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L'histoire de l'humanité.

Des fleurs, un myrte, une bergère,
Seront les jeux de mes crayons;
Ou, si Calliope m'éclaire
Et m'échauffe de ses rayons,
J'offrirai l'image chérie
D'un ministre à qui la patrie,
Dans ses combats et ses succès,
Dut l'abondance, l'industrie,
Et l'éclat des jours de la paix;
Et qui, protecteur du génie,
Va, dans le silence de Mars,
Rendre les beaux arts à la vie,
Et rendre Colbert aux beaux arts.

Ut pictura poesis erit. Horat.

QUATORZE ANS.

COUPLETS.

A quatorze ans qu'on est novice!
Je me sens bien quelques desirs;
Mais le moyen qu'on m'éclaircisse?
Une fleur fait tous mes plaisirs;
La jouissance d'une rose

Peut rendre heureux tous mes moments.

Eh! comment aimer autre chose

A quatorze ans, à quatorze ans ?

Je mets plus d'art à ma coiffure:
Je ne sais quoi vient m'inspirer.
N'est-ce donc que pour la figure
Qu'on aime tant à se parer?
Toutes les nuits, quand je repose,
Je rêve, mais à des rubans;
Eh! comment rêver d'autre chose
A quatorze ans, à quatorze ans?

Une rose venoit d'éclore;
Je l'observois sans y songer;
C'étoit au lever de l'aurore,

Le zéphyr vint la caresser:
C'est donc quand la fleur est éclose
Qu'on voit voltiger les amants!
Mais hélas ! est-on quelque chose
A quatorze ans, à quatorze ans?

REQUÊTE AU ROI.

Gresset demande, pour un ami, la survivance d'une lieutenance de roi.

Dans un ennuyeux verbiage
Articulant tout, et nommant

Parme, Prague, Dettingue, et le canon flamand,
On ne fait point ici l'ordinaire étalage

Des services, des maux, des blessures, de l'âge,
Du très ruiné suppliant;

Ses titres les plus sûrs sont dans la bienfaisance
De ce génie heureux, ce ministre estimé,

pour faire aimer la puissance

Du monarque vainqueur dont il veut être aimé.
Quel bienfait briguons-nous? quelle est notre espérance?
Est-ce quelqu'un de ces objets

De fortune ou de confiance

Où se portent tous les projets

Des vieux gendarmes de la France,
Et dont tant de majors d'éternelle présence
Composent leurs pesants placets,

Et les ennuis de l'audience?
Non, ce n'est point, en vérité,
Un emploi de cette excellence
Qui par nous est sollicité;

C'est un poste (on l'avoue en toute humilité)
A qui personne ici ne pense,

Un vieux donjon, un roc, un antre inhabité,
Sans demandeurs, sans concurrence,

Sans arsenal, sans conséquence,

Sans canons, et sans vanité;

C'est la supériorité

D'une maigre communauté
D'invalides presque en enfance,
Qui montent la garde, je pense,
Beaucoup moins pour la sûreté

D'une place où la Paix, le Sommeil, le Silence,
Résident à couvert de toute hostilité,

Que pour épouvanter, par les sons lamentables
D'un tambour enroué de toute éternité,

Les chats-huants voisins de ces lieux incroyables, Ou pour bannir des vieux ormeaux,

Abri de leur gazette et de leur triste vię,

Les corneilles et les corbeaux

Qui pourroient quelque jour manger la compagnie,

Et se méprendre à l'air, à la mine flétrie
De ces cadavres de héros;

Enfin, pour en parler avec plus d'évidence
Et non moins de prolixité,

C'est la très mince lieutenance

D'un fort d'assez peu d'importance,

Qui ne sera jamais bloqué,

Mais dont le grenadier qui s'offre à sa défense Rendroit bon compte un jour si, contre l'apparence, Il pouvoit se voir attaqué

Sur cette chétive éminence.

Encor voulons-nous moins que cette jouissance

Par ce mémoire présenté;

Ce n'est pour le moment qu'un titre sans séance,
Un bien qui n'aura d'existence,

D'actuelle réalité,

Que dans notre reconnoissance,

Jusqu'à l'instant qu'il plaise au maître souverain
De rappeler à lui l'ame du châtelain

Dont nous briguons la survivance.
Mais comme ce vieux paladin,
Quoique goutteux, octogénaire,
S'aime beaucoup dans ce bas hémisphère,
Et n'aima jamais son prochain;

Que sait-on? hélas! le vieux reître,
Très choyé, très soigneux des restes de son être,
Éternel dans ses bastions,

Empaqueté, fourré, le nez sur ses tisons,

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