VALÈRE. A mes dépens peut-être ils sont d'intelligence? CLÉON. Cela m'en a tout l'air. VALÈRE. J'aime mieux un procès : J'ai des amis là-bas, je suis sûr du succès. CLÉON. Quoique je sois ici l'ami de la famille, Je dois vous parler franc; à moins d'aimer leur fille, Je ne vois pas pourquoi vous vous empresseriez Pour pareille alliance: on dit que vous l'aimiez Quand vous étiez ici? VALÈRE. Mais assez, ce me semble; CLÉON. Ni laide, ni jolie; C'est un de ces minois que l'on a vus par-tout, Et dont on ne dit rien. VALÈRE. J'en crois fort votre goût. CLÉON. Quant à l'esprit, néant; il n'a pas pris la peine Jusqu'ici de paroître, et je doute qu'il vienne; VALÈRE. Assurément Chloé seroit une beauté, CLÉON. Non; il vous faut rester. VALÈRE. Mais comment voulez-vous ici me présenter? CLÉON. Non pas dans le moment, dans une heure. VALÈRE. CLÉON. A votre aise. Il faut que vous alliez retrouver votre chaise: Dans l'instant que Géronte ici sera rentré (Car c'est lui qu'il nous faut), je vous le manderai; Et vous arriverez par la route ordinaire, Comme ayant prétendu nous surprendre et nous plaire. VALÈRE. Comment concilier cet air impatient, Cette galanterie, avec mon compliment? C'est se moquer de l'oncle, et c'est me contredire: Que je serai (soit dit dans le plus simple aveu) CLÉON. Et voilà justement ce qu'il ne faut pas faire : Homme d'un autre siècle, et ne suivant en tout Pour ton qu'un vieux honneur, pour loi que le vieux goût; Cerveau des plus bornés, qui, tenant pour maxime Qu'un seigneur de paroisse est un être sublime, De son banc, de ses soins, et de sa dignité : Il réglera pour vous son penchant ou sa haine A le suivre par-tout, tout voir, tout admirer, Son parc, son potager, ses bois, son avenue; Il ne vous fera pas grace d'une laitue. Vous, au lieu d'approuver, trouvant tout fort commun, Vous ne lui paroîtrez qu'un fat très importun, Un petit raisonneur, ignorant, indocile, Peut-être ira-t-il même à vous croire imbécile. VALÈRE. Oh! vous êtes charmant... Mais n'aurois-je point tort? J'ai de la répugnance à le choquer si fort. CLÉON. Eh bien!.. mariez-vous... Ce que je viens de dire N'étoit que pour forcer Géronte à se dédire, Comme vous desiriez : moi, je n'exige rien; Tout ce que vous ferez sera toujours très bien; VALÈRE. Je cherche à m'éclairer. Écoutez-moi, de grace; CLÉON. Mais tout vous embarrasse, Et vous ne savez point prendre votre parti. Je n'approuverois pas ce début étourdi Si vous aviez affaire à quelqu'un d'estimable, Dont la vue exigeât un maintien raisonnable; Mais avec un vieux fou dont on peut se moquer, J'avois imaginé qu'on pouvoit tout risquer, Et que, pour vos projets, il falloit sans scrupule Traiter légèrement un vieillard ridicule. VALÈRE. Soit. Il a la fureur de me croire à son gré SCÈNE VIII. CLÉON, VALÈRE, FRONTIN. FRONTIN. Monsieur, j'entends du bruit, et je crains qu'on ne vienne. CLÉON. Ne perdez point de temps; que Frontin vous ramene. SCÈNE IX. CLÉON. Maintenant éloignons Frontin, et qu'à Paris |