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SCÈNE III.

Page 240. Après le couplet de done Elvire, qui finit par me saura venger de ta perfidie, il y a, dans l'édition d'Amsterdam, le dialogue suivant:

DON JUAN, SGANARELLE.

SGANARELLE.

Je veux savoir un peu vos pensées à fond.

(Tout ce qui suit ne se trouve pas dans l'édition de 1773.)

SGANARELLE.

Est-il possible que vous ne croyez point du tout au ciel?

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Tout de même. Et au diable, s'il vous plaît?

Oui, oui.

DON JUAN.

SGANARELLE.

Aussi peu. Ne croyez-vous point à l'autre vie?

Ah! ah! ah!

DON JUAN.

SGANARELLE.

Voilà un homme que j'aurai bien de la peine à convertir. Et, dites-moi un peu, le moine bourru, qu'en croyez-vous? Hé!

DON JUAN.

La peste soit du fat!

SGANARELLE.

Et voilà ce que je ne puis souffrir; car il n'y a rien de plus vrai que le moine bourru, et je me ferois pendre pour celui-là. Mais encore faut-il croire quelque chose dans le monde; qu'est-ce donc que vous croyez?

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Je crois que deux et deux font quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre font huit.

SGANARELLE.

Belle croyance! et les beaux articles de foi que voici ; votre religion, à ce que je vois, est donc l'arithmétique? Il faut avouer qu'il se met d'étranges folies dans la tête des hommes, et que, pour avoir étudié, on est bien moins sage le plus souvent. Pour moi, monsieur, je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne se sauroit vanter de m'avoir jamais rien appris; mais, avec mon petit sens et mon petit jugement, je vois les choses mieux que tous vos livres, et je comprends fort bien que ce monde, que nous voyons, n'est pas un champignon qui soit venu tout seul dans une nuit. Je voudrois bien vous demander qui a fait ces ormes-là, ces rochers, cette terre, et ce ciel que voilà là-haut, et si tout cela s'est bâti de lui-même. Vous voilà, vous, par exemple, vous êtes là: est-ce que vous vous êtes fait tout seul? Et n'a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour vous faire? Pouvez-vous voir toutes ces inventions, dont la machine de l'homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est engencé l'un dans l'autre ? Ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces..., ce poumon, ce cœur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là, et qui... Ah! dame! interrompez-moi donc si vous voulez; je ne saurois disputer si l'on ne m'interrompt. Vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice.

DON JUAN.

J'attends que ton raisonnement soit fini.

SGANARELLE.

Mon raisonnement est qu'il y a quelque chose d'ad

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mirable dans l'homme, quoi que vous puissiez dire, que tous les savants ne sauroient expliquer. Cela n'est-il pas merveilleux, que me voilà ici, et que j'aie quelque chose dans la tête qui pense cent choses différentes dans un moment, et fait de mon corps tout ce qu'il veut! Je veux frapper des mains, hausser le bras, lever les yeux au ciel, baisser la tête, remuer les pieds; aller à droite, à gauche, en avant, en arrière; tourner. (Il se laisse tomber en se tournant.)

DON JUAN.

Bon, voilà ton raisonnement qui a le nez cassé.

SGANARELLE.

Morbleu! je suis bien sot de raisonner avec vous; croyez ce que vous voudrez, il m'importe bien que vous soyez damné.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE II.

DON JUAN, SGANARELLE, UN PAUVRE.

SGANARELLE.

Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.

LE PAUVRE.

Vous n'avez qu'à suivre cette route, messieurs, et tourner à main droite quand vous serez au bout de la forêt, mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que, depuis quelque temps, il y a des voleurs

ici autour.

DON JUAN.

Je te suis obligé, mon ami, et je te rends graces de

tout mon cœur.

LE PAUVRE.

Si vous voulez me secourir, monsieur, de quelque aumine.

DON JUAN.

Ah! ah! ton avis est intéressé, à ce que je vois.

LE PAUVRE.

Je suis un pauvre homme, monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis plus de dix ans, et je ne manquerai pas de prier le ciel qu'il vous donne toute sorte de biens.

DON JUAN.

Eh! prie le ciel qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.

SGANARELLE.

Vous ne connoissez pas, monsieur, ce bon homme; il ne croit qu'en deux et deux font quatre, et en quatre et quatre font huit.

DON JUAN.

Quelle est ton occupation parmi ces arbres?

LE PAUVRE.

De prier le ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose.

DON JUAN.

Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise?

LE PAUVRE.

Hélas! monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.

DON JUAN.

Tu te moques: un homme qui prie le ciel tout le jour ne peut manquer d'être bien dans ses affaires.

LE PAUVRE.

Je vous assure, monsieur, que le plus souvent je n'ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents.

DON JUAN.

Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah! ah! je m'en vais te donner un louis d'or toutà-l'heure, pourvu que tu veuilles jurer.

LE PAUVRE.

Ah! monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché?

DON JUAN.

Tu n'as qu'à voir si tu veux gagner un louis d'or, ou non; en voici un que je te donne, si tu jures: tiens; il faut jurer.

Monsieur!

LE PAUVRE.

DON JUAN.

A moins de cela, tu ne l'auras pas.

SGANARELLE.

Va, va, jure un peu; il n'y a pas de mal.

DON JUAN.

Prends, le voilà, prends, te dis-je; mais jure donc.

LE PAUVRE.

Non, monsieur; j'aime mieux mourir de faim.

DON JUAN.

Va, va, je te le donne pour l'amour de l'humanité. Mais que vois-je là? un homme attaqué par trois autres! La partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté.

ACTE CINQUIÈME.

Page 323.

SCÈNE II.

SGANARELLE.

Quoi! vous ne croyez rien du tout, et vous voulez vous ériger en homme de bien?

Édition de 1773.

Quoi! toujours libertin et débauché, vous voulez cependant vous ériger en homme de bien?

Page 324.

DON JUAN.

Après, Et tous les vices à la mode passent pour vertus, il y a dans l'édition d'Amsterdam : Le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer.

Page 324. Suite de la tirade de don Juan.

Après, Ont r'habillé adroitement les désordres de leur jeunesse, il y a dans l'édition d'Amsterdam: Qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont permission d'être les plus méchants hommes du monde.

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