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chambres législatives et les témoins. La loi du 25 mars
1822, en introduisant ces incriminations nouvelles, n'a
modifié nulle disposition du Code, et il ne pouvait entrer
dans notre plan de présenter le commentaire de cette loi
spéciale.

Nous voulons, en second lieu, rappeler une règle générale
qui doit s'appliquer à tous les délits qui ont fait l'objet de ce
paragraphe, c'est qu'il n'y a point d'outrage quand il n'y a
point eu d'intention d'outrager 2: Injuria ex effectu facientis
consistit. Ainsi, lorsque l'agent a fait erreur de personne, ou
lorsqu'il n'avait pas le dessein de faire une injure sérieuse, le
délit ne peut lui être imputé: Quarè si quis per jocum percu-
tiat aut dùm certat, injuriarum non tenetur. A la vérité,
quand les paroles ou les gestes sont injurieux, l'intention
coupable est présumée, et c'est au prévenu à justifier de sa
bonne foi; mais cette preuve doit être admise, et elle efface
le délit. Les anciens jurisconsultes ont longtemps disserté
sur le point de savoir si l'ivresse ou la colère sont deux
excuses de l'injure; nous avons apprécié précédemment
(nos 356 et 358) la nature et les effets de ces deux causes
impulsives des actions humaines; il suffira de rappeler que
la colère et l'ivresse ne sont point, en général, des motifs
de justification, mais peuvent devenir des circonstances
atténuantes qui motiveraient seulement une diminution de
la peine.

§ III. Des violences commises envers les fonctionnaires
publics.

985. La loi romaine avait prévu, ainsi qu'on l'a vu plus
haut, deux espèces d'outrages, verbis aut re: l'outrage réel
consistait dans les violences qui sont exercées sur la per-
sonne, re quotiens manus inferuntur. Cette sorte d'injure
était réputée atroce, re atrocem injuriam haberi Labeo ait;

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mais cette gravité du délit se graduait toutefois d'après la gravité des violences et des blessures, vulneris magnitudo atrocitatem facit et nonnunquam locus vulneris veluti oculo percusso 1. L'injure restait classée parmi les injures atroces, quoique les violences fussent légères, etiam sine pulsatione posse dici atrocem injuriam, persond atrocitatem faciente 2; mais les peines se mesuraient sur la nature et les résultats des violences".

Ces distinctions ont été à peu près appliquées par notre Code en matière d'outrage contre les fonctionnaires. Après avoir disposé sur l'outrage verbal, il passe aux outrages commis à l'aide de violences, et en fait l'objet de nouvelles dispositions. Ces violences sont classées, suivant leur criminalité ou plutôt suivant leurs résultats, en cinq catégories différentes, à savoir: celles qui n'ont point causé de blessures, d'effusion de sang ou de maladie; celles qui, sans laisser plus de traces, ont cependant été commises avec préméditation ou guet-apens; celles qui ont été la cause d'effusion de sang ou de blessures ou de maladie; celles qui, ayant produit les mêmes résultats, ont été suivies de la mort de la victime dans les quarante jours; enfin, celles qui ont été commises avec l'intention de donner la mort. Nous allons successivement examiner chacune de ces incriminations.

986. Les articles 228, 229 et 230 sont relatifs aux violences non préméditées qui n'ont été suivies d'aucune blessure : la loi, en ce qui concerne ce premier degré des violences, et dans cette première hypothèse seulement, a gradué la peine d'après la qualité de la personne offensée.

Les articles 228 et 230 ont reçu quelques additions de la loi du 13 mai 1863, et nous devons exposer les motifs de ces rectifications.

L'art. 228 a subi une double modification : 1o par l'addition dans son contexte des violences et voies de fait; 2° par l'atté

1. L. 1, 1, 7 et 8, Dig. de injuriis.

2. L. 9, ibid.

3. L. 8 et 45, Dig. de injuriis.

nuation de la pénalité, faite à dessein de transporter la compétence du jury à la police correctionnelle.

Art. 228. Tout individu qui, même sans armes et sans qu'il en soit résulté de blessures, aura frappé un magistrat dans l'exercice de ses fonctions, ou à l'occasion de cet exercice, ou commis toute autre violence ou voie de fait envers lui dans les mêmes circonstances, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans. Le maximum de celle peine sera toujours prononcé si la voie de fait a eu lieu à l'audience d'une Cour ou d'un tribunal. Le coupable pourra, en outre, dans les deux cas, être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine, et être placé sous la surveillance de la haute police pendant le même nombre d'années 1.

Exposé des motifs: La suppression de la dégradation civique dans ce paragraphe n'est pas absolue : à vrai dire, elle porte plutôt sur la qualification, qui ne sera plus infamante, que sur la peine même. La pénalité nouvelle conserve, au moyen de l'article 42, la presque totalité des effets de la dégradation civique, avec cette différence, qui est à notre avis une amélioration, que le juge aura la faculté de l'appliquer et de la mesurer selon les cas et selon les personnes. La privation des droits, peine sérieuse pour quelques-uns, est purement nominale pour d'autres. C'est par ce motif que, dans le Code révisé de 1832, on a voulu que le juge puisse ajouter l'emprisonnement à la dégradation civique (art. 35). « L'emprisonnement accessoire (disait le rapporteur) frappera ceux que la peine principale de la dégradation civique n'aurait pas frappés. » Il aurait pu ajouter que, dans ce concours des deux peines, l'emprisonnement sera trop souvent la peine principale. Dans la nouvelle rédaction du deuxième paragraphe de l'art. 228, l'emprisonnement de deux à cinq ans n'est pas seulement maintenu; le maximum est déclaré obligatoire pour tenir lieu de la dégradation civique comme aggravation de peine. La qualification est diminuée peut-on dire que la peine le soit? N'oublions pas qu'à cet emprisonnement viendront se joindre les incapacités et le renvoi sous la surveillance de la haute police. Quant aux motifs de ce changement, quelques-uns ressortent de la comparaison même que nous venons de faire des deux peines. Celle de la dégradation civique manque ici d'analogie, de proportion et d'efficacité la peine de cinq années d'emprisonnement sera mieux appropriée à des natures violentes et grossières; son effet préventif plus certain, Mais, indépendamment de ces motifs, il en

1. ** La surveillance de la haute police est supprimée et remplacée par la défense faite au condamné de paraître dans les lieux dont l'interdiction lui aura été signifiée par le Gouvernement (L. 27 mai 1885, art. 19).

est d'un autre ordre et d'un caractère plus général, que ce changement satisfait en donnant juridiction immédiate au tribunal dont un membre vient d'être frappé à l'audience. Le principe de cette juridiction n'a pas besoin d'être défendu; on le retrouve partout, il est dans la nature des choses c'est la répression immédiate d'un flagrant délit ; c'est le tribunal défendant la liberté, la dignité, la sécurité de son audience. - Cet intérêt si pressant, ces considérations si graves, doivent fléchir sous les lois supérieures de la compétence et de la distribution des peines, quand il s'agit de faits qualifiés crimes. Un tribunal correctionnel ne peut avoir juridiction que sur les délits; les peines afflictives ou infamantes ne sont pas de son domaine (art. 181, 505-506, C. instr. crim.). Si un crime est commis à son audience, il doit renvoyer les pièces et le prévenu, à l'état d'arrestation, devant les juges compétents. Cet ajournement de la répression ne la met pas en péril dans les cas de violences graves, qui ont été cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie. - Mais quand les violences n'ont pas le caractère de gravité physique, comme dans l'art. 228, on peut craindre, et l'expérience a justifié cette crainte, que le jury ne les réprime pas toujours avec la sévérité qui convient à la gravité sociale. — Quand le coupable, en effet, comparait devant la Cour d'assises, après une instruction et une détention préventive plus ou moins longues, les faits semblent avoir perdu de leur importance, l'impression première s'est effacée, et le jury incline à une indulgence qu'il n'aurait pas eue si le jugement avait suivi l'offense de plus près. Mais la considé ration dominante, c'est que le tribunal est le juge naturel et obligé du flagrant délit commis à son audience. Il y a là un principe et un intérêt de premier ordre, qu'il faut affirmer en l'appliquant, toutes les fois que la gravité exceptionnelle des faits n'impose pas le devoir de recourir à la plus haute juridiction criminelle.

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Le rapport de la commission ne fait que reproduire, en les abrégeant, ces considérations, et il ajoute à l'appui d'un amendement dû à son initiative:

« L'art. 223 punit l'outrage par gestes ou menaces envers un magistrat. L'art. 228 punit les coups. Entre les menaces et les coups il est des voies de fait ou des violences qui ne rentrent pas précisément dans aucune des expressions employées par la loi, et qu'on ne voudrait pas laisser impunies. Tel est le fait de cracher à la figure d'un fonctionnaire, de déchirer sa robe, d'arracher ses insignes, de le saisir au corps, de le secouer avec violence, et même de le renverser. Ces violences et voies de fait sont rares sans doute envers les magistrats ou fonctionnaires d'un ordre élevé, mais elles le sont moins envers des agents de la force publique ou des citoyens chargés d'un service public; et comme l'art. 230, qui punit les violences envers ces agents, s'en réfère à l'art. 228 pour

leur définition, la difficulté existait pour les uns comme pour les autres. Nous la faisons disparaitre pour l'addition faite à l'art. 228. »

987. Cette disposition avait fait naître un doute grave sur la nature des violences qu'elle punit. Elle ne comprenait, en effet, dans ses termes, que ceux qui ont frappé les magistrats. Or, quel était le sens de cette expression? Avait-elle eu pour but de définir l'espèce des violences punissables, en les restreignant aux coups portés ? Etait-elle, au contraire, démonstrative seulement de la nature des violences, et permet-elle dès lors de comprendre dans la même incrimination toutes les voies de fait du même genre? Cette question importante, puisque sa solution réagissait sur toute cette section, se trouve tranchée par la loi du 13 mai 1863.

Qu'il nous soit permis de rappeler d'abord que la loi romaine avait distingué et énuméré plusieurs espèces de violence. En règle générale, l'injure réelle existait toutes les fois que les mains s'étaient portées sur la personne, quotiens manus inferuntur: mais ce n'était pas assez d'avoir posé cette règle; la loi avait cru nécessaire de prévoir les diverses sortes de violences. Est-ce une injure réelle que l'acte de violence qui ne touchait point immédiatement le corps, comme, par exemple, de saisir une personne par ses vêtements et de les déchirer? La loi le décidait formellement: An et si non corpori utputà vestimentis scissis, comite abducto? Et ait Pomponius etiam sine pulsatione posse dici atrocem injuriam, personâ atrocitatem faciente. Fallait-il ranger dans la même catégorie les voies de fait légères qui ne causent nulle douleur et ne laissent aucune trace? La loi avait pris soin de le déclarer encore : injuria in corpus fit cùm quis pulsatur 2; et la valeur de ce dernier mot était clairement déterminée: pulsare est sine dolore cædere. Les coups étaient à la fois définis: Verberare est cum dolore cædere; et la loi, en punissant ces diverses violences, les distinguait encore: Lex Cornelia competit ei

1 et 2. L. 1, & 2; 5, § 1; 7, §28 et 9, Dig. de injuriis et famosis libellis. 11

TOME III.

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