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nique (1) ». La communication fut faite le 6. Russell y répondit par une note datée du 9, après avoir pris les ordres de sa souveraine :

<< S. M. est on ne peut plus flattée de la confiance et de l'amitié manifestées à l'égard de S. M., de sa famille et de la nation britannique par l'élection de son fils, le prince Alfred, à la couronne de Grèce. S. M. y voit un témoignage de la confiance placée par la Grèce dans les résultats de l'éducation donnée au prince Alfred par son illustre et regretté père le prince consort, mais S. M. est forcée, par les engagements diplomatiques et par d'autres puissantes considérations, de décliner cet insigne honneur, et au nom de son fils. S. M. et la famille royale n'en seront pas moins toujours heureuses et fières de se rappeler le vote spontané du peuple grec, à la fois si honorable pour ceux qui offrent la couronne, et si flatteur pour la reine et pour le prince Alfred auquel l'offre a été faite. »>

La décision de la Grèce perdait ainsi à peu près toute sa valeur. A peine avait-elle été prise qu'Elliot, sans plus attendre, crut pouvoir renouveler ses instances en faveur de la candidature du duc Ernest (2) qui, en désespoir de cause, devait tenir lieu aux Grecs de prince Alfred.

Le 7 février 1863, le ministre autrichien à Athènes informait son gouvernement que, probablement, la candidature du duc «ne rencontrerait pas de difficultés sérieuses au sein de l'Assemblée (3) ».

Le lendemain 8 février, Elliot recevait de Russell un télégramme qui lui apprenait le refus définitif du duc Ernest*.

Cette nouvelle, qu'Elliot ne put s'empêcher d'annoncer, retentit comme un coup de foudre.

Le prestige de l'Angleterre s'en trouvait atteint. Et la Grèce, qui n'avait pu obtenir Alfred, ne pouvait même pas faire la conquête du duc Ernest, un petit prince allemand; sa dignité en était offensée*.

Pour résoudre la question dynastique, tout était à recommencer, en dehors de l'exclusion réciproque de Leuchtenberg et d'Alfred définitivement acquise.

(1) Inst. grecques a Londres, 5 fév. 1863.

(2) Rap. aut. d'Athènes, 7 fév. 1863.

(3) Ibidem.

CHAPITRE II

L'Avènement de Georges Jer
(8 février 1863 - 30 octobre 1863)

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Après l'échec des deux candidatures qu'elle avait mises en avant, celle du roi Ferdinand et celle du duc Ernest, l'Angleterre allaitelle continuer de chercher un roi pour le trône de Grèce ?

Elle avait encore placé son espoir dans le prince de Linange* (1). Son choix n'aurait pu être que très agréable à la reine et à Palmerston ; il était neveu de Victoria et capitaine de la marine anglaise ; il commandait un vaisseau de ligne dans l'escadre de Malte. Marié à une princesse de Bade, il était sans enfant, comme Ernest. Et il était pair de Bavière. Avant que le cabinet britannique eût jugé utile de proposer son nom aux Grecs, le prince s'empressa de faire connaître à la reine qu'il n'accepterait pas la couronne de Grèce*.

C'étaient, coup sur coup, trop de déconvenues. Russell se montra découragé. Il déclara à notre ambassadeur : « Priez donc M. Drouyn de Lhuys de nous donner un candidat... car nous n'en avons plus*. » Le 10 février, il disait encore à Tricoupi qu'il ignorait si les Grecs souhaitaient que l'Angleterre proposât un autre candidat, que d'ailleurs l'Angleterre n'était pas encore en état de le faire (2). Pour Palmerston, il ne voulait pas paraître manquer de candi

(1) Rap. grec de Londres, 26 janv. 1863; ELLIOT, op. cit., p. 143. Elliot nomme en outre le prince Hohenlohe.

dats, dans la crainte de laisser le champ libre à la France ou à la Russie. Il avertissait une fois de plus Tricoupi qu'il regardait le choix de Guillaume de Bade comme inacceptable, et il le prévenait encore formellement que la réunion des îles Ioniennes n'aurait pas lieu si le duc d'Aumale était appelé à régner (1). En revanche, il l'entretenait complaisamment de toutes les candidatures qui restaient possibles, de celle du prince Nicolas de Nassau, qu'il savait désagréable à Napoléon, de celle du prince de Saxe-Weimar, de celle du prince Guillaume de Danemark, etc. (2).

En réalité, la France ne semblait pas prête à recommander un candidat, et la Russie pas davantage. Gortchakof l'écrivait à son ministre à Athènes le 12 février. « Nous pensons qu'une abdication... devrait précéder toute démarche... Puis nous n'avons en vue aucun candidat qui puisse répondre au programme de chacune des grandes puissances, et en même temps aux aspirations et aux espérances des Grecs. Enfin l'exemple des tentatives électorales. du cabinet britannique n'est pas de nature à encourager les deux autres cours à entrer dans une voie où l'Angleterre n'a rencontré jusqu'ici que des déceptions, et où ses ministres se sont même tant soit peu couverts de ridicule, à telles enseignes que fatigué de feuilleter stérilement l'almanach de Gotha à l'article des princes à la dévotion britannique..., lord Russell a confessé en dernier lieu son impuissance au cabinet français, en le priant de se charger de la recherche d'un candidat. Le cabinet français... persiste à décliner la proposition anglaise (3). »

Sans crainte d'essuyer un nouveau refus et de s'exposer davantage aux critiques et aux railleries, le cabinet britannique tentà de susciter une nouvelle candidature, bien qu'il la sût par avance. peu agréable à la Grèce (4), et malgré les avertissements du gouvernement français qui lui avait fait prévoir un échec*.

La candidature en question, dont l'Angleterre ne s'ouvrit aux

(1) Rap. grec de Londres, 4 fév. 1863; ELLIOT, op. cit.,

(2) Rap. grec de Londres, et 12 fév. 1863.

(3) Inst. russes à Athènes, 12 fév. 1863,

p. 166.

(4) Cf. rap. grec de Londres, 12 nov. 1862. Elliot lui-même s'y montra contraire au point de déclarer qu'il demanderait son rappel si l'élection de l'archiduc était recommandée aux Grecs, ELLIOT, op. cit., p. 158-159.

DRIAULT ET LHERITIER.

T. III. - 4

Grecs à ce moment d'aucune manière, était celle de l'archiduc Maximilien, le futur empereur du Mexique (1).

Le 11 février, Russell écrivait à Cowley de pressentir le cabinet français, qui était sceptique, mais qui se déclara favorable. Le 14, Russell télégraphiait à Bloomfield, l'ambassadeur d'Angleterre à Vienne, d'en parler au gouvernement autrichien, et au besoin à l'empereur, en faisant valoir le don que l'Angleterre ferait des Ioniennes.

L'Autriche s'était montrée trop disposée à soutenir la Bavière dans l'affaire de la succession grecque pour qu'elle pût accueillir la démarche du cabinet anglais. Et les Habsbourg étaient trop fiers pour vouloir d'une couronne qui, dans leur esprit, continuait d'appartenir à quelqu'un et qui avait été déjà offerte à d'autres.

Le 15, Bloomfield transmettait à Russell le refus de l'Autriche (2). L'Angleterre crut devoir insister, en faisant intervenir une fois de plus le roi Léopold, beau-père de l'archiduc. Le 16, Léopold écrivait à Maximilien, tandis que Bloomfield recevait l'ordre de voir François-Joseph lui-même. Cet entretien eut lieu le 18, et le même jour l'archiduc envoyait sa réponse à Rechberg.

L'empereur déclara repousser l'offre anglaise, au nom du droit qui était du côté d'Othon, en raison des inconvénients que présenterait une acceptation, et en observant que l'offre n'était plus flatteuse après avoir déjà été faite (3). L'archiduc notait de même le manque de tact du cabinet anglais : « Même si le trône était vraiment vacant, écrivait-il... je serais le dernier à vouloir d'une couronne colportée sans succès à une demi-douzaine de princes. D'ailleurs, je connais trop bien la Grèce moderne... pour penser qu'elle puisse former un État indépendant (4). »

Encore une fois, l'Angleterre en était pour sa peine. La France, que la question polonaise commençait d'éloigner de la Russie, crut devoir prendre une initiative. Le 17 février, elle proposa à

(1) Voir à ce sujet de D. Dawson, The Archduke Ferdinand Maximilien and the Crown of Greece, English historical Review, 1922. Cf. aussi de CORTI, Maximilien, ouvrage qui nous a été communiqué en manuscrit.

(2) Rap. angl. de Vienne, 15 fév. 1863. (3) Rap. angl. de Vienne, 18 fév. 1863.

l'acceptation de Gortchakof et de Russell la candidature éventuelle du prince Léopold de Hohenzollern, mari de l'infante Antonia de Portugal, gendre du roi Ferdinand, major dans l'armée prussienne et très attaché par surcroît à la maison royale de Prusse*. L'Angleterre se montra favorable, dès qu'elle connut le refus de Maximilien*. La Russie par contre s'abstint, « Othon n'ayant pas abdiqué (1) ». Le refus du prince de Hohenzollern, connu le 22 février*, dispensa la France de pousser plus loin ses démarches. Gortchakof enregistra le fait ; il télégraphia à son ministre d'Athènes : « Aucun candidat sur terrain (2). »

La diplomatie des puissances semblait réduite à avouer sa parfaite impuissance. Le champ s'ouvrait à la Bavière et à ses parti

sans.

Depuis le double refus du prince Alfred et du duc Ernest, la Grèce était dans le désarroi. Les encouragements prodigués par Palmerston à Tricoupi ne l'empêchaient pas de se sentir abandonnée. Le contact était perdu avec les puissances qui ne négociaient plus qu'entre elles et comme en secret, qui détournaient leur attention d'Athènes. L'opinion grecque n'étant plus guidée, ne recevant plus l'inspiration de l'extérieur, devenait la proie des intrigues locales.

Deux partis extrêmes tendaient à prévaloir, le parti avancé favorable à une candidature italienne, le parti contre-révolutionnaire favorable à la restauration des Bavarois (3).

Le parti italien s'appuyait sur le comte Mamiani, ministre de Sardaigne (4), sur le journal La Grèce, sur le docteur Lélis, qui écrivait : « La famille royale la plus distinguée en Europe, au double point de vue politique et militaire, est celle qui règne sur l'Italie (5). » Une pétition fut organisée par ses soins en faveur de la candidature du prince de Carignan, qui devait adopter comme héritier

(1) Inst. russes à Athènes, 19 fév. 1863.
(2) Inst. russes à Athènes, 25 fév. 1863.
(3) Inst. aut. à Athènes, 5 mars 1863.
(4) Rap. aut. d'Athènes, 14 fév. 1863.
(5) Journal La Grèce, du 20 fév. 1863.

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