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SCÈNE IX.

SGANARELLE.

Comment! on ne sauroit tirer une parole positive de ce chien d'homme-là, et l'on est aussi savant à la fin qu'au commencement! Que dois-je faire dans l'incertitude des suites de mon mariage? Jamais homme ne fut plus embarrassé que je suis. Ah! voici des Bohémiennes : il faut que je me fasse dire par elles ma bonne aventure.

SCÈNE X.

DEUX BOHÉMIENNES, SGANARELLE.

(Les deux Bohémiennes, avec leur tambour de Basque, entrent' en chantant et en dansant.)

SGANARELLE.

Elles sont gaillardes. Écoutez, vous autres y a-t-il moyen de me dire ma bonne fortune?

I. BOHÉMIENNE.

Oui, mon bon monsieur, nous voici deux qui te la dirons.

II. BOHÉMIENNE.

Tu n'as seulement qu'à nous donner ta main avec la croix dedans; et nous te dirons quelque chose pour ton bon profit.

SGANARELLE.

Tenez, les voilà toutes deux, avec ce que vous démandez.

I. BOHÉMIENNE.

Tu as une bonne physionomie, mon bon monsieur, une bonne physionomie.

II. BOHÉMIENNE.

Oui, une bonne physionomie; physionomie d'un homme qui sera un jour quelque chose.

I. BOHÉMIENNE.

Tu seras marié avant qu'il soit peu, mon bon monsieur; tu seras marié avant qu'il soit peu.

II. BOHÉMIENNE.

Tu épouseras une femme gentille, une femme gentille.

I. BOHÉMIENNE,

Oui, une femme qui sera chérie et aimée de tout le monde.

II. BOHÉMIENNE.

Une femme qui te fera beaucoup d'amis, mon bon monsieur, qui te fera beaucoup d'amis.

I. BOHÉMIENNE.

Une femme qui fera venir l'abondance chez toi.
II. BOHÉMIENNE.

Une femme qui te donnera une grande réputation.

I. BOHÉMIENNE.

Tu seras considéré par elle, mon bon monsieur; tu seras considéré par elle.

SGANARELLE.

Voilà qui est bien. Mais dites-moi un peu, suis-je menacé d'être cocu?

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Oui, si je suis menacé d'être cocu.

(Les deux Bohémiennes dansent et chantent.)

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Que diable! ce n'est pas là me répondre. Venez çà: je vous demande à toutes deux si je serai cocu.

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(Les deux Bohémiennes sortent en chantant et en dansant.)

SCÈNE XI.

SGANARELLE.

Peste soit des carogues, qui me laissent dans l'inquiétude! Il faut absolument que je sache la destinée de mon mariage; et, pour cela, je veux aller trouver ce grand magi

cien dont tout le monde parle tant, et qui, par son art admirable, fait voir tout ce que l'on souhaite. Ma foi, je crois que je n'ai que faire d'aller au magicien, et voici qui me montre tout ce que je puis demander.

SCÈNE XII.

DORIMÈNE, LYCASTE, SGANARELLE, retiré dans un coin du théâtre sans être vu.

LYCASTE.

Quoi! belle dorimène, c'est sans raillerie que vous parlez ?

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Et vous pouvez, cruelle que vous êtes, oublier de la sorte l'amour que j'ai pour vous, et les obligeantes paroles que vous m'aviez données?

DORIMÈNE.

Moi? point du tout. Je vous considère toujours de même; et ce mariage ne doit point vous inquiéter. C'est

un homme que je n'épouse point par amour, et sa seule richesse me fait résoudre à l'accepter. Je n'ai point de bien, vous n'en avez point aussi; et vous savez que sans cela on passe mal le temps au monde, et qu'à quelque prix que ce soit il faut tàcher d'en avoir. J'ai embrassé cette occasion-ci de me mettre à mon aise; et je l'ai fait sur l'espérance de me voir bientôt délivrée du barbon que je prends. C'est un homme qui mourra avant qu'il soit peu, et qui n'a tout au plus que six mois dans le ventre. Je vous le garantis défunt dans le temps que je dis ; et je n'aurai pas longuement à demander pour moi au ciel l'heureux état de veuve...

(A Sganarelle qu'elle aperçoit.)

Ah! nous parlions de vous, et nous en disions tout le bien qu'on en sauroit dire.

Est-ce là monsieur?

LYCASTE.

DORIMÈNE.

Oui, c'est monsieur qui me prend pour femme.

LYCASTE.

Agréez, monsieur, que je vous félicite de votre mariage, et vous présente en même temps mes très-humbles services: je vous assure que vous épousez là une trèshonnête personne. Et vous, mademoiselle, je me réjouis avec vous aussi de l'heureux choix que vous avez fait: vous ne pouviez pas mieux trouver; et monsieur a toute la mine d'être un fort bon mari. Oui, monsieur, je veux faire amitié avec vous, et lier ensemble un petit commerce de visites et de divertissements.

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