Remond. Nous vêmes auffi dans la bibliothèque des Jacobins quelques manufcrits, dont les principaux font la vie de S. Pierre martyr, écrite de fon temps par Thomas patriarche de Jérusalem. Une main récente l'appelle Thomas de Lentino Siculus, five Thomas Agni de Perentino ; & un ouvrage d'Humbert, de Vitis Fratrum Prædicatorum. Nous reftâmes cinq jours à Albi ; & comme nous y étions venus avec la pluye, nous en partîmes auffi avec la pluye, pour alCandelle, ler à Candelle abbaye de l'ordre de Citeaux. Les religieux nous y donnerent affez de marques de leur bon cœur : mais l'abbé ne fuivit pas leurs inclinations. Ainfi nous en fortîmes fans faire grande chofe. Nous allâmes de-là à Gaillac ancienne abbaye, fecularifée depuis plus d'un fiecle, auffi toûjours avec la pluye; Nous avions deffein d'aller de-là à Montauban ; mais les chemins étoient devenus fi impratiquables, que nous fumes obligez Cahors, de prendre la route de Cahors. Lorfque nous y arrivâmes, l'évêque n'y étoit point; mais il y vint le même foir : & comme il devoit partir le lendemain pour Paris, nous fûmes le faluer à la defcente de fon caroffe ; & le même foir nous vîmes fes archives. Il nous fit voir auffi fon palais épiscopal, qui eft magnifique ; mais il eft redevable de cette magnificence à monfieur le Jay fon prédeceffeur, l'un des plus illuftres évêques de Cahors, qui l'a fait bâtir des propres deniers qu'il tenoit de fa famille, employant les grands revenus de fon évèché en aumônes, & en œuvres de pieté : auffi fa memoire eft en veneration dans tout fon diocéfe, Le lendemain nous vifitâmes les archives du chapitre. L'églife cathédrale eft ancienne, & d'une ftructure aff.z particuliere car les voûtes ne font ni plates, ni en berceau, mais en plufieurs dômes. On prétend qu'elle a été bâtie par S. Didier évêque de Cahors; mais je doute fort qu'elle ait cette antiquité. L'églife de l'abbaye de Souillac, & celle de l'abbaye de Solignac, font bâties de même maniere. Il y a quatre dômes dans la premiere, & fix dans la feconde, qui reconnoît S. Eloy pour fon fondateur. L'on fçait que dans Cahors il y a une Université érigée par Jean XXII. qui étoit natif de la ville, & qui fonda auffi la Chartreufe de la même ville, ; Après avoir fait ce que nous avions à faire à Cahors, nous crûmes que la faifon avancée, & les pluyes continuelles qui rompoient tous les chemins, ne nous permettroient pas de voyager davantage, & qu'il falloit penfer à nôtre retraite, en faisant pourtant toûjours quelque chofe fur notre chemin. Nous prîmes donc la route de Souillac,& de Soüillac nous fumes à Obazine. C'eft une Obezine. ancienne & illuftre abbaye de l'ordre de Citeaux, qui reconnoît pour fon fondateur & pour fon premier abbé S. Etienne d'Obazine. Il y affembla deux communautez, une d'hommes, & une de filles, lefquelles fubfiftent encore aujourd'hui toutes deux. Mais après qu'elles fe furent aggrégées à l'ordre de Cîteaux, on transfera le monaftere des filles à un demi quart de lieuë de celui des hommes, dans un lieu fort étroit & fort affreux: mais l'amour de la Croix fait trouver tout beau. Ce Saint étoit du païs, d'une famille fort mediocre, qui depuis fix cens ans fubfifte toûjours dans la mediocrité en forte qu'aujourd'hui même il y a dans l'abbaye un domestique qui eft de fes defcendans. La maison de fon pere eft toûjours la même, & on voit encore la mets où le Saint fit fon premier miracle. Son tombeau est dans l'église des moines, où les peuples viennent le réverer. On Y voit la forme de l'ancien habit des religieux de l'ordre de Cîteaux, de leurs freres convers, & des religieuses. D'Obazine nous prîmes la route de Tulle, ville épifcopale Tulle. du Limousin, affez jolie. La cathédrale, qui eft une ancienne abbaye de nôtre ordre dédiéé à S. Martin, elt fort belle. Je n'en dis rien ici, parce que monfieur Baluze qui en a fait l'histoire, a fans doute obfervé tout ce qui merite quelqu'attention. L'évêque & le chapitre nous firent ouvrir leurs archives, où nous travaillâmes fans difcontinuer. Le même jour qui étoit le premier dimanche de l'Avent, ce prélat fe retira chez les Jéfuites, pour y paffer ce faint temps dans les exercices de pieté, & s'édifier des bons exemples de ces peres. Le bruit commun dans la ville étoit, que c'étoit pour y demeurer toûjours; car il eft fort affectionné à la Societé, & tous les dimanches il dit la messe aux congreganistes. De Tulle nous fumes à Limoges, où il y a trois abbayes, celle Limoges, de S. Augustin de nôtre congregation, celle de S. Marcin, où il y a aujourd'hui des Feüillans, & celle de la Regle fondée pour des religieufes Benedictines. La cathédrale dédiée à faint Etienne, eft tres - belle, mais qui n'est point achevée. Saint Martial eft une ancienne abbaye de nôtre ordre, qui fut fécularifée il y a plus de cent cinquante ans fur un faux exposé, & changée en une églife collegiale affez confiderable. On y conferve encore près de deux cens manufcrits, la plûpart des faints peres, fur-tout de S. Ambroife, S. Jérôme, S. Augustin, S. Gregoire, monumens du travail des faints moines Benedictins, Lagny. qui ont autrefois fanctifié cette abbaye, & édifié le païs, mais aujourd'hui fort négligée par les chanoines. Il y a auffi de tres beaux manufcrits dans les archives de la cathédrale. Nous y remarquâmes entr'autres une bible qui nous parut admirable, & les lettres du pape Clement IV. Nous travaillâmes à Limoges au commencement de l'Avent, & nous y paffâmes la fête de la Conception, après laquelle nous crûmes qu'il étoit temps de nous retirer. Nous prîmes la route de Tours, où nous reçûmes à Marmoûtier un ordre du tres R. P..General de nous rendre à S. Denys, pour y travailler avec le R. P. Dom Denys de fainte Marthe, prieur de l'abbaye, & chargé de la conduite de l'ouvrage pour lequel nous faifons tant de courfes. Nous arrivâmes au commencement du mois de Janvier après l'Epiphanie ; & nous esperions y paffer l'hyver en repos, & nous délaffer des fatigues d'un filong voyage, lorfque nous nous vîmes tout d'un coup frappez de la plus fenfible douleur qui pût nous arriver. On voit affez que je veux parler de la mort des Princes, qui faifoient les délices de la France, & dont elle avoit conçû fes plusgrandes efperances. En moins d'un mois on vit difparoître madame la Dauphine, monfeigneur le Dauphin fon époux, & le jeune Dauphin leur fils. Ils furent apportez & exposez dans nô tre église l'espace de cinquante-cinq jours, pendant lefquels jours & la nuit, nous offrions à Dieu devant leurs corps le facrifice de nos cœurs humiliez pour le repos de leurs ames. Auffi-tôt après leur fépulture, nous nous mêmes en campagne; & le 25 d'Avril nous allâmes à Lagny, petite ville fur la riviere de Marne, à fix lieuës de Paris, où il y a une abbaye de nôtre congregation fondée par S. Furfy, & rétablie fur la fin du dixiéme fiecle par le comte Herbert, qui la choifit pour le lieu de fa fépulture, qu'on voit encore aujourd'hui dans le fanctuaire,, avec cette épitaphe : Exemplar morum, procerum lux, norma bonorum, Gloria virtutis, laus fame, forma falutis, Quo nihil, dum viguit, clarius orbe fuit. Mentem fenfumque nitentem Viribus indomuit fubdere quos valuit.. Thibaud comte de Champagne, à qui on donna la qualité de Terminus eft ifti, Deus, alter quem pofuifti, Anno ab Incarnatione Domini M. CXXVII. Le lendemain nous fûmes à l'abbaye du Pont-aux-Dames de Pont-aúv, l'ordre de Câteaux, où l'abbeffe nous reçut avec beaucoup de Dames. bonté. Nous y remarquâmes dans l'église un tombeau de marbre noir, fur lequel on voit une grande figure de marbre blanc, qui a fes deux côtez a deux figures auffi de marbre blanc, qui reprefentent deux enfans, avec cette épitaphe: cy giffent les entrailles de dame de noble memoire, madame Le même jour nous nous rendîmes à Meaux, ville capitale de Meaux la Brie, fur la riviere de Marne. La cathédrale nous parut affez belle, quoiqu'elle n'approche pas de la magnificence de quelqu'autres églifes cathédrales de France. Elle eft redevable de fa Faremoû tier, perfection à la reine Jeanne de Navarre, dont on voit le buste Après cinq ou fix jours de travail à Meaux, nous allâmes à Faremoûtier, ancienne abbaye de nôtre ordre, où l'abbesse fainte Fare, fœur de S. Faron, affembla un grand nombre de faintes religieufes, qui répandirent l'odeur de leurs vertus fi loin, qu'elle pénétra jufqu'au de-là des mers, & attira de l'Angleterre plufieurs princeffes, qui fe firent gloire de méprifer toutes grandeurs du monde, pour embraffer l'opprobre de JESUS-CHRIST. Les religieufes d'aujourd'hui marchent fur les veftiges de leur fondatrice, & peuvent paffer pour des plus régulieres de France. Elles ne font pas riches, mais elles ont tout le neceffaire. C'est le bien que produit la réforme dans les monafteres. L'abbeffe qui eft une dame d'efprit, nous y donna toutes les marques d'eftime que nous pouvions fouhaiter. Son appartement est magni fique : |