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peut être remplacé par les actes respectueux; et la célébration du mariage, sans que ces actes aient été produits dans les cas où ils sont prescrits, est prévue et punie par l'art. 157 du même Code.

900. L'art. 194 a pour objet la troisième infraction; cet article porte « L'officier de l'état civil sera aussi puni de 16 à 300 fr. d'amende, lorsqu'il aura reçu, avant le temps prescrit par l'art. 228 du Code civil, l'acte de mariage d'une femme ayant déjà été mariée. » L'article 228 du Code civil est ainsi conçu: « La femme ne peut contracter un nouveau mariage qu'après dix mois révolus depuis la dissolution du mariage précédent. » On voit que cette contravention de mème que les autres, est purement matérielle : il ne s'agit que d'une négligence, d'un défaut de vérification dont les éléments sont clairement expliqués par l'article même 1.

901. Il reste à rappeler trois dispositions générales qui résultent déjà de nos observations, et qui sont établies par l'article 195. Cet article est ainsi conçu: « Les peines portées aux articles précédents contre les officiers de l'état civil leur seront appliquées, lors même que la nullité de leurs actes n'aurait pas été demandée ou aurait été couverte ; le tout sans préjudice des peines plus fortes prononcées en cas de collusion, et sans préjudice aussi des autres dispositions pénales du titre 3 du livre fer du Code civil. »

Il résulte de la première de ces dispositions que la nullité des actes que l'officier de l'état civil a reçus sans avoir observé les formalités prescrites ne couvre pas la contravention qu'il a commise; et cela est évident, car le délit est indépendant de la validité de l'acte en lui-même. La deuxième disposition a pour objet de réserver des peines aux cas de collusion: il y a collusion lorsqu'il y a fraude, lorsque l'officier commet sciemment l'infraction pour favoriser un tiers. L'infraction dépouille alors son caractère de contravention matérielle; elle se change en délit moral, elle devient soit un crime de faux, soit un crime de corruption, suivant les circonstances dont elle s'est environnée: c'est donc aux peines qui punissent ces crimes qu'il

1. ** V. suprà, p. 44, n. 1.

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faut se reporter. Enfin, la loi maintient les dispositions pénales portées par le Code civil contre les officiers de l'état civil; mais nous avons déjà vu que ces différentes dispositions se conciliaient parfaitement entre elles. Nous ajouterons que cette réserve ne s'applique pas seulement au titre 3 du Code civil, mais qu'il faut l'étendre également au titre 2, et notamment aux art. 52 et suivants, qui énoncent quelques cas de contravention des officiers de l'état civil et établissent des peines; car ces dispositions n'ont point été abrogées, et il est même nécessaire de les lier aux art. 192, 193 et 194 du Code pénal, pour former le système complet de la législation sur cette matière.

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§ VII. De l'exercice de l'autorité publique illégalement anticipé ou prolongé.

902. Le Code pénal a disséminé sous des titres différents des dispositions qu'il eût été sans doute plus rationnel de réunir, puisque leur objet était identique. Déjà nous avons eu lieu d'examiner des cas d'usurpation de fonctions (voy. n°456 et suiv.); le Code nous en offre dans ce paragraphe deux nouveaux exemples, et nous retrouverons ce même délit plus loin encore. Les art. 196 et 197 prévoient la double infraction des fonctionnaires qui ont commencé d'exercer leurs fonctions avant d'avoir prêté serment, ou qui s'y sont maintenus après avoir été révoqués ou remplacés.

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L'art. 196 prévoit la première de ces infractions: «< Tout fonctionnaire public qui sera entré en exercice de ses fonctions sans avoir prêté le serment pourra être poursuivi, et sera puni d'une amende de 16 à 150 francs. » L'exposé des motifs explique cet article en ces termes : « Le fonctionnaire, en acceptant une fonction qui lui est confiée par l'autorité souveraine, doit lui donner une garantie de sa fidélité; il

1. Le décret du Gouvernement de la Défense nationale du 5 sept. 1870 porte: « Les fonctionnaires publics de l'ordre civil, administratif, militaire ou judiciaire sont déliés de tout serment. Le serment politique cst aboli. »

devient suspect lorsqu'il la diffère, et s'il exerce ses fonctions sans avoir prêté serment, il commet une action punissable. >> Quoique cette infraction n'ait en elle-même que les caractères d'une simple contravention, le législateur a soumis sa répression aux règles relatives aux délits. En effet, le fait matériel d'entrer en fonctions sans prestation de serment ne suffit pas pour motiver l'application de l'article; il faut qu'il y ait négligence, faute imputable à l'agent. Ce point fut formellement reconnu dans les discussions du Conseil d'Etat. Un membre fit remarquer que le fonctionnaire nouvellement nommé pourrait se trouver dans des circonstances où il serait obligé de différer son serment. et que la peine ne devait être appliquée qu'à celui qui aurait négligé de faire des diligences nécessaires pour prêter serment. Cette opinion fut adoptée, et il fut établi en conséquence que les poursuites seraient seulement facultatives, et ne seraient exercées qu'autant que l'omission ne trouverait aucune excuse dans les circonstances. Cette règle se trouve formulée dans ces mots de l'article pourra être poursuivi. Ce n'est donc pas là une faculté dont l'exercice puisse être abandonné au hasard et à l'arbitraire; c'est l'admission d'une excuse que l'agent peut tirer de la nécessité qui lui a été imposée par les circonstances de pourvoir au service avant de prêter serment, et de l'absence de toute intention criminelle, c'est-à-dire de toute négligence, de toute faute de sa part. L'existence du délit se trouve donc subordonnée à cette double condition: l'entrée en exercice sans serment, l'omission volontaire de cette formalité; le ministère public ne peut poursuivre que lorsque ces deux éléments se réunissent dans le même fait.

Mais, de ce que le serment doit régulièrement précéder l'entrée en fonction, il ne s'ensuit pas que, jusqu'à l'accomplissement de cette formalité, le fonctionnaire n'ait aucun caractère et puisse, soit être impunément outragé dans l'exercice de son office, sous prétexte qu'il n'en a pas la possession légale, soit impunément prévariquer, parce qu'il n'en serait pas responsable. Un arrêt a jugé « que le citoyen promu à un

1. Procès-verb. du Cons. d'Etat, séance du 8 août 1809.

TOME III.

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emploi public, qu'il exerce ostensiblement et sous l'autorité du gouvernement, est légalement réputé avoir caractère à cet effet, et doit obtenir provisoirement obéissance et respect; que l'outrage à lui adressé dans l'accomplissement de son ministère n'atteint pas seulement sa personne, qu'il blesse surtout la fonction qu'il remplit et la loi au nom de laquelle il procède, et que celui de qui émane une pareille injure ne peut se soustraire aux peines légales en prouvant que ce fonctionnaire n'avait pas prêté serment 1. » D'autres arrêts décident également « que, bien que le préposé n'ait pas prêté le serment que les règlements prescrivent avant l'entrée en fonctions, l'omission de cette formalité, tout essentielle qu'elle est, ne peut profiter à l'agent qui trahit la confiance dont il est investi, ni lui assurer l'impunité de méfaits commis par lui dans un emploi qu'il a publiquement rempli et dont il a assumé tous les devoirs 2. »

903, Le serment que les fonctionnaires doivent prêter est celui que les lois prescrivent. Ce serment est de deux espèces le serment politique, auquel « étaient » soumis tous les fonctionnaires indistinctement, et le serment spécial ou supplétif, qui est inhérent à certaines fonctions. Le serment politique a subi différentes phases et différentes formules 3: la loi du 31 août 1830, qui a eu pour objet d'abolir les actes antérieurs et de tracer pour un régime nouveau un nouvel acte de foi politique, avait fixé la formule de ce serment. Le décret du 1er mars 1848 abolit le serment politique. La constitution du 14 janvier 1852 l'a rétabli et lui a imposé une nouvelle formule. La loi du 31 août 1830 ajoutait qu'il ne pourrait être exigé des fonctionnaires aucun autre serment, si ce n'est en vertu d'une loi. De là l'on a conclu que les serments

1. Cass., 26 juin 1851, Bull. n, 248.

2. Cass., 25 avril 1856, Bull. n, 161; 12 oct. 1849, ibid., n. 273.

3. On trouve ces formules si diverses dans les lois des 22 déc. 1789-8 janv. 1790, s. 1. art. 8; des 15-23 août 1792; du 21 niv. an VIII; du 28 flor. an XII, art. 56; dans les ordonn. des 27 fév. 1813, 20 août 1817, dans la loi du 31 août 1830, dans l'art. 14 de la const. du 14 janv. 1852.

4. * * Le décret du 5 septembre 1870 a de nouveau aboli le serment politique (V. suprà, p. 48, n. 1.

spéciaux qui sont exigés de certaines classes de fonctionnaires, et qui ont pour but d'assurer le loyal accomplissement de leurs fonctions, devaient être fondés sur le texte de la loi. La jurisprudence a contesté cette conséquence, mais elle a été admise par le législateur 2. La loi du 21 juin 1836, relative au serment spécial de la gendarmerie, en fait foi. Du reste, la seule difficulté dont nous devions nous occuper ici est de savoir si l'art. 196 s'applique au serment supplétif comme au serment politique. Nous ne faisons aucun doute à cet égard la loi ne distingue point, elle parle du serment en général, et par conséquent tel que l'exige la législation ; c'est là l'acte qui doit précéder l'entrée en fonction, qui est la garantie de la société 3.

L'irrégularité du serment équivaut-elle au défaut de cette formalité? Nous ne le pensons pas. La prestation d'un serment, même irrégulier, atteste l'intention du fonctionnaire de se conformer à la loi : l'irrégularité ne pourrait donc lui être imputée qu'autant qu'elle serait volontaire de sa part. Quant à la responsabilité du fonctionnaire, à raison des délits commis dans ses fonctions avant la prestation régulière du serment, nous ne pouvons que renvoyer aux observations que nous avons faites à ce sujet dans notre chapitre 30.

904. Le délit prévu par l'art. 497 est beaucoup plus grave que le premier: « Le fonctionnaire, dit l'exposé des motifs, sera bien plus criminel et puni d'une manière plus aggravante, si, étant révoqué ou destitué, suspendu ou interdit

1. V. des exemples de serments supplétifs dans l'art. 2 de la loi du 29 août 1790, dans les lois du 1er juin 1791, du 29 septembre 1791, daus l'ordonn, du 29 juillet 1814, dans la loi du 21 juin 1836. Le serment professionnel des magistrats est tracé par l'art. 8 du décret du 22 mars 1852; et le décret du 5 avril suivant a déterminé celui des greffiers, commis greffiers, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avoués, notaires, huissiers, commissaires-priseurs, gardes du commerce et gardes champêtres.

2. Cass., 28 août 1831.

3.** Le décret du 11 septembre 1870 porte; «Le serment politique étant aboli, le serment professionnel des nouveaux fonctionnaires sera prété dans la première séance du Corps auquel ils appartiennent.

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