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elles-mêmes, qui durent et survivent, il en est beaucoup qui ne se maintiennent que de loin, pour ainsi dire, et dont le nom reste mieux que les œuvres dans la mémoire des hommes. Molière, lui, est du petit nombre toujours présent, au profit de qui se font et se feront toutes les conquêtes possibles de la civilisation nouvelle. Plus cette mer d'oubli du passé s'étend derrière et se grossit de tant de débris, et plus aussi elle porte ces mortels fortunés et les exhausse; un flot éternel les ramène tout d'abord au rivage des générations qui recommencent. Les réputations, les génies futurs, les livres, peuvent se multiplier, les civilisations peuvent se transformer dans l'avenir, pourvu qu'elles se continuent; il y a cinq ou six grandes œuvres qui sont entrées dans le fonds inaliénable de la pensée humaine. Chaque homme de plus qui sait lire est un lecteur de plus pour Molière.

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Eh bien! Léandre, eh bien! il faudra contester;
Nous verrons de nous deux qui pourra l'emporter;
Qui, dans nos soins communs pour ce jeune miracle,
Aux vœux de son rival portera plus d'obstacle.
Préparez vos efforts et vous défendez bien,
Sûr que de mon côté je n'épargnerai rien.

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LÉLIE. Voici bien des affaires;

J'ai dans ma passion toutes choses contraires :
Léandre aime Célie, et, par un trait fatal,

Malgré mon changement est toujours mon rival.

MASCARILLE. Léandre aime Célie!

MASCARILLE. Tant pis.

LELIE. Il l'adore, te dis-je.

LÉLIE. Eh! oui, tant pis; c'est là ce qui m'afflige.

Toutefois j'aurois tort de me désespérer;
Puisque j'ai ton secours, je puis me rassurer.

Je sais que ton esprit, en intrigues fertile,
N'a jamais rien trouvé qui lui fût difficile;
Qu'on te peut appeler le roi des serviteurs;
Et qu'en toute la terre...

MASCARILLE. Eh! trève de douceurs.
Quand nous faisons besoin, nous autres misérables,
Nous sommes les chéris et les incomparables;

Et dans un autre temps, dès le moindre courroux,
Nous sommes les coquins qu'il faut rouer de coups.
LELIE. Ma foi! tu me fais tort avec cette invective.

Mais enfin discourons un peu de ma captive:
Dis si les plus cruels et plus durs sentiments
Ont rien d'impénétrable à des traits si charmants.
Pour moi, dans ses discours comme dans son visage
Je vois pour sa naissance un noble témoignage;
Et je crois que le ciel dedans un rang si bas
Cache son origine et ne l'en tire pas.

MASCARILLE. Vous êtes romanesque avecque vos chimères.
Mais
que fera Pandolfe en toutes ces affaires?
C'est, monsieur, votre père, au moins à ce qu'il dit:
Vous savez que sa bile assez souvent s'aigrit;
Qu'il peste contre vous d'une belle manière,
Quand vos déportements lui blessent la visière.
Il est avec Anselme en parole pour vous
Que de son Hippolyte on vous fera l'époux,
S'imaginant que c'est dans le seul mariage
Qu'il pourra rencontrer de quoi vous faire sage;
Et s'il vient à savoir que, rebutant son choix,
D'un objet inconnu vous recevez les lois,
Que de ce fol amour la fatale puissance
Vous soustrait au devoir de votre obéissance,
Dieu sait quelle tempête alors éclatera,

Et de quels beaux sermons on vous régalera.
LÉLIE. Ah! trève, je vous prie, à votre rhétorique.
MASCARILLE. Mais vous, trève plutôt à votre politique:

Elle n'est pas fort bonne, et vous devriez tâcher... LÉLIE. Sais-tu qu'on n'acquiert rien de bon à me fâcher, Que chez moi les avis ont de tristes salaires, Qu'un valet conseiller y fait mal ses affaires?

MASCARILLE, à part.

Il se met en courroux. (haut.) Tout ce que j'en ai dit
N'étoit rien que pour rire et vous sonder l'esprit.
D'un censeur de plaisirs ai-je fort l'encolure?

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