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MOLIÈRE, marquis ridicule.
BRÉCOURT, homme de qualité.
LA GRANGE, marquis ridicule.
DU CROISY, poète

Mademoiselle DUPARC, marquise façonnière.
Mademoiselle BÉJART, prude.

Mademoiselle DE BRIE, sage coquette.
Mademoiselle MOLIÈRE, satirique spirituelle.
Mademoiselle DU CROISY, peste doucereuse.
Mademoiselle HERVÉ, servante précieuse.
LA THORILLIÈRE, marquis fâcheux.
BÉJART, homme qui fait le nécessaire.
QUATRE NÉCESSAIRES.

La scène est à Versailles, dans l'antichambre du roi.

DE VERSAILLES.

SCÈNE PREMIÈRE.

MOLIÈRE, BRÉCOURT, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DU PARC, BÉJART, DE BRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.

MOLIÈRE, seul, parlant à ses camarades qui sont derrière le théâtre.

ALLONS donc, messieurs et mesdames, vous moquezvous avec votre longueur? et ne voulez-vous pas tous venir ici? La peste soit des gens! Holà, ho, monsieur de Brécourt.

BRÉCOURT, derrière le théâtre.

Quoi?

MOLIÈRE.

Monsieur de La Grange.

LA GRANGE, derrière le théâtre.

Qu'est-ce ?

MOLIÈRE.

Monsieur du Croisy,

DU CROISY, derrière le théâtre.

Plait-il?

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Je crois que je deviendrai fou avec tous ces gens-ci. Hé!

(Brécourt, La Grange, Du Croisy, entrent.)

Têtebleu! messieurs, me voulez-vous faire enrager aujourd'hui ?

BRÉCOURT.

Que voulez-vous qu'on fasse? Nous ne savons pas nos rôles; et c'est nous faire enrager vous-même que de nous obliger à jouer de la sorte.

MOLIÈRE.

Ah! les étranges animaux à conduire que des comé

diens!

(Mesdemoiselles Béjart, du Pare, de Brie, Molière, du Croisy et Hervé, arrivent.)

MADEMOISELLE BÉJART.

Hé bien! nous voilà. Que prétendez-vous faire ?

MADEMOISELLE DU PAR C.

Quelle est votre pensée ?

MADEMOISELLE DE BRIE.

De quoi est-il question?

MOLIÈRE.

De grace, mettons-nous ici ; et puisque nous voilà tous habillés, et que le roi ne doit venir de deux heures, employons ce temps à répéter notre affaire, et voir la manière dont il faut jouer les choses.

LA GRANGE.

Le moyen de jouer ce qu'on ne sait pas ?

MADEMOISELLE DU PARC.

Pour moi, je vous déclare que je ne me souviens pas d'un mot de mon personnage.

MADEMOISELLE DE BRIE.

Je sais bien qu'il me faudra souffler le mien d'un bout à l'autre.

MADEMOISELLE BÉJART.

Et moi, je me prépare fort à tenir mon rôle à la main. MADEMOISELLE MOLIÈRE.

Et moi aussi.

MADEMOISELLE HERVÉ.

Pour moi, je n'ai pas grand'chose à dire.

MADEMOISELLE DU CROISY.

Ni moi non plus: mais, avec cela, je ne répondrois pas de ne point manquer.

DU CROISY.

J'en voudrois être quitte pour dix pistoles.

BRÉCOURT.'

Et moi, pour vingt bons coups de fouet, je vous assure. MOLIÈRE.

Vous voilà tous bien malades d'avoir un méchant rôle à jouer! Et que feriez-vous donc si vous étiez à ma place? MADEMOISELLE BÉJART.

Qui? vous ? Vous n'êtes pas à plaindre; car ayant fait la pièce, vous n'avez pas peur d'y manquer.

MOLIÈRE.

Et n'ai-je à craindre que le manquement de mémoire ? Ne comptez-vous pour rien l'inquiétude d'un succès qui ne regarde que moi seul ? Et pensez-vous que ce soit une petite affaire que d'exposer quelque chose de comique devant une assemblée comme celle-ci, que d'entreprendre de faire rire des personnes qui nous impriment le respect, et ne rient que quand elles veulent? Est-il auteur qui ne doive trembler lorsqu'il en vient à cette épreuve, et n'est-ce pas à moi de dire que je voudrois en être quitte pour toutes les choses du monde ?

MADEMOISELLE BÉJART.

Si cela vous faisoit trembler, vous prendriez mieux vos précautions, et n'auriez pas entrepris en huit jours ce que vous avez fait.

MOLIÈRE.

Le moyen de m'en défendre quand un roi me l'a commandé ?

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