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Relation de la mission du Su-tchuen, écrite le 23 septembre 1812, par Ms". Dufresse, évéque de Tabraca, vicaire apostolique du Su-tchuen.

LES courriers que nous avions envoyés à Canton sont arrivés dans cette province plus de huit mois après leur départ. Ils ne nous out apporté que trois lettres d'Europe. Ces lettres nous donnent des nouvelles plus affligeantes que jamais, et ne nous laissent presque aucune espérance de recevoir ni des prêtres d'Europe ni les autres secours dont nous avons un extrême besoin.

M. Fontana (1) nous est arrivé à bon

port

(1) M. Louis Foisiana étoit parti de Rome en février 1807. Il se rendit d'abord à Lisbonne, et s'y embarqua au mois de juillet de la même année, sur

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et en bonne santé, après avoir couru le plus grand danger sur la rivière qui conduit du Tong-king aux frontières du Yun-nan. Il faillit périr avce nos gens; leur barque fut assaillic par une troupe de brigauds qui les dépouillèrent de tout, même de leurs habits, et en blessèrent plusieurs. Le premier courrier reçut un coup de fusil à l'oreille: Ja plaie n'étoit pas encore guérie lorsqu'il arriva ici. L'un des courriers cut la présence d'esprit de jeter au fond de l'eau trente taëls qu'il portoit sur lui, et qu'il retrouva forsque les brigands se furent éloignés. Les courriers empruutèrent des chrétiens de l'endroit l'argent nécessaire pour se procurer les habits et les autres effets dont ils avoient été dépouillés, et se remirent en route. Tout le voyage par la province du Yun-nan fut des plus heureux; ils n'y rencontrèrent pas le moindre danger. M. Fontana fit toute la route à pied, saus vouloir se servir de la chaise à porteurs que les courriers lui avoient préparée. Parti le 2 janvier de la chrétienté du Tong-king, où il étoit venu joindre les courriers, il arriva le 5 mars au college de M. Hamel; et, après quelques jours de re

un vaisseau qui alloit dans l'Inde. Ayant été obligé de séjourner au Bengale, dat d'ile de Pinang ou du Prince de Galles, à Macao et au Tong-king, it ne put arriver à sa destination qu'en 1812. [4

pos, il se remit en route, et arriva le 20 du même mois à notre maison de résidence. Que Dieu soit béni de nous avoir procuré un secours si nécessaire!

Il nous parvint, au mois de novembre de l'année dernière, un édit de la cour de Péking, concernant l'exécution de la loi portéc auois de juillet précédent (1) contre les prédicateurs de la religion chrétienne, et contre les néophytes qui refusent de la quitter. Cet édit est daté du 5 septembre de la seizième année de Kia-king. Selon cet édit, 1o. les seuls Européens employés à la cour peuvent rester à Péking: ou y souffrira les deux auxquels leur grand âge ne permet pas de retourner dans leur patric (2). Les quatre antres, qui n'ont aucune charge à la cour, retourneront dans leur pays. 2°. Les sept qui restent ne pourront aller et venir sans avoir avec eux quelque maudarin pour les surveil ler et les empêcher d'avoir aucune coninunication avec les Tartares et les autres sujets de l'empire. Il est aussi défendu à toutes personnes du dehors d'entrer dans les églises. 3. Les gouverneurs, vice-gouverneurs et autres mandarins des provinces, sont char

(1) Voyez tome IV, page 534.

Ces deux missionnaires sont M. Poirot, anjesuite, et M. Ghislain, supérieur des lazaristes françois de Peking? [[

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gés d'ordonner de sérieuses perquisitions, pour découvrir s'il n'y a point dans leurs districts quelque Européen caché. Il leur est aussi ordonné de faire arrêter ceux qui s'y glisseroient furtivement dans la suite, et de donner avis du tout. 4°. Les gouverneurs qui ne feront pas des recherches assez exactes, et qui laisseront la religion chrétienne se propager, seront déposés de leurs charges sans rémission, et rigoureusement punis. 5. Si des sujets font profession de celle religion, ou la prêchent de nouveau secrètement, les maudarins sont chargés de les ar rêter, pour qu'ils soient juridiquement jugés et punis. Enfin il est ordonné que cet édit soit publié partout.

Vers le temps auquel je reçus cet édit, on affichoit, par ordre du gouverneur de la province, notre ennemi, la loi contre les prédicateurs de la religion, mais seulcinent inanuscrite. Quelques gouverneurs l'affichoient à la ville et dans les marchés de la campagne, queques autres aux portes seulement de la ville; le plus grand nombre ne l'affichoit nulle part: aucun, que je sache, n'entreprit rien contre la religion; cette publication n'intimida personne. Les prêtres continuèrent le cours de leurs visites avec la même sécurité que cidevant; les chrétiens vaquèrent à leurs exercices avec la même liberté qu'ils prennent Jorsque la persécution n'est point ouverte

ment déclarée contre eux, où dès qu'elle est un peu ralentic, sans avoir été aucunement inquiétés. Maintenant que le gouverneur de la province a certifié, dans son rapport. l'empereur, que les chrétiens de son gouvernement se sont amendes, et ont renonce à leur religion, à l'exception de quelquesuns qui ont été condamnés à l'exil; qu'après les recherches les plus exactes, il ne se trouve dans la province aucun Européen ni aucnu prédicateur de leur religion, quoique ce rapport soit absolument fanx, il ne paroît pas,' non plus que ses subalternes, disposé à faire de nouvelles recherches contre la religion.' Quoique nos livres, les dénonciations faites' aux prétoires mêmes de la capitale, et la voix commune répandue presque partout, ue fui permettent pas d'ignorer qu'il y a des Européens, ou du moins des prédicateurs de la religion, il ne fait aucune démarche pour les découvrir; il semble craindre de se susciter des affaires qui pourroient l'exposer à perdre au moins quelque degré de dignité ou ses honoraires, ou de se jeter dans des enibarras dont il auroit peine à sortir: on verroit que son rapport étoit faux. Le gouverneur feric donc les yeux comme avant la persécution, et n'inquiète pas plus les chrétiens que s'il u'y avoit pas eu d'édit publié contre enx. Néanmoins, quoique la plupart des mandains refusent de recevoir les accusations por

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