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nous l'avons remarqué, une disposition nouvelle. Elle remplit à peu près la lacune laissée par la radiation du mot délit dans le premier paragraphe, de sorte que la disposition de l'article 304 n'a éprouvé en réalité qu'une faible altération des deux modifications dont elle a été l'objet. Toutefois il ne suffit plus, lorsque le fait accessoire au meurtre n'est qu'un simple délit, que ce fait soit commis dans le même temps que le meurtre pour en devenir une circonstance aggravante ; il ne suffit même plus que ces deux actes soient connexes et soient nés d'une même cause; le concours du délit ne devient un élément d'aggravation qu'autant qu'il y a relation de cause et d'effet entre le délit et le meurtre, c'est-à-dire, suivant les termes de la loi, qu'autant que le meurtre a eu pour objet soit de préparer, faciliter ou exécuter un délit, soit de favoriser la fuite et d'assurer l'impunité aux auteurs de ce délit. Ainsi l'on ne pourrait plus juger, comme avant la réforme de la loi pénale, que l'article 304 est applicable au cas où le meurtre a été commis avec un stylet 1; car le port de l'arme prohibée est un moyen, et non un but; le meurtre n'a pas été commis pour faciliter ou exécuter ce délit. On ne pourrait plus juger non plus que l'homicide volontaire d'un garde forestier, lorsque l'agent se trouvait en flagrant délit de chasse, constitue un cas d'application de l'art. 3042, pourvu d'ailleurs que le meurtre n'ait pas été commis pour assurer la fuite et l'impunité du délinquant. Mais il faudrait juger, au contraire, que le meurtre commis pour parvenir à l'exécution d'un vol, ou pour assurer l'impunité de ce vol en faisant disparaître le témoin, rentrerait dans les termes de cette disposition, parce qu'un rapport de cause et d'effet lie ces deux actes.

1307. Tous les faits qualifiés délits par la loi peuvent concourir à cette aggravation 3. Ainsi, les faits de chasse, lors

4. Cass., 8 août 1817, S.18.1.79.

2. Cass., 21 mars 1822, S.22.1.252.

3. ** Et nous croyons devoir rappeler ici que la dernière jurispru dence de la Cour suprême, rompant avec une classification arbitraire que nous avons toujours combattue, range dans la catégorie des délits 37

TOME III.

qu'ils prennent le caractère de délit, peuvent lui servir de base, lorsque c'est pour assurer l'impunité du délinquant que le meurtre a été commis 1. La soustraction qui a été commise à la suite d'un meurtre d'un père de famille peut également la motiver, si cette soustraction commise par d'autres que les enfants peut être qualifiée vol 2. Est-il nécessaire que le délit dont le meurtre a eu pour but de préparer l'exécution ou d'assurer l'impunité ait été commis, ou du moins tenté? On cite comme ayant résolu négativement cette question, un arrêt qui se borne à déclarer que le verdict du jury, lorsqu'il est conçu dans les termes mêmes de la loi, est régulier 3. Il est évident que l'action qui n'a été ni consommée, ni même tentée n'est pas un délit; puisque la loi exige le concours d'un délit, il faut nécessairement que les éléments de ce délit soient constatés et par conséquent qu'il ait une existence légale 5.

4308. La corrélation qui unit le meurtre et le délit constituant par elle-même la circonstance aggravante du meurtre, il est indispensable que le jury s'explique formellement à cet égard. Cette règle, déjà reconnue par la jurisprudence avant les modifications survenues dans la loi pénale, ne peut plus aujourd'hui être l'objet d'aucun doute. La Cour de cassation la proclamait dans un arrêt du 18 avril 1816, rendu dans l'espèce suivante. La question posée au jury avait été celle-ci: L'accusé est-il coupable d'avoir, au moment même de la tentative de vol, homicidé volontairement telle personne ? Le

tous les faits punis de peines correctionnelles, conformément à l'art. 1oo du Code pénal (V. t. I. p. 36, n. 1 et p. 495).

1. Cass., 21 mars 1850, Bull. n. 105; 6 mars et 5 sept. 1856, Bull. n. S et 307; 12 janv. 1860, Bull. n. 9.

2. Cass., 21 déc. 1837, Bull. n. 435; 16 mai 1863, n. 145.

3. Cass.. 14 avril 1842, S.42.1.412.

4. Cass., 21 mars 1850, Bull. n. 105; 1er oct. 1863, Bull. n. 248.

5. ** Mais il n'est pas nécessaire que l'auteur de ce délit soit l'auteur de l'homicide; et « le meurtre peut avoir pour but de préparer, faciliter ou consommer un vol qui serait commis par d'autres que les auteurs mêmes du meurtre, ou de favoriser la fuite ou d'assurer l'impunité des auteurs de ce vol. >> (Cass., 28 décembre 1877; Bull. n. 274).

jury, après avoir déclaré la tentative de vol constante, se borna à répondre: Oui, l'accusé est coupable d'homicide volontaire. La Cour d'assises appliqua la peine de mort, mais l'arrêt fut cassé : « attendu qu'il n'y a devant les Cours d'assises de faits constants que ceux qui sont le résultat nécessaire de la déclaration d'un jury légal; qu'en répondant à la question qui concernait le meurtre, le jury avait gardé un silence absolu sur celle qui avait pour objet de savoir si ce crime avait été commis en même temps que la tentative de vol; qu'à quelque cause que l'on attribuât le silence du jury sur cet objet, il en résultait toujours que le rapport entre le meurtre et la tentative de vol restait absolument inconnu; qu'on ignorait s'ils avaient été commis ensemble ou à de longs intervalles, si c'étaient deux faits isolés, étrangers l'un à l'autre, ou si, au contraire, ils avaient entre eux cette liaison qui en augmente la gravité au point d'en soumettre l'auteur à la plus grande peine 1. » Et comme, en outre, le fait de la concomitance ou de la corrélation des deux faits constitue une circonstance aggravante du meurtre, il est indispensable, pour que la déclaration ne soit pas entachée du vice de complexité, que cette circonstance fasse l'objet d'une question distincte et séparée au jury 2.

1309. Nous terminons ici un chapitre dans lequel nous avons dû développer avec quelque étendue la matière qui concerne le plus grave des crimes, l'homicide. Nous avons d'abord expliqué les éléments du meurtre; nous avons ensuite examiné les causes qui peuvent l'aggraver: ces causes sont puisées soit dans la qualité, soit dans la faiblesse de la victime, soit dans la circonstance de la préméditation, soit enfin dans les circonstances les plus atroces du crime, et dans la concomitance d'autres crimes ou délits. Nous avons parcouru successivement ces grandes phases de la criminalité, recherchant avec soin l'esprit de la loi quelquefois méconnu par la jurisprudence, et les causes morales qui expliquent cette loi parce qu'elles en dominent les décisions.

1. Cass., 18 avril 1816, Bull. n. 273, et Cass., 21 mars 1850, Bull. n. 105. 2. Cass., 3 juin 1852, Bull. n. 180; 11 juin 1868, Bull. 142.

Cette matière, la plus importante peut-être de notre Code, n'est point terminée encore. Après le meurtre, viennent les faits qui le modifient, soit parce que l'intention de tuer ne résulte pas aussi évidemment de faits moins graves, soit parce que la provocation ou la légitime défense change le caractère de l'homicide, soit enfin parce que l'absence de toute intention criminelle ne laisse plus subsister qu'une imprudence. En parcourant toutes ces matières, qui se groupent naturellement dans les chapitres suivants, nous ne changerons rien à l'ordre du Code, quoiqu'une sévère méthode pût à juste titre critiquer plus d'une fois l'enchaînement de ses dispositions.

FIN DU TOME TROISIÈME.

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