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civile; en élevant la peine, ce sera la société qu'on servira en environnant d'un plus grand respect les ordres de ses magistrats. » Tels furent les motifs qui firent ajouter la peine d'emprisonnement.

La réserve formulée dans l'article, relativement aux réparations civiles, puise son explication dans la même source. Un membre du Conseil d'Etat pensa que le coupable devait, en outre, être tenu d'indemniser les particuliers des torts que son refus leur aurait causés, et, par exemple, de payer des dommages-intérêts au propriétaire d'une maison à la démolition ou à l'incendie de laquelle la force armée ne s'est point opposée. Il fut répondu d'abord que le Code pénal renfermait, à cet égard, une disposition générale qui comprenait tous les actes dommageables qualifiés crimes ou délits, et les rendait passibles de réparations civiles; (mais on crut ensuite qu'il pouvait être utile d'énoncer surabondamment, et par forme d'instruction, une mention spéciale de cette responsabilité, afin qu'elle pût frapper davantage les regards des militaires qui connaissent peu les principes généraux des lois et les conséquences qu'on peut en déduire à leur égard. De là l'origine de cette disposition additionnelle et qui n'est qu'un renvoi 1.

1007. L'infraction des témoins et des jurés aux obligations que la loi leur impose forme en second lieu l'objet de la prévoyance du législateur. Le juré et le témoin qui cherchent à se dérober à ces obligations se rendent coupables; ils enfreignent un devoir social, et cette infraction peut entraîner de funestes conséquences; il peut en résulter une suspension dangereuse de l'exercice de la justice; il peut en résulter surtout le dépérissement des preuves qui doivent fonder la condamnation du coupable ou la justification de l'innocent. Toutefois ce fait présente des caractères divers.

La loi distingue le défaut de comparution, qui n'est qu'une simple contravention passible d'une amende 2, l'allégation

1. Procès-verb. du Cons. d'Etat, séance du 12 août 1809.

2. ** C'est un délit, l'infraction étant punie de peines correctionnelles (art. 1er, C. P.). V., au surplus, t. I, p. 36, n. 1; p. 495, note.

d'une fausse excuse qui fait l'objet de l'art. 236, et la production d'un certificat faux que le Code a prévu dans son art. 159. Nous avons examiné les caractères de ce dernier délit dans notre chapitre 29, relatif aux faux certificats (V. n. 757). Quant à la simple absence, la loi a distingué celle du juré et celle du témoin le juré qui ne s'est pas rendu à son poste sur la citation qui lui a été notifiée, et qui ne justifie pas d'une excuse valable, est puni d'une amende, pour la première fois de 500 fr. (qui peut être réduite à 200 fr. en vertu de l'art. 19 de la loi du 4 juin 1853), pour la seconde de 1,000 fr., pour la troisième de 1,500 fr., et cette dernière fois il est de plus déclaré incapable d'exercer à l'avenir les fonctions de juré1. Le témoin qui ne comparaît pas, soit devant le juge, soit à l'audience, et qui ne justifie pas qu'il en était légitimement empêché, encourt une amende de 100 fr. 2: la même peine lui est infligée si, même après avoir comparu, il refuse de déposer 3. Si, à raison de sa non-comparution devant la Cour d'assises, l'affaire est renvoyée à la session suivante, tous les frais de la procédure peuvent être mis à sa charge, et il doit être amené par la force publique devant la Cour pour y être entendu ".

1008. Telles sont les peines qui atteignent le premier degré de l'infraction, le refus de comparaître. L'art. 236 prévoit un fait plus grave, l'allégation d'une fausse excuse; cet article est ainsi conçu : « Les témoins et les jurés qui auront allégué une excuse reconnue fausse seront condamnés, outre les amendes prononcées pour la non-comparution, à un emprisonnement de six jours à deux mois. »

Ce n'est plus une simple contravention, même un acte de désobéissance; le contrevenant, pour couvrir sa faute, ou se procurer la rédemption du service qui lui est assigné, se sert d'un moyen immoral, et c'est ce moyen qui est érigé en délit. Les fausses allégations, quelque répréhensibles qu'elles soient, échappent en général à la justice répressive; mais ici le législateur les a frappées, parce que la société est fortement

1. Art. 396, C. instr. crim.

2, 3 et 4. Art. 80, 304 et 355, C. instr. crim.

intéressée à ce que les jurés ou les témoins ne se dérobent pas sous de vains prétextes au devoir qui les enchaîne, parce qu'ils deviennent plus coupables lorsqu'ils commettent un faux, même par de simples paroles, pour colorer une autre infraction. Il est, du reste, évident que l'allégation d'une excuse reconnue fausse constitue un délit moral: il ne suffit donc pas que cette fausseté soit reconnue; il faut encore qu'il soit démontré, pour l'application de la peine, que le juré ou le témoin a agi sciemment, qu'il connaissait la fausseté de l'excuse qu'il alléguait, et qu'il avait l'intention de surprendre la religion des juges pour se rédimer de ses fonctions.

La loi prononce, outre les amendes portées contre la noncomparution, un emprisonnement de six jours à deux mois. De là cette double conséquence d'abord, que cette disposition forme une exception au principe de l'art. 365 du Code d'instruction criminelle, qui prohibe l'accumulation des peines; ensuite, que les deux peines ne doivent néanmoins être prononcées qu'autant que les deux faits punissables coexistent simultanément. Si donc un juré, par exemple, vient, sur la citation qui lui a été notifiée, alléguer une excuse qui est reconnue fausse, il n'encourt que la peine applicable aux fausses allégations d'excuses; il ne peut être condamné aux amendes prononcées pour la non-comparution, puisqu'il a comparu.

1009. Les dispositions de l'art. 236 peuvent-elles s'étendre aux experts? En d'autres termes, les experts peuvent-ils être considérés comme des témoins? Nous ne le pensons pas. Les experts ne déposent point comme des témoins des circonstances d'un fait qu'ils ont vu ou qui est venu à leur connaissance; ils sont appelés à vérifier ces circonstances, à constater ce fait; ils remplissent une mission de la justice; ils font l'office du juge lui-même, auquel ils apportent les notions, les connaissances spéciales qui lui manquent : ce n'est donc point un témoignage qu'ils portent, c'est un jugement qu'ils rendent. Il suit de là, tout d'abord, que l'application de l'article 80 doit être écartée, puisque les experts ont un caractère tout différent des témoins, puisque nulle part la loi ne les a assimilés à ceux-ci. Mais une autre

différence justifie les dispositions restrictives de l'article 236 et celles des articles 80, 304 et 355 du Code d'instruction criminelle. C'est le délit qui crée les témoins, c'est le juge qui choisit les experts; les premiers reçoivent de l'événement et de la loi une mission forcée; les autres reçoivent de la justice seule une mission purement volontaire, puisque d'autres peuvent l'exercer. De là, nécessité dans un cas, faculté dans l'autre de déposer. Dans l'un et l'autre cas il y a devoir moral, parce que les experts doivent, comme les témoins, à la justice le concours de leurs lumières; mais si ce devoir a dû être sanctionné à l'égard des témoins par une disposition pénale, parce qu'il ne peut dépendre d'un individu de paralyser la justice, la même sanction n'a pu exister vis-à-vis des experts, parce que chacun est libre dans l'exercice de sa profession, parce que le refus d'un expert peut bien entraver momentanément, mais ne peut enchaîner l'action de la justice, parce qu'enfin il serait absurde de contraindre par corps un expert à procéder à une vérification, à donner son opinion, à faire une appréciation quelconque 1.

1010. Le Code pénal a placé dans cette section un dernier article qui a peu de rapports avec les autres et dont le but a cessé d'exister. L'art. 235 porte : « Les lois pénales et règlements relatifs à la conscription militaire continueront à recevoir leur exécution. » Le seul objet de cette disposition était de réserver les nombreuses pénalités qui poursuivaient jusque sur leurs parents les conscrits réfractaires qui se dérobaient au service militaire. Ces lois ont été abrogées par l'article 11 de la charte de 1814. Mais les délits des jeunes gens soumis au recrutement, et qui ont pour but de les soustraire au service, ont continué de former des délits spéciaux qui sont prévus et punis par l'article 25 de la loi du 18 mars 1818, par les articles 58 et suivants de la loi du 21 mars 1832 et par la loi du 26 avril 1855 2.

1. ** L'art. 138 du Code pénal allemand, qui punit également d'un emprisonnement de deux mois au plus le fait d'alléguer une excuse reconnue fausse, applique expressément la même peine à l'expert appelé pour un service légalement obligatoire.

2.

** Et par la loi du 27 juillet 1872.

CHAPITRE XXXVI.

DE L'ÉVASION DES DÉTENUS ET DU RECÈLEMENT DES CRIMINELS.

(Commentaire des art. 237 à 248 du Code pénal).

1011. La simple évasion ne constitue aucun délit.

4012. Le délit n'existe que par l'emploi de moyens violents (art. 245). 1013. A quelles personnes s'applique l'expression de détenus.

1014. Circonstances caractéristiques du délit d'évasion et de la tentative de ce délit.

1015. Ce qu'on doit entendre par bris de prison et violences.

1016. S'il suffit que les détenus aient profité d'un bris auquel ils n'ont pas

participé.

1017. Il faut que le lieu de détention soit autorisé par la loi.

1018. Pénalités applicables aux détenus évadés.

1019. Cumul de ces peines avec les peines du délit qui motive la déten

tion.

1020. L'évasion ne place pas l'évadé en état de récidive.

1021. Excuses du délit d'évasion.

1022. Délits des tiers préposés à la garde des détenus : caractères généraux de cette infraction.

1023. Dispositions des législations antérieures.

1024. Ce délit n'existe qu'autant que les évadés étaient légalement détenus

(art. 237).

1025. Quels sont les agents responsables de l'évasion.

1026. Evasion des prévenus de délits ou de crimes passibles de peines infamantes (art. 238). Addition faite à cet article par la loi du

13 mai 1863.

1027. Définition de la négligence et de la connivence.

1928, Cas d'application de l'art. 238.

1029. Evasion des prévenus ou condamnés pour un crime passible d'une peine afflictive à temps ou d'une peine perpétucile (art. 239 et 240.

4030. Complicité des gardiens qui ont fourni des instruments (art. 241). 1031. Complicité résultant de la fourniture d'armes (art. 243).

1032. Suspension des peines au cas où les évadés sont repris (art. 247). 1033. Responsabilité des tiers étrangers à la garde et qui ont favorisé l'évasion (art. 238, 239 et 240).

1034. Aggravation de cette responsabilité dans certains cas (art. 241,

242, 243).

1033. De la complicité des tiers avec les gardiens.

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