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Entraîné par sa 'destinée,

Et ravi, je ne sais comment,
Au secret de son maître absent.
Selon la gazette neustrique,
Cet amusement poétique,
Surpris, intercepté, transcrit
Sur je ne sais quel manuscrit
Par un prestolet famélique,
Se vend à l'insu de l'auteur
Par ce petit-collet profane,
Et déja vaut une soutane
Et deux castors à l'éditeur.

Si ma main n'étoit pas trop lasse,

Ce seroit bien ici la place
D'ajouter un tome nouveau
Aux mémoires du saint oiseau;
De narrer comme quoi la pièce,
Portée au sortir de la presse
Au parlement visitandin,
Causa dans leurs saintes brigades
Une ligue, des barricades,

Et sonna par-tout le tocsin;

Comme quoi les mères notables,
L'état-major, les vénérables,

Vouloient, dans leur premier accès,

Sans autre forme de procès,

Brûler ces vers abominables,

Comme erronés, comme exécrables,

Jansénistes, impardonnables,

Et notoirement imposteurs;

Mais comme quoi des jeunes sœurs
La jurisprudence plus tendre
A jusqu'ici paré les coups,
Ravi Ver-Vert à ce courroux,
Et sauvé l'honneur de sa cendre.
Suivant le lardon médisant

Les jeunes sœurs d'un œil content
Ont vu draper les graves mères,
Les révérendes douairières,
Et la grand'chambre du couvent.
Une nonne sempiternelle
Prétend prouver à tout fidéle
Que jamais Ver-Vert n'exista,
Vu, dit-elle, qu'on ne pourra
Trouver la lettre circulaire
Du perroquet missionnaire
Parmi celles de ce temps-là.
Je crois que la remarque habile
De la cloîtrière sibylle

(N'en déplaise à sa charité)
Sera de peu d'utilité;

Car dès que Ver-Vert est cité

Dans les archives du Parnasse,
Quel incrédule auroit l'audace
D'en soupçonner la vérité?
Toutefois ce procès mystique
Au carnaval se jugera;

Dans un chapitre œcuménique

L'oiseau défendeur paroîtra.

La vieille mère Bibiane

Contre lui doit plaider long-temps,
Et, dans le fort des arguments
Que hurlera son rauque organe,
Perdra ses deux dernières dents;
Mais la jeune sœur Pulchérie,
Qui pour Ver-Vert pérorera,
(Si dans ce jour, comme on publie,
Les directeurs opinent là )
Très sûrement l'emportera
Sur l'octogénaire harpie.
A plaider contre le printemps
L'hiver doit perdre avec dépens.
Adieu. Voilà trop de folies:
Trop paresseux pour abréger,
Trop occupé pour corriger,
Je vous livre mes rêveries,
Que quelques vérités hardies
Viennent librement mélanger :
J'abandonne l'exactitude

Aux gens qui riment par métier.
D'autres font des vers par étude;
J'en fais pour me désennuyer:
Ainsi vous ne devez me lire
Qu'avec les yeux de l'amitié.
J'aurois encor beaucoup à dire :
L'esprit n'est jamais las d'écrire
Lorsque le cœur est de moitié.

A MA MUSE.

ENVOI A MADAME ***.

Sur le sage emploi de la vie

Une aimable philosophie

A

trop éclairé votre cœur

Pour qu'il puisse me faire un crime

De n'accorder point à la rime
Des jours que je dois au bonheur.
Je ne m'en défends point, Thémire,
La paresse est ma déité :

Aux sons négligés de ma lyre
Vous sentirez qu'elle m'inspire,

Et que,

d'un chant trop concerté

Fuyant l'ennuyeuse beauté,

Loin de faire un travail d'écrire,
Je m'en fais une volupté ;
Moins délicatement flatté

De l'honneur de me faire lire,
Que de l'agrément de m'instruire
Dans une oisive liberté.

On ne doit écrire qu'en maître ;
Il en coûte trop au bonheur.
Le titre trop chéri d'auteur
Ne vaut pas la peine de l'être;

Aussi n'est-ce point sous ce nom,
Si peu fait pour mon caractère,
Que je rentre au sacré vallon,
Moi qui ne suis qu'en volontaire
Les drapeaux brillants d'Apollon.
La muse qui dicta les rimes
Que je vais offrir à vos yeux,
N'est point de ces muses sublimes
Qui pour amants veulent des dieux;
Elle n'a point les graces fières
Dont brillent ces nymphes altières
Qui divinisent les guerriers:
La négligence suit ses traces,
Ses tendres erreurs font ses graces,
Et les roses sont ses lauriers.

Ici sur le ton des préfaces,
Et des pesantes dédicaces,
Thémire, je ne prétends pas
Vous implorer pour mes ouvrages.
Par vous le goût et les appas
Me gagneroient mille suffrages;
Mais en faut-il tant à mes vers?
Mes amis me sont l'univers.

VOLAGE Muse, aimable enchanteresse, Qui, m'égarant dans de douces erreurs, Viens tour-à-tour parsemer ma jeunesse De jeux, d'ennuis, d'épines, et de fleurs;

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