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1036. S'il y a lieu de créer une exception en faveur des parents du détenu.

1037. Condamnation aux dommages-intérêts de la partie civile (art. 244). 1038. Peines de la surveillance (aujourd'hui l'interdiction de résidence) applicables aux condamnés pour complicité d'évasion (art. 246). 1039. Du recèlement des détenus évadés (art. 248).

1040. Caractère et peine de ce crime dans le droit ancien.

1041. Double condition de l'incrimination légale.

1042. Limites qui doivent être apportées à l'application de l'art. 248.

1011. L'évasion des détenus a été classée par le Code parmi les actes de désobéissance à l'autorité publique. Il peut en résulter trois délits distincts: le délit des détenus qui se sont évadés, le délit des personnes qui ont favorisé l'évasion, et enfin le délit des individus qui ont recélé les individus évadés. Nous allons examiner ces trois incriminations.

De la part des détenus, l'évasion isolée de toutes circonstances aggravantes ne constitue aucun délit. « La simple fuite ou évasion de la part d'un prisonnier ou d'une personne qu'on veut arrêter, dit Jousse, n'est jamais punie, ni même la résistance, lorsqu'elle est modique et sans armes ni violences publiques. En effet, il est naturel à une personne qu'on veut arrêter ou qui l'est déjà de chercher à se sauver des mains de la justice, pour éviter la peine qu'elle mérite, et à plus forte raison si elle est innocente 1. » L'exposé des motifs du Code a reproduit cette pensée : « Le désir de la liberté est si naturel à l'homme, que l'on ne saurait prononcer que celui-ci devient coupable qui, trouvant la porte de sa prison ouverte, en franchit le seuil. » La loi romaine ne posait point une distinction aussi précise le détenu qui s'était enfui de la prison dont il avait trouvé les portes ouvertes était puni, mais d'une peine moins grave. C'est ce qui résulte de ce texte : Si per negligentiam custodum evaserunt, leviùs punien

1. Traité des matières crim., t. 4, p. 81.

dos ; et c'est en s'appuyant sur cette loi que les docteurs établissent la règle : Fugiens ex carcere quia invenerit ostium apertum, non punitur de effracto carcere sed mitius2. 1012. Le délit ne commence donc, dans notre droit, que lorsque le détenu a employé des moyens criminels, tels que le bris de prison et la violence: ce sont ces voies de fait qui constituent le délit et qui deviennent l'objet de l'incrimination. L'art. 245 est ainsi conçu : « A l'égard des détenus qui se seront évadés ou qui auront tenté de s'évader par bris de prison ou par violence, ils seront, pour ce seul fait, punis de six mois à un an d'emprisonnement, et subiront cette peine immédiatement après l'expiration de celle qu'ils auront encourue pour le crime ou délit à raison duquel ils étaient détenus, ou immédiatement après l'arrêt ou jugement qui les aura acquittés ou renvoyés absous dudit crime ou délit; le tout sans préjudice de plus fortes peines qu'ils auraient pu encourir pour d'autres crimes qu'ils auraient commis dans leurs violences 3. »

1013. Cette disposition donne lieu à plusieurs observations. On doit remarquer d'abord que le mot générique détenus comprend toutes les personnes qui sont renfermées dans les prisons, les prévenus et les accusés, les condamnés pour délits et pour crimes. Mais faut-il l'étendre aux prisonniers pour dettes? Les anciens jurisconsultes ne faisaient nulle. distinction à cet égard: Pœna effractoris carcerum habet locum non solùm in detento pro causâ criminali, sed etiam in detento pro causâ civili; et la raison de ce principe absolu était que l'auteur du bris de prison est puni, non point en raison du délit qui motive la détention, mais en raison de la rébellion qu'il manifeste par des violences :

1. L. 1, Dig. de effract. et expilator.

2. Farinacius, quæst. 30, n. 160.

3. Le Code pénal allemand ne punit que la tentative d'évasion avec violence et en attroupement (art. 122).

4. * * La question avait beaucoup d'intérêt avant que la loi du 22 juilet 1867 ait aboli la contrainte par corps en matière civile et commerciale.

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Quia ad effectum puniendi consideratur solùm violatio loci publici et carceris qui dicitur locus sacer, non autem causa detentionis; effractores puniuntur propter fracturam, et non propter delictum pro quo detinentur 1. Cette doctrine était complétement adoptée dans notre ancienne jurisprudence, ainsi que l'atteste Jousse : « A l'égard de celui qui, étant détenu dans les prisons pour dettes civiles, vient à les briser et à se sauver, il est punissable comme tout autre criminel pour raison de ce bris de prison. » Il n'en est plus ainsi dans le système de notre Code: il suffit de rapprocher l'art. 245 des art. 238, 239 et 240, pour se convaincre que ses dispositions ne s'appliquent qu'aux prévenus de crimes ou de délits et aux condamnés pour ces délits et ces crimes. C'est qu'en effet il ne suffit pas qu'il y ait désobéissance et en quelque sorte rébellion à la justice de la part du détenu qui s'évade, il faut encore que cette évasion cause un préjudice à l'ordre social; or, l'évasion d'un prisonnier pour dettes ne lèse que les intérêts de son débiteur; la loi pénale n'a donc pas dù la comprendre dans ses dispositions. C'est aussi dans ce sens que l'art. 245 a constamment été appliqué 3.

On distinguait autrefois entre les individus détenus pour une juste cause ou pour une cause illégale. Ceux-ci n'étaient soumis à aucune peine, s'ils venaient à briser la prison 4. Les docteurs allaient même jusqu'à soutenir qu'il était permis à celui qu'une injuste détention retenait dans les fers d'exercer des violences sur les gardiens pour se sauver 5. Sans aller aussi loin, le Code de 1791 ne punissait les complices de l'évasion que dans les cas où ils avaient délivré ou tenté de délivrer par

1. Farinacius, quæst. 39, n. 25 et 81.

2. Traité des matières crim., t. 4, p. 86.

3. Cass., 30 avril 1807, S.7.709; 20 août 1824, Bull. n. 108; 30 juin 1837, Bull. n. 162.

4. Menochius, de arbitr. jud. casu 301, n. 14; Farinacius, quæst. 30, n. 120.

5. Menochius, casu 301, n. 15; Covarruvias, Var. resolut. lib. 1, c. 2, n. 12; Boërius, decis. 215, n. 32; Farinacius, quæst. 30, n. 129.

force ou par violence des personnes légalement détenues 1. Cette expression n'a point été reproduite par le Code pénal, mais la restriction qu'elle exprime résulte implicitement de ses dispositions; car, si l'on suppose une détention réellement arbitraire et illégale, comment la loi pénale pourrait-elle punir celui qui se soustrait à une telle détention qui est elle-même un délit ? L'évasion du détenu, loin de préjudicier à la société, est au contraire une sorte d'avantage pour elle, puisque cette évasion met un terme à un acte odieux, à l'exécution d'un délit. Néanmoins il ne faut pas confondre la personne qui est détenue illégalement, c'est-à-dire hors des cas ou la loi autorise une détention, et celle qui est détenue injustement, c'est-à-dire par suite d'une méprise de la justice et sur de fausses présomptions : « Le détenu, porte le rapport fait sur cette partie du Code au Corps législatif, a dû se soumettre à la perte de sa liberté jusqu'à ce que les tribunaux aient porté sur lui un jugement définitif, et la loi lui défend de se soustraire à une détention qu'elle prescrit. Pour ce qui le concerne, la loi ne fait point d'exception; qu'il soit innocent ou qu'il soit coupable du premier délit qu'on lui imputait, le second sera également puni. » Et en effet, dans ce cas, la détention, même injuste au fond, est régulière dans la forme: le détenu, quoique innocent, doit obéissance à la loi, et sa rébellion est un délit.

1014. Après avoir défini quelles personnes peuvent être inculpées à raison de leur évasion, il faut expliquer les circonstances caractéristiques du délit. Ces circonstances sont au nombre de deux : il est nécessaire qu'il y ait eu évasion ou tentative d'évasion, et que cette évasion ou cette tentative ait été exécutée par bris de prison ou par violence.

La question de savoir si la tentative de l'évasion doit être assimilée à l'évasion consommée était très controversée. parmi les anciens jurisconsultes. La loi romaine renferme sur ce point des textes qu'il est difficile de concilier : la loi 17 Dig. de ædilitio edicto répute une personne fugitive, non d'après l'acte de sa fuite, mais d'après l'intention qu'elle avait

1. 2 p., tit. 1er, sect. 4, art. 8.

de s'enfuir: Fugitivum ferè ab affectu animi intelligendum esse, non à fugd. Cependant Triphonien semble restreindre cette décision dans la loi 225 Dig. de verborum significatione: Fugitivum non secundùm propositum solum, sed cum aliquo actu intelligi constat. Pour concilier ces deux lois, Boerius. décide qu'il suffit d'un pas fait par le prisonnier avec la pensée de prendre la fuite, pour qu'il doive être réputé fugitif: Qui in actu fugæ deprehenditur, etiam quod unum ad fugiendum moverit pedem, fugitivus dicitur 1. Cette décision rigoureuse n'était point suivie dans la pratique; on distinguait celui qui avait consommé son évasion et celui qui avait été arrêté dans les actes de l'exécution; celui-ci était puni d'une peine inférieure: Fugd non sequutà, effractores puniuntur, non câdem pœnd, sed mitiori 2. Il en était de même dans notre ancienne jurisprudence: « Lorsque le bris de prison, dit Jousse, n'est que tenté sans être suivi d'exécution, on ne punit que légèrement, eu égard néanmoins aux circonstances 3». Cette distinction, motivée sur l'absence du préjudice lorsque la tentative a été arrêtée, n'a point été adoptée par le Code; mais il faut prendre garde néanmoins que l'art. 245 ne punit la tentative légale du délit qu'autant que cette tentative réunit les caractères prescrits par l'art. 2 du Code, et par conséquent, dans le seul cas où la volonté de s'évader s'est manifestée par le bris de prison ou les violences, mais n'a pu s'accomplir par un événement imprévu qui a arrêté l'évasion.

3.

1015. Le véritable délit, le fait punissable consiste dans le bris de prison et les violences commises pour se procurer l'évasion. Le désir de la liberté, naturel à l'homme, cesse d'être une excuse, quand il le pousse jusqu'à la révolte contre l'autorité publique. La loi romaine avait consacré la même décision en ne punissant que les détenus qui avaient fait effraction à la prison ou qui avaient ourdi entre eux un complot pour s'évader: eos qui de carcere eruperunt, sive effractis foribus, sive conspiratione cum cæteris qui in eâdem

1. Déc. 215, n. 1er et 12.

2. Farinacius, quæst. 30, n. 30 et 31. 3. Jousse, t. 4, p. 85.

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