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précédent, le coupable pourra de plus être condamné à s'éloigner, pendant 5 à 10 ans, du lieu où siége le magistrat, et d'un rayon de deux myriamètres. Cette disposition aura son exécution à dater du jour où le condamné aura subi sa peine; si le condamné enfreint cet ordre avant l'expiration du temps fixé, il sera puni du bannissement. »

Cette interdiction locale et temporaire doit être considérée comme une peine: ce n'est point une satisfaction attribuée au magistrat offensé, mais une garantie donnée à la société elle-même; c'est en vue du délit et non de la victime que le coupable est éloigné du lieu où il l'a commis. On ne pourrait donc décider, comme le fait M. Carnot, que le décès du magistrat avant l'expiration du délai de cette interdiction la fait tomber de plein droit; la peine est indépendante de son existence et même de son changement de résidence. Cette mesure ne s'applique qu'aux seuls agents qui ont frappé un magistrat sans que les coups aient produit des blessures: la raison de cette restriction est qu'à l'égard des officiers publics et des autres agents de l'autorité, le délit étant moins grave n'exigeait pas les mêmes mesures répressives; et, relativement aux violences plus graves que les simples coups, que ces violences étant punies d'une peine afflictive et infamante, la mesure de l'interdiction locale eût fait un double emploi avec la peine « de l'interdiction de résidence. » Enfin, cette peine est purement facultative; les juges doivent la réserver pour les circonstances les plus graves, et attendre que la sûreté publique en sollicite l'application.

992, Les violences, de même que les outrages par paroles, sont punies d'une peine différente, suivant qu'elles sont exercées contre des magistrats ou d'autres officiers publics. Cette dernière hypothèse est prévue par l'art. 230, qui est ainsi conçu :

« Les violences ou voies de fait de l'espèce exprimée en l'art. 228, dirigées contre un officier ministériel, un agent de la force publique, ou un citoyen chargé d'un ministère de service public, si elles ont eu lieu pendant qu'ils exerçaient leur ministère ou à cette occasion, seront punies d'un emprisonnement d'un mois au moins et de trois ans au plus, et d'une amende de seize francs à cinq cents francs. »

Les additions faites dans cet article par la loi du 13 mai 1863 sont expliquées en termes très succincts dans l'exposé des motifs :

« Outre que la peine d'un mois à six mois n'est pas suffisante, elle constitue une disparité choquante entre cet article et l'art. 311. Là aussi il s'agit de violences, de coups simples; l'individu frappé n'est pas un dépositaire de l'autorité ou de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, c'est un simple particulier, et néanmoins la peine peut être un emprisonnement de six jours à deux ans et une amende de seize à deux cents francs. »

993. Le délit prévu par cet article est le même que celui que l'art. 228 a puni: la qualité des personnes qui en sont l'objet a seule changé. Ainsi cet article ne doit s'appliquer qu'aux individus qui ont frappé les officiers qu'il désigne, ou commis toute autre violence sans que les coups aient causé des blessures; car il s'agit dans l'un et l'autre cas de violences de la même espèce. Ainsi cette application est subordonnée à la condition que l'officier ait été frappé dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Il ne nous reste donc qu'un seul point à examiner: quelles sont les personnes publiques auxquelles s'étend l'art. 230 ?

Nous ne répéterons point la définition que nous avons donnée précédemment des officiers ministériels et des agents de la force publique; mais une question nouvelle se présente ici que faut-il entendre par ces mots, un citoyen chargé d'un ministère de service public? Il est difficile d'attacher un sens précis à une expression aussi vague, et que le législateur a jetée ici en quelque sorte au hasard, puisqu'il ne la reproduit nulle part ailleurs; toutefois elle doit être entendue avec de certaines restrictions. Les violences qui font l'objet de ce chapitre ne prennent un caractère de gravité plus élevé que si elles étaient commises sur de simples particuliers, que parce que, exercées sur des personnes publiques, elles constituent en quelque sorte un attentat à la sûreté générale: il suit de là qu'il faut nécessairement limiter l'application des termes dont

la loi s'est servie, aux individus qui sont dépositaires à un certain degré de l'autorité publique, et contre lesquels les violences exercées compromettraient la sûreté publique. La Cour de cassation a appliqué cette formule singulière aux gardes qui sont chargés de surveiller l'évacuation des lots de bois d'affouage : il lui a paru que ces gardes, qui n'avaient plus alors leurs fonctions d'agents de la force publique, devaient du moins être considérés comme chargés d'un ministère de service public 1. Elle l'a appliquée encore aux gardes champêtres des communes, lorsqu'ils agissent pour l'exécution des arrêtés de l'autorité municipale 2; aux gardes des particuliers eux-mêmes 3; aux gardiens des maisons centrales de détention ; aux surveillants jurés de la pêche ".

994. Les violences dont nous avons parlé jusqu'ici, définies par l'article 228, ne sont, ainsi que nous l'avons remarqué, que des coups et des voies de fait portés sans qu'il en soit résulté de blessures. Ces violences vont prendre maintenant un caractère plus dangereux, et la loi va cesser aussitôt de limiter son incrimination à une seule de leurs espèces. Dès qu'elles ont laissé une trace sanglante, dès qu'elles ont produit un résultat matériel et appréciable, leur gravité les fait rentrer dans la disposition de la loi, quelle que soit la manière dont elles aient été occasionnées. C'est dans ce sens que doit être compris l'article 231, qui porte : « Si les violences exercées contre les fonctionnaires et agents désignés aux art. 228 et 230 ont été la cause d'effusion de sang, blessures ou maladie, la peine sera la réclusion; si la mort s'en est suivie dans les quarante jours, le coupable sera puni des travaux forcés à perpétuité. »

Les violences prévues par cet article sont donc toutes celles qui ont pu produire des blessures ou maladies; la loi

1. Cass., 4 août 1826, Bull. n. 149.

2. Cass., 2 mai 1839, Bull. n. 142.

3. Cass., 16 déc. 1841, Bull. n. 356.

4. Cass., 11 fév. 1842, Bull. n. 25; Dev. 42. 1. 726.

5. Cass., 12 mars 1842, Bull, n. 61; Dev. 42. 1. 511. ** V. aussi suprà, p. 145, n. 1.

n'en définit plus l'espèce, ne limite plus l'acception du terme qu'elle emploie. Ce n'est plus d'ailleurs la nature des violences qu'elle considère, mais leur résultat ; ce n'est pas l'intention ou la combinaison du crime, mais l'événement: les moyens employés lui sont indifférents; elle cesse d'en faire une condition de son incrimination; elle ne voit que les conséquences matérielles.

En suivant ce système, la loi attribue aux mêmes violences, au même fait, un double caractère, suivant qu'elles ont été suivies de blessures, ou que ces blessures ont entraîné la mort. Nous allons examiner ces deux dispositions; mais il n'est pas inutile de faire remarquer d'abord que le Code confond ici dans une protection commune les fonctionnaires et agents qu'il avait séparés dans les art. 228 et 230, mais que la règle qui restreint cette garantie spéciale aux faits commis dans les fonctions ou à l'occasion des fonctions est toujours subsistante, quoique l'art. 231 ne l'ait pas rappelée, et domine son incrimination comme toutes les dispositions de cette matière. Ainsi la qualité de la personne outragée et la relation de la voie de fait avec la fonction doivent donc être également constatées ici 1.

La loi a confondu dans la même disposition toutes les violences qui peuvent être la cause d'effusion de sang, blessures ou maladie nulle distinction n'a été faite entre ces diverses violences. La séparation établie par l'art. 309 entre les blessures qui ont produit une incapacité de travail de plus de vingt jours, et celles qui n'ont causé qu'une maladie de quelques jours, n'a point été transportée ici que les blessures soient graves ou légères, qu'elles aient entraîné de longues souffrances et même la perte d'un membre, ou la simple effusion de quelques gouttes de sang, la peine est uniforme, le crime est le même aux yeux de la loi. Elle ne s'est attachée qu'à un résultat matériel quelconque, en faisant abstraction de la gravité même de ce résultat, excepté le seul cas de la mort. Quant au but des violences, quant à la volonté criminelle, elle ne s'en est point occupée; il suffit que ces bles

1. Cass., 12 juin 1851, Bull. n. 215.

CHAP. XXXIV.-VIOLENCES ENVERS LES FONCTIONNAIRES.

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sures ne soient point accidentelles, que l'agent ait eu l'intention de les faire avec la connaissance de la qualité de la personne sur laquelle il les exerçait. Ainsi la Cour de cassation a pu juger, sans qu'on puisse critiquer cet arrêt, que l'application de cet article ne saurait être modifiée par le but dans lequel les violences ont pu être exercées, et soit qu'elles aient eu pour objet la résistance à un acte de l'autorité publique, soit qu'elles n'en aient eu d'autre que d'insulter les agents commis à l'exécution de cet acte 1. Les seules circonstances dont la réunion soit nécessaire pour donner lieu à la peine de la réclusion sont que les violences aient été volontairement exercées, que ces violences aient été cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, enfin qu'elles aient été exercées pendant que l'officier remplissait les devoirs de son ministère ou à cette occasion 2.

:

995. La peine s'élève aux travaux forcés à perpétuité, lorsque la mort a suivi les violences dans les quarante jours. L'article primitif du Code ne portait point après les mots si la mort s'en est suivie, ceux-ci dans les quarante jours. La commission du Corps législatif proposa cette addition en se fondant sur ce que si l'individu blessé, après avoir survécu plus de quarante jours aux blessures ou aux coups, succombait plus tard à la suite d'une autre maladie, on pourrait en attribuer la cause à ces coups et blessures, en sorte que l'auteur de ceux-ci pourrait rester pendant un temps indéfini avec le poids d'une responsabilité terrible et l'attente d'une peine qui dépendrait d'un événement incertain. Ces considérations firent adopter cet amendement 3.

Mais il faut qu'il soit bien établi que la mort ait été le résultat nécessaire des violences exercées; car l'accusé ne saurait devenir responsable d'un malheur qui ne serait pas une conséquence directe de son action. Cette observation,

1. Cass., 21 mai 1811, S. 12. 1. 135.

2. Cass., 6 avril 1820, Bull. n. 47.

3. Procès-verb. du Cons. d'Etat, séance du 9 janv. 1810.

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