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33, rue de Seine.

MDCCC XXXV

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l y a en poésie, en littérature, une classe
d'hommes hors de ligne, même entre les
premiers, très peu nombreuse, cinq ou six
en tout, peut-être, depuis le commence-
ment, et dont le caractère est l'universalité,
l'humanité éternelle intimement mêlée à
la peinture des mœurs ou des passions d'une
époque. Génies faciles, forts et féconds,
leurs principaux traits sont dans ce mé-
lange de fertilité, de fermeté et de fran-
chise; c'est la science et la richesse du fond,

une vraie indifférence sur l'emploi des moyens et des genres convenus;
tout cadre, tout point de départ leur étant bon pour entrer en matière,
c'est une production active, multipliée à travers les obstacles, et la plé-
nitude de l'art fréquemment obtenue sans les appareils trop lents et les
artifices. Dans le passé grec, après la grande figure d'Homère, qui ouvre
glorieusement cette famille et qui nous donne le génie primitif de la
plus belle portion de l'humanité, on est embarrassé de savoir qui y rat-
tacher encore. Sophocle, tout fécond qu'il semble avoir été, tout humain
qu'il se montra dans l'expression harmonieuse des sentiments et des dou-

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leurs, Sophocle demeure si parfait de contours, si sacré, pour ainsi dire, de forme et d'attitude, qu'on ne peut guère le déplacer en idée de son piédestal purement grec. Les fameux comiques nous manquent, et l'on n'a que le nom de Ménandre, qui fut peut-être le plus parfait dans la famille des génies dont nous parlons. A Rome je ne vois à y ranger que Plaute, Plaute mal apprécié encore1, peintre profond et divers, directeur de troupe, acteur et auteur, comme Shakspeare et comme Molière, dont il faut le compter pour un des plus légitimes ancêtres. Mais la littérature latine fut trop directement importée, trop artificielle dès l'abord et apprise des Grecs, pour admettre beaucoup de ces libres génies. Les plus féconds des grands écrivains de cette littérature en sont aussi les plus littérateurs et rimeurs dans l'ame, Ovide et Cicéron. Au reste, à elle l'honneur d'avoir produit les deux plus admirables poètes des littératures d'imitation, d'étude et de goût, ces types châtiés et achevés, Virgile, Horace! C'est aux temps modernes et à la renaissance qu'il faut demander les autres hommes que nous cherchons: Shakspeare, Cervantes, Rabelais, Molière, et deux ou trois depuis, à des rangs inégaux, les voilà tous; on les peut caractériser par les ressemblances. Ces hommes ont des destinées diverses, traversées; ils souffrent, ils combattent, ils aiment. Soldats, médecins, comédiens, captifs, ils ont peine à vivre; ils subissent la misère, les passions, les tracas, la gène des entreprises. Mais leur génie surmonte les liens, et, sans se ressentir des étroitesses de la lutte, il garde le collier franc, les coudées franches. Vous avez vu de ces beautés vraies et naturelles qui éclatent et se font jour du milieu de la misère, de l'air malsain, de la vie chétive; vous avez, bien que rarement, rencontré de ces admirables filles du peuple, qui vous apparoissent formées et éclairées on ne sait d'où, avec une haute perfection de l'ensemble, et dont l'ongle même est élégant; elles empêchent de périr l'idée de cette noble race humaine, image des dieux. Ainsi ces génies rares, de grande et facile beauté, de beauté native et genuine, triomphent, d'un air d'aisance, des conditions les plus contraires; ils se déploient, ils s'établissent invinciblement. Ils ne se déploient pas simplement au hasard et tout droit à la merci de la circonstance, parce qu'ils ne sont pas seulement féconds et faciles comme ces génies secondaires, les Ovide, les Dryden, les abbé Prévost. Non; leurs œuvres, aussi promptes, aussi multipliées que celles des esprits principalement faciles, sont encore com

(1) M. Naudet, dans ses travaux sur Plaute, et M. Patin, dans un excellent cours aussi attique de pensée que de diction, remettent à sa place ce grand comique latin.

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