plus affreuse bête de tous nos bois, afin que mon dard et mes flèches me puissent défaire de toi.

III.

FIN DU QUATRIÈME ACTE.

15

SCÈNE I.

LA PRINCESSE.

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vous, admirables personnes qui, par la douceur de vos chants, avez l'art d'adoucir les plus fâcheuses inquiétudes, approchez-vous d'ici, de grace, et tâchez de charmer avec votre musique le chagrin où je suis.

SCÉNE II.

LA PRINCESSE, CLIMÈNE, PHILIS.

CLIMÈNE chante.

Chère Philis, dis-moi, que crois-tu de l'amour ?
PHILIS chante.

Toi-même, qu'en crois-tu, ma compagne fidèle ?
CLIMÈNE.

On m'a dit que sa flamme est pire qu'un vautour,
Et qu'on souffre en aimant une peine cruelle.

PHILIS.

On m'a dit qu'il n'est point de passion plus belle,
Et que ne pas aimer, c'est renoncer au jour.

CLIMÈNE.

A qui des deux dounerons-nous victoire?

PHILIS.

Qu'en croirons-nous, ou le mal, ou le bien?

TOUTES DEUX ENSEMBLE.

Aimons, c'est le vrai moyen

De savoir ce qu'on en doit croire.

PHILIS.

Chloris vante partout l'amour et ses ardeurs.
CLIMÈNE.

Amaranté pour lui verse en tous lieux des larmes.

PHILIS.

Si de tant de tourments il accable les cœurs,
D'où vient qu'on aime à lui rendre les armes ?
CLIMÈNE.

Si sa flamme, Philis, est si pleine de charmes,
Pourquoi nous défend-on d'en goûter les douceurs?

PHILIS.

A qui des deux donnerons-nous victoire?

CLIMÈNE.

Qu'en croirons-nous, ou le mal, ou le bien ?

TOUTES DEUX ENSEMBLE.

Aimons, c'est le vrai moyen

De savoir ce qu'on en doit croire.

LA PRINCESSE.

Achevez seules, si vous le voulez. Je ne saurois demeurer en repos ; et quelque douceur qu'aient vos chants, ils ne font que redoubler mon inquiétude.

FIN DU QUATRIÈME INTERMÈDE,

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