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mer, enfer, succès, procès-et qui se forme en ouvrant fortement la bouche. On appelle cet e l'e ouvert; on le distingue ordinairement par le petit signe que l'on appelle accent grave et que l'on place sur l'e (frère, père, succès, procès), -sauf quand l'e est suivi de deux consonnes (comme dans: peste, reste, fresque) ou qu'il termine le mot et est suivi d'un r sonore (comme dans: fer, ver, amer, cher, cancer, hier, hiver, enfer). Ce son de e ouvert est aussi rendu tantôt par ai (comme dans: clair, éclair, pair, chair, aire, · qui se prononcent réellement clère, père, chère, ère), tantôt par ei (comme dans: veine, peine, Seine, que l'on prononce vène, pène, scène). Nous avons ici quatre manières (e, è, ai, ei) d'écrire le même son de e ouvert.

2o Un son aigu que l'on appelle e fermé et que l'on entend dans : aimé, bonté, santé, et dans tous les mots terminés en er lorsque r y est muet: verger, rocher, parler, aimer. Cet e se forme en fermant fortement la bouche; il se marque ordinairement par le signe 'que l'on appelle accent aigu. — Il faut noter que e fermé est toujours bref, et ne peut pas être long comme l'e ouvert (qui est bref dans fer et long dans tempête).

3o Un son sourd d'une nature particulière que l'on appelle e muet parce qu'il est le plus faible de tous nos sons français : c'est cet e que l'on entend à peine dans venir, tenir, et qui devient tout à fait nul dans appeler, élever, pèlerin, charretier, que nous prononçons en réalité ap'ler, éľver, pèľ'rin, char'tier. L'e muet ne porte jamais d'accent.

et

Nous avons vu au S 17 que l'e des Romains était un è ouvert, que la création de l'e fermé et de l'e muet était propre au français. Nous avons vu également au § 17 de quelles voyelles latines viennent en français e fermé et e ouvert. Quant à l'e muet, il

e,

provient de toutes les voyelles latines non accentuées; ainsi a, i, o, u latins non accentués peuvent tous s'assourdir en français en e muet, comme on le voit par rose de rosam, frère de fratrem, aime de amo, temple de templum.

Pour l'origine de l'accent grave et pour celle de l'accent aigu, voy. au § 56.

23. Rien à remarquer sur o bref (dévote, note); mais ó long (apôtre, notre) a pour analogue au, eau. De même que le son de è ouvert est exprimé à la fois par è (succès), e (enfer), ai (clair), ei (Seine), le son de ó long est exprimé en français à la fois par (vôtre, apótre) et par au ou eau (comme dans vautrer, ép eau tre, autel, beauté).

Le latin alter, alba, palma, bellum, devint d'abord altre, albe, palme, bel, dans notre vieille langue, qui plus tard adoucit l en u, d'où autre, au be, pau me, beau, dans lesquels aù, eau sont prononcés o (de même que le latin au lui aussi a été prononcé puis écrit o en français dans or de aurum, clos de clausus, chose de c au sa, etc.).

24. Comme è ouvert et comme ô, la voyelle eu est un simple son qui est représenté en français par trois formes différentes, savoir : eu (comme dans heure), œu (comme dans boeuf, sœur, cuf), ce (comme dans œil), et enfin ue (dans accueille, cueille, org ueil, etc..., qui se prononcent comme s'ils étaient écrits: accouille, cœuille, etc...).

On a vu au S 17 que o bref latin devient eu en français, comme dans neuf de novem; mais entre o et le français eu il y a les intermédiaires du français du moyen âge, qui sont ue au onzième siècle, puis oe au douzième, eu au quatorzième, comme on peut le voir dans mon Dictionnaire étymologique. Ainsi novem donna successivement nue f au onzième siècle, noe f au douzième, neuf au quatorzième. Quelques mots, comme accueillir, sont restés à l'étage ue et n'ont pas suivi la transformation en eu; d'autres, comme œil, sont restés à l'étage oe contracté en œ; enfin les mots comme bœuf, sœur, etc., sont un compromis entre l'orthographe du douzième siècle en oe, celle du quatorzième en eu. De oe plus eu on a composé le groupe bizarre œu, qui a persisté dans les mots tels que sœur, cœur, etc.

et

25. Y doit être ajouté aux sept voyelles ci-dessus mentionnées. Entre deux consonnes (comme dans analyse, martyr, presbytère) il se prononce comme i. Entre deux voyelles il se prononce comme deux i: pays, aboyer, ne se prononcent pas pa-i-s, aboi-er, — mais pai-is, aboi-ier, c'est-à-dire que le premier des deux i va se joindre à la voyelle qui le précède.

Y entre deux consonnes vient du grec v : ainsi analyse vient de Zváλuotę (même sens), — martyr de μáptop (celui qui témoigne).

Y entre deux voyelles est une lettre française provenant d'ordinaire d'un c ou d'un g latin entre deux voyelles: ainsi ployer de plicare, , noyer de necare, payer de pacare; ou bien l'y est inséré par euphonie entre deux voyelles pour empêcher un hiatus : ainsi croyant de cre(d)entem, écuyer de scu(t)arius, qui sans cela eussent été cro-ant et écu-er.

CHAPITRE III.

DES DIPHTHONGUES.

26. On appelle diphthongue la réunion de deux voyelles simples qui se prononcent par un seul jet, par une seule émission de voix, comme ui dans huileux. Ui, composé des deux voyelles u et i, est une diphthongue.

Diphthongue vient du grec dis, deux, et płóɣyos, son, deux sons prononcés d'un seul coup.

27. Le français forme des diphthongues à l'aide des quatre voyelles i, o, u, ou, que l'on fait suivre de l'une des voyelles de l'alphabet : ainsi i forme ia, ie, io (dans piano, piocher, pied); - o forme oa, oe, oi (dans moabite, moelle, roi); -u forme ue, ui (dans écuelle,

ou forme oua, oue, oui (dans doua

huile, suif);
nier, fouetter, oui, louis).

Les diphthongues françaises proviennent ordinairement de la chute de consonnes latines, comme dans écue lle de scu(t)ella, ou dans moelle de me(d)ulla, mots dans lesquels nous voyons la chute dut ou du à latin mettre brusquement en présence les deux voyelles qui par leur réunion formeront en français une diphthongue.

CHAPITRE IV.

DES VOYELLES NASALES.

28. Toute voyelle suivie de deux consonnes dont la première est m ou n (comme o dans tomber ou conter), est prononcée en partie par le nez, prend alors un son nasal (que nous entendons dans tomber, conter) et est appelée voyelle nasale.

Ces voyelles nasales étaient inconnues aux Romains, qui prononçaient toujours sonores les voyelles suivies de m et de n. Notre langue ne les connaissait pas non plus à sa naissance; ce n'est guère qu'à la fin du onzième siècle que ces voyelles, qui, au temps de Hugues Capet, étaient sonores comme elles le sont encore aujourd'hui en italien, sont devenues nasales en français.

29. Il en est de même quand nou m terminent le mot, comme dans an, en, vin, ton, un, daim, nom, etc:

30. Les principales voyelles nasales sont an, en, in,. on, un, eun, que nous retrouvons dans pan, en, serin, mouton, importun, jeun. - De même que les voyelles, les diphthongues peuvent aussi devenir nasales; ainsi ia donne ian (vian de), ie donne ien (chrétien), etc.

31. Mais si n ou m sont suivies d'une autre voyelle, il ne se produit pas de voyelle nasale: ainsi an n'est

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pas nasal dans panais, ni en dans mener, ni in dans finir, ni on dans monarque, ni un dans chacune, etc.

Il en est de même quand n ou m sont suivies d'une seconde n ou d'une seconde m : ainsi an n'est pas nasal dans annuel; de même en reste sonore dans en nemi, on dans tonner, etc.

CHAPITRE V.

DES CONSONNES.

32. L'alphabet nous offre dix-neuf consonnes b, c, d, f, g, h, j, k, l, m, n, p, q, r, s, t, v, x, z, auxquelles il faut ajouter la consonne ch.

33. Plusieurs de ces consonnes expriment un même son ainsi k, c, q rendent tous les trois le son dur du c (kakatoès, cavalier, qualifier); s et c ont le même son dans ser vir et cervelle; -j et g dans j'ai et geai, joli et geolier; —z et s dans zéro et déserteur (que l'on prononce dézerteur). D'autre part, plusieurs sons différents, comme le c dur qui est un k (camarade), et le c doux qui est un s (cervelle), n'ont qu'une seule et même lettre pour les représenter.

On appelle ces lettres consonnes, du mot latin consona (qui se prononce avec, à l'aide de), parce que les grammairiens anciens croyaient que l'on ne pouvait jamais prononcer une consonne sans le secours d'une voyelle.

34. Les consonnes sont produites par trois organes différents le gosier, les dents, les lèvres, qui arrêtent la voix au passage, en lui faisant obstacle, et qui for

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