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caractère et son incrimination est soumise à d'autres conditions. L'article 50 de l'arrêté du 19 vendémiaire an XII punit l'évasion simple des condamnés militaires au boulet et aux travaux publics. L'article 7 de la loi du 30 mai 1854, relative aux condamnés transportés, porte: « Tout condamné à temps qui, à dater de son embarquement, se sera rendu coupable d'évasion, sera puni de 2 à 5 ans de travaux forcés. Cette peine ne se confondra pas avec celle antérieurement prononcée. La peine pour les condamnés à perpétuité sera l'application à la double chaîne pendant deux ans au moins et cinq ans au plus. » Une disposition analogue se trouve dans l'article 3 de la loi qui règle le mode d'exécution de la peine de la déportation.

1019. L'exécution des peines qui atteignent le délit d'éva sion a été soumise à deux règles qui forment l'une et l'autre une exception aux règles générales du droit criminel. La première est une dérogation à l'article 365 du Code d'instruction criminelle, qui pose en principe la non-cumulation des peines la peine de l'évasion se cumule dans tous les cas avec les autres peines; cela résulte des termes mêmes de l'article 245 du Code pénal, qui déclare que cette peine devra être subie immédiatement après l'expiration de celle que l'agent aura encourue pour le crime ou le délit à raison duquel il était détenu. C'est que cette peine est distincte et indépendante des autres peines, parce qu'elle punit un délit spécial et qui ne se confond point lui-même avec les autres délits; c'est que si ces peines se confondaient, il s'ensuivrait que les prévenus qui se seraient évadés, et qui plus tard encourraient une peine à raison du délit qui motivait leur détention, échapperaient à la peine du délit d'évasion, puisque la première peine, dans le cas où elle serait la plus forte, absorberait celle-ci. Cette règle particulière à ce délit a été souvent consacrée par la jurisprudence 1.

1. Cass., 17 juin 1831, Journ. du dr. crim., 1831, p. 277; 3 avril 1832, Bull. n. 127; 9 mars 1837, Journ. du dr. crim., 1837, p. 55. ** Adde, Caen, 21 avril 1875; S. 76. 2. 6;

Cass., 31 juill. 1874; Bull. n. 222;
Lyon, 2 janv. 1884; S. 87. 2. 68.

Elle s'applique dans le cas même où le délit commis antérieurement à l'évasion n'aurait pas été la cause de la détention et n'aurait été découvert que postérieurement. C'est ce qui résulte au moins d'un arrêt qui porte: « que, dans le but de prévenir les évasions par une plus grande efficacité de répression, l'article 245 fait une catégorie à part de ces délits et ordonne que leur peine soit subie cumulativement avec la peine encourue pour le crime où le délit à raison duquel l'inculpé est détenu; que, sous cette dernière désignation, le législateur comprend non-seulement les crimes ou délits qui peuvent être nommément indiqués dans le mandat, ou qui auraient déjà été révélés par l'instruction, mais encore tous ceux qui, commis antérieurement, peuvent à chaque instant devenir l'objet des investigations du magistrat instructeur; que le mandat de dépôt, une fois délivré, étend implicitement et éventuellement ses effets jusqu'à eux; qu'il en doit être ainsi avec d'autant plus de raison qu'il peut arriver que le détenu qui s'évade y soit poussé plus encore par la crainte du châtiment attaché au crime dont il se serait rendu coupable et qui ne serait pas encore découvert, que pour se soustraire aux conséquences des faits alors révélés par l'information 1.

1020. La deuxième règle est que la peine portée par l'article 245 n'est point passible de l'aggravation que comporte la récidive. En effet, l'évasion, de même que l'infraction de ban, suppose l'état de récidive, et dès lors cette circonstance étant essentielle au délit ne peut l'aggraver. En second lieu, cette infraction ne recèle point une immoralité qui permette de la ranger dans la classe commune des délits, et d'en faire la base de la perversité présumée des condamnés 2. C'est une infraction spéciale à une loi de police, et qui garde ses règles distinctes au milieu des règles générales du Code.

1021. Les anciens jurisconsultes avaient établi des excuses. dont quelques-unes devraient encore être suivies. C'est ainsi

1. Cass.. 9 juill. 1859, Bull. n. 171.

2. V. suprà, n. 229.

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Adde Lyon, 2 janv. 1884; S. 87. 2. 68.

que les détenus qui n'ont brisé la prison pour s'évader que parce qu'elle était le théâtre d'un incendie, d'une inondation. ou d'une maladie contagieuse, et pour fuir un péril certain, ne pourraient être l'objet d'une poursuite. Les prisonniers qui s'évaderaient pour se dérober à des traitements atroces qui seraient exercés sur eux, devraient également être excusés si ces faits étaient vérifiés on citait l'exemple d'une fille à l'honneur de laquelle un gardien aurait attenté 2. Mais on ne saurait admettre que celui qui, après avoir brisé la prison, revient de lui-même sur-le-champ, doive être exempté de toute peine 3 son retour est sans doute une circonstance atténuante, mais il ne saurait effacer le délit ; il prouve le repentir de l'agent, il ne détruit pas son action.

1022. Après avoir considéré le délit d'évasion dans la personne de son auteur principal, du détenu lui-même, nous devons l'examiner sous un second point de vue, dans la personne des tiers qui en favorisent l'exécution. Ce nouveau délit prend une double face, suivant qu'il est commis par les préposés à la garde du détenu, ou par toutes autres personnes étrangères à cette garde.

Mais deux règles s'appliquent d'abord à l'une et l'autre hypothèse la première est que la simple évasion du détenu suffit pour constituer un délit à l'égard des personnes qui l'ont favorisée par leur négligence ou leur connivence : il n'est pas nécessaire que cette évasion se soit opérée par bris de prison ou par violences; ces circonstances ne sont essentielles que lorsque l'évasion est imputée au détenu lui-même. En effet, si le désir naturel de la liberté justifie en quelque sorte son évasion, lorsqu'il ne fait que franchir le seuil d'une prison qu'il trouve ouverte devant ses pas, cette excuse ne saurait s'étendre aux complices qui l'ont ouverte ; leur action reste la même, quels que soient les moyens employés pour effectuer l'évasion, parce que leur criminalité ne prend pas sa source dans l'acte de l'évasion lui-même, mais dans les

1. Farinacius, quæst. 30, n. 185-189.

2. Farinacius, quæst. 30, n. 171 et seq. 190. 3. Julius Clarus, quæst. 21, n. 27.

actes de négligence ou de connivence qui l'ont précédé ou facilité.

La deuxième règle est que le fait d'avoir procuré l'évasion n'est punissable qu'autant qu'il réunit les caractères spécifiés dans chacune des hypothèses qui y sont prévues par les articles 238 et suivants. En effet, l'art. 237 ne contient qu'une disposition générale et ne porte aucune peine. Il faut, pour trouver les peines et par conséquent les conditions attachées à leur application, recourir aux art. 238 et suivants, qui ont établi une progression pénale basée sur la gravité de la prévention ou de la condamnation dont les individus évadés étaient l'objet. Il est donc nécessaire que les éléments exigés par chacun de ces articles soient constatés pour en justifier l'application.

1023. La punition des préposés à la garde des détenus, qui ont laissé les prisonniers s'évader, a varié suivant les temps et les besoins de la société. La loi romaine, qui punissait l'évadé de la peine de mort, devait nécessairement étendre la même peine au gardien : Eâdem pœnâ tenetur et qui cum eo quem custodiebat, deseruit 1. Le principe général de l'ancien droit était que les fauteurs et complices des détenus évadés devaient être punis de la même peine que ceux-ci 2. Le Code de 1791 ne portait sur cette matière que cette disposition. insuffisante: « Quiconque aura délivré ou sera convaincu d'avoir tenté de délivrer par force ou violence des personnes légalement détenues, sera puni de trois années de fers 3. » La loi du 13 brumaire an II, quoique en exagérant la peine, posa le premier germe d'une distinction évidente dans la criminalité des gardiens dès qu'une personne détenue s'évadait, les geôliers, gardiens, gendarmes et tous autres préposés à sa garde étaient sur-le-champ mis en arrestation; s'ils étaient convaincus d'avoir volontairement fait évader ou favorisé l'évasion, ils encouraient la peine de mort; s'ils étaient

1. L. 38, 11. Dig. de pœnis.

1. Boerius, dec. 213, n. 3 et 4; Farinacius, quæst. 30, n. 92 et seq.; ord. de 1535, c. 21, art. 15.

3. L. 25 sept.-6 oct. 1791, 2o part., tit. 3. art. 8.

acquittés sur la question intentionnelle, ils étaient destitués néanmoins, et condamnés, à raison de leur négligence, à deux années d'emprisonnement. Enfin la loi du 4 vendémiaire an VI vint modifier ces peines et introduire en même temps les diverses distinctions que le Code a recueillies et que nous allons parcourir.

1024. L'art. 237 est ainsi conçu: « Toutes les fois qu'une évasion de détenus aura lieu, les huissiers, les commandants en chef ou en sous-ordre, soit de la gendarmerie, soit de la force armée, servant d'escorte ou garnissant les postes, les concierges, gardiens, geôliers et tous autres préposés à la conduite, au transport ou à la garde des détenus, seront punis ainsi qu'il suit. »>

Deux observations doivent être faites avant d'arriver aux distinctions qui motivent les divers degrés de la peine. La première est qu'il ne s'agit pas ici de tous les détenus, mais seulement de ceux qui sont détenus légalement et dont la détention a lieu à raison d'un délit ou d'un crime prévu et puni par la loi pénale, ou à titre de prisonniers de guerre. La Cour de cassation a décidé, en appliquant ce principe qui a été développé plus haut, que les dispositions que nous allons examiner ne s'appliquent point, soit au cas où la personne détenue qui s'est évadée serait un prisonnier pour dettes, soit au cas où cette personne, justiciable d'un tribunal étranger, serait détenue à raison d'un crime, mais en vertu d'une ordonnance d'extradition. L'arrêt rendu dans cette dernière espèce déclare : « que si l'arrestation d'un étranger sur le territoire français, en vertu d'une ordonnance du roi prescrivant son extradition, constitue une détention légale ; que sí, en fait et dans l'espèce, l'arrestation a été régulière dans la forme; que si l'acte par lequel l'évasion a été favorisée est répréhensible à un très haut degré et éminemment irrespectueux pour l'autorité royale, néanmoins il n'est pas prévu par la loi, au silence de laquelle les tribunaux ne peuvent suppléer; que les différentes dispositions placées sous la rubrique évasion de détenus ne sont pas applicables à tous

1. V. suprà, n. 1013.

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