QUATRIÈME INTERMÈDE. SCÈNE PREMIÈRE. LA PRINCESSE, seule. O vous! admirables personnes qui, par la douceur de vos chants, avez l'art d'adoucir les plus fâcheuses inquiétudes, approchez-vous d'ici, de grace, et tâchez de charmer, avec votre musique, le chagrin où je suis. SCÈNE II. LA PRINCESSE, CLIMÈNE, PHILIS. CLIMÈNE chante. Chère Philis, dis-moi, que crois-tu de l'amour? PHILIS chante. Toi-même, qu'en crois-tu, ma compagne fidèle? CLIMÈNE. On m'a dit que sa flamme est pire qu'un vautour, Et qu'on souffre, en aimant, une peine cruelle. PHILIS. On m'a dit qu'il n'est point de passion plus belle, Et que ne pas aimer c'est renoncer au jour. CLIMÈNE. A qui des deux donnerons-nous victoire? PHILIS. Qu'en croirons-nous, ou le mal, ou le bien? TOUTES DEUX ENSEMBLE. Aimons, c'est le vrai moyen De savoir ce qu'on en doit croire. PHILIS. Cloris vante partout l'amour et ses ardeurs. D'où vient qu'on aime à lui rendre les armes? Pourquoi nous défend-on d'en goûter les douceurs? PHILIS. A qui des deux donnerons-nous victoire? TOUTES DEUX ENSEMBLE. Aimons, c'est le vrai moyen LA PRINCESSE. Achevez seules, si vous voulez; je ne saurois demeurer en repos, et, quelque douceur qu'aient vos chants, ils ne font rien que redoubler mon inquiétude. MORON, à Iphitas. Oui, seigneur, ce n'est point raillerie; j'en suis ce qu'on appelle disgracié. Il m'a fallu tirer mes chausses au plus vite, et jamais vous n'avez vu un emportement plus brusque que le sien. IPHITAS, à Euryale. Ah! prince, que je devrai de grace à ce stratagème amoureux, s'il faut qu'il ait trouvé le secret de toucher son cœur! EURYALE. Quelque chose, seigneur, que l'on vienne de vous en dire, je n'ose encore, pour moi, me flatter de ce doux espoir; mais enfin, si ce n'est pas à moi trop de témérité que d'oser aspirer à l'honneur de votre alliance, si ma personne et mes États... IPHITAS. Prince, n'entrons point dans ces compliments. Je trouve en vous de quoi remplir tous les souhaits d'un père, et, si vous avez le cœur de ma fille, il ne vous manque rien. SCÈNE 11. LA PRINCESSE, IPHITAS, EURYALE, AGLANTE, CYNTHIE, MORON. LA PRINCESSE. O ciel! que vois-je ici? IPHITAS, à Euryale. Oui, l'honneur de votre alliance m'est d'un prix très considérable, et je souscris aisément de tous mes suffrages à la demande que vous me faites. LA PRINCESSE, à Iphitas. Seigneur, je me jette à vos pieds pour vous demander une grace. Vous m'avez toujours témoigné une tendresse extrême, et je crois vous devoir bien plus par les bontés que vous m'avez fait voir que par le jour que vous m'avez donné. Mais, si jamais vous avez eu de l'amitié pour moi, je vous en demande aujourd'hui la plus sensible preuve que vous me puissiez accorder; c'est de n'écouter point, seigneur, la demande de ce prince et de ne pas souffrir que la princesse Aglante soit unie avec lui. IPHITAS. Et par quelle raison, ma fille, voudrois-tu t'opposer à cette union? LA PRINCESSE. Par la raison que je hais ce prince, et que je veux, si je puis, traverser ses desseins. IPHITAS. Tu le hais, ma fille! LA PRINCESSE. Oui, et de tout mon cœur, je vous l'avoue. LA PRINCESSE. Il m'a méprisée. JPHITAS. Et comment? LA PRINCESSE. Il ne m'a pas trouvée assez bien faite pour m'adresser ses vœux. IPHITAS. Et quelle offense te fait cela? tu ne veux accepter personne. LA PRINCESSE. N'importe; il me devoit aimer comme les autres et me laisser au moins la gloire de le refuser. Sa déclaration me fait un affront; et ce m'est une honte sensible qu'à mes yeux, et au milieu de votre cour, il a recherché une autre que moi. IPHITAS. Mais quel intérêt dois-tu prendre à lui? LA PRINCESSE. J'en prends, seigneur, à me venger de son mépris; et, commé je sais bien qu'il aime Aglante avec beaucoup d'ardeur, je veux empêcher, s'il vous plaît, qu'il ne soit heureux avec elle. IPHITAS. Cela te tient donc bien au cœur? LA PRINCESSE. Oui, seigneur, sans doute; et, s'il obtient ce qu'il demande, vous me verrez expirer à vos yeux. IPHITAS. Va, va, ma fille, avoue franchement la chose: le mérite de ce prince t'a fait ouvrir les yeux, et tu l'aimes enfin, quoi que tu puisses dire. LA PRINCESSE. Moi, seigneur? LA PRINCESSE. Je l'aime, dites-vous? et vous m'imputez cette lâcheté! O ciel! quelle est mon infortune! Puis-je bien, sans mourir, entendre ces paroles? Et faut-il que je sois si malheureuse qu'on me soupçonne de l'aimer? Ah! si c'étoit un autre que vous, seigneur, qui me tînt ce discours, je ne sais pas ce que je ne ferois point! IPHITAS. Eh bien! oui, tu ne l'aimes pas; tu le hais, j'y consens, et je veux bien, pour te contenter, qu'il n'épouse pas la princesse Aglante. LA PRINCESSE. Ah! seigneur, vous me donnez la vie! IPHITAS. Mais, afin d'empêcher qu'il ne puisse être jamais à elle, il faut que tu le prennes pour toi. LA PRINCESSE. Vous vous moquez, seigneur, et ce n'est pas ce qu'il de mande. EURYALE. Pardonnez-moi, madame, je suis assez téméraire pour cela, et je prends à témoin le prince votre père si ce n'est pas vous que j'ai demandée. C'est trop vous tenir dans l'erreur; il faut lever le masque, et, dussiez-vous vous en prévaloir contre moi, découvrir à vos yeux les véritables sentiments de mon cœur. Je n'ai jamais aimé que vous et jamais je n'aimerai que vous: c'est vous, madame, qui m'avez enlevé cette qualité d'insensible que j'avois toujours affectée; et tout ce que j'ai pu vous dire n'a été qu'une feinte qu'un mouvement se |