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que comme un cas d'abus qui rentre dans les dispositions de la loi du 18 germinal an X.

933. L'art. 208 prévoit la perpétration du même fait avec des circonstances qui l'aggravent : « Si la correspondance mentionnée en l'article précédent a été accompagnée ou suivie d'autres faits contraires aux dispositions formelles d'une loi ou d'une ordonnance du roi, le coupable sera puni du bannissement, à moins que la peine résultant de la nature de ces faits ne soit plus forte, auquel cas cette peine plus forte sera seule appliquée. »

Cet article imprime à l'infraction un nouveau caractère : ce n'est plus une simple contravention à une prohibition; elle puise son caractère d'aggravation dans les faits qui l'accompagnent ou la suivent; elle revêt la qualification de crime. Il est donc essentiel que ces faits concomitants révèlent l'intention criminelle de l'agent; autrement l'article 207 demeurerait seul applicable. Un autre élément du crime consiste en ce que les faits concomitants doivent constituer une violation formelle, soit d'une loi, soit d'une ordonnance du roi 1. Or il peut arriver soit que ces faits ne soient en eux-mêmes passibles d'aucune peine, soit qu'ils aient le caractère de délits correctionnels, soit enfin qu'étant qualifiés crimes, ils ne soient cependant passibles que d'une peine inférieure au bannissement, la dégradation civique : la loi n'a fait, à l'égard de ces trois hypothèses, aucune distinction; quelle que soit la distance qui les sépare, la peine est la même, et cette peine est le bannissement. Cette pénalité ne s'aggrave que dans le seul cas où les faits qui ont accompagné ou suivi la correspondance seraient passibles d'une peine plus forte; alors la loi, par une disposition surabondante, puisqu'elle ne fait que consacrer une conséquence immédiate du principe qui prohibe la cumulation des peines, déclare que dans cette hypothèse la peine la plus forte sera seule appliquée.

1. * Aujourd'hui un décret.

CHAPITRE XXXIII.

DE LA RÉBELLION.

(Commentaire des art. 209 à 221 du Code pénal.)

934. Objet et division de ce chapitre.

935. Caractères généraux de la rébellion (art. 209).

936. Premier élément du délit : attaque ou résistance avec violences et

voies de fait.

937. L'attaque et la résistance ont les mêmes caractères.

938. Deuxième élément : quels sont les officiers publics qui doivent être l'objet des violences et voies de fait ?

939. Troisième élément : il faut que les agents aient agi pour l'exécution des lois ou ordres de l'autorité.

940. Si la résistance constitue un délit lorsqu'elle repousse un acte irrégulier ou arbitraire; jurisprudence.

941. Le droit de résistance aux actes arbitraires était reconnu dans l'ancienne législation.

942. Distinction entre les actes irréguliers et ceux qui constituent une attaque contre le droit.

943. Le principe général est l'obéissance aux actes de l'autorité.

944. Cas où la présomption de légalité est remplacée par la présomption contraire.

945. Système de pénalité applicable à la rébellion (art. 212).

946. Dans quels cas une réunion est réputée armée (art. 211 et 214).

947. Rébellion commise par plus de vingt personnes (art. 210).

948. Distinction de la rébellion et des attroupements qui font l'objet des lois des 7 juin 1848 et 25 février 1852.

949. Peines accessoires de l'amende et de la surveillance (art. 218 et 221). 950. Excuse en faveur des individus qui se sont retirés au premier avertissement de l'autorité publique (art. 213).

951. Circonstance aggravante résultant des crimes ou délits commis pendant le cours de la rébellion (art. 216).

952. Assimilation aux faits de rébellion des troubles survenus dans les ateliers publics, les hospices et les prisons (art. 219) et sur les chemins de fer.

953. Mode d'exécution des peines prononcées pour faits de rébellion (art. 229).

954. Des complices de la rébellion par provocation ou autrement (art. 217).

934. Nous ne sommes point au terme de la longue nomenclature des crimes et des délits qui sont spécialement dirigés contre la paix publique. Aux abus de pouvoir des fonctionnaires, aux empiétements des ministres des cultes, succède cette classe d'infractions qui puise sa criminalité dans une sorte de lutte contre l'autorité publique, et qui se manifeste par des actes d'une coupable désobéissance. Ces infractions, que le Code de 1791 qualifiait offense à la loi, se divisent en huit classes la rébellion, les outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité publique, les refus de services, l'évasion des détenus et le recèlement des criminels, les bris de scellés, les dégradations de monuments, l'usurpation des titres, et enfin les entraves au libre exercice des cultes. Nous allons parcourir cette nouvelle série de délits, et nous nous occuperons en premier lieu, dans ce chapitre, de la rébellion.

La loi pénale distingue deux espèces de rébellion, qui diffèrent d'après le but que l'agent se propose et les moyens d'exécution qu'il emploie l'une s'attaque aux pouvoirs mêmes de l'Etat, et les moyens qu'elle met en œuvre sont la guerre civile et la dévastation; l'art. 91 du Code qualifie d'attentat à la sûreté de l'Etat cette sorte de rébellion, et nous en avons fait l'objet de notre chapitre XX. L'autre n'est dirigée que contre des actes isolés des agents de l'autorité, et elle n'entrave l'exercice de la puissance publique qu'en paralysant quelques-uns de ses moyens d'action par une résistance locale et des violences instantanées ; c'est à cette espèce d'offense que la loi a réservé le nom spécial de rébellion, et c'est ce délit qui va faire l'objet de notre examen.

Cette matière se divise naturellement en deux parties: nous établirons en premier lieu les circonstances caractéristiques de la rébellion; nous examinerons ensuite les circonstances aggravantes qui servent de base à la gradation des pénalités.

935. Les caractères de la rébellion sont fixés par l'art. 209, qui est ainsi conçu: « Toute attaque, résistance avec violences et voies de fait envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les pré

posés des douanes, les séquestres, les officiers on agents de la police administrative ou judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements, est qualifiée, selon les circonstances, crime ou délit de rébellion 1. »

Ainsi, et d'après les termes mêmes de la loi, la rébellion est toute attaque ou résistance avec violences et voies de fait envers les agents de l'autorité publique, agissant pour l'exécution des lois et des ordonnances, soit de l'autorité publique, soit de la justice. On a reproché à cette définition d'être trop large, et de s'étendre trop facilement à des actes qui n'étaient pas entrés dans la prévision primitive de la loi. Il nous paraît au contraire qu'elle exprime avec autant de netteté que de précision les caractères essentiels de la rébellion, et peut-être a-t-on reporté sur la loi un reproche qui ne devait s'appliquer qu'à l'interprétation qu'on lui donnait. Nous devons donc nous attacher à préciser les circonstances caractéristiques du délit; ces circonstances sont au nombre de trois il faut qu'il y ait eu attaque ou résistance avec violences ou voies de fait; que cette attaque ou cette résistance ait eu lieu envers les agents que la loi énumére; enfin, qu'elle se soit manifestée au moment où ces agents agissaient pour l'exécution des lois ou des ordonnances de l'autorité publique ou de la justice. Nous allons reprendre avec quelque développement ces trois conditions de l'existence du délit, dont la dernière surtout a donné lieu aux plus graves difficultés.

1. Il est intéressant de rapprocher de cette définition la disposition de l'art. 113 du Code pénal allemand: « Sera punic de l'emprisonnement pendant deux ans au plus ou d'une amende de 500 thalers au plus, toute attaque, toute résistance avec violences ou menaces envers un fonctionnaire chargé soit de l'exécution des lois, soit de celle des ordres ou mandats des autorités administratives, soit de celle de jugements ou arrêtés de la justice, et agissant dans l'exercice légitime de ses fonctions. - La même peine sera prononcée lorsque l'infraction aura été commise contre des personnes requises pour prêter assistance au fonctionnaire, contre des membres de la force armée, ou contre des personnes faisant partie d'une garde municipale, civique ou de sûreté, dans l'exercice de leurs fonctions. » — Aj. art. 115, 117, 118 et 119.

936. Le premier élément de la rébellion est qu'elle se produise par l'attaque ou la résistance avec violences et voies de fait. Ces violences sont de l'essence du délit ; sans elles on ne pourrait concevoir de rébellion. La loi romaine définissait même la nature des voies de fait : Hac lege (Julià de vi privatd) tenetur is qui, convocatis hominibus, vim fecerit quo quis verberetur vel pulsetur 1. L'ordonnance de 1670 s'occupait également, dans ses dispositions, de la procédure à suivre contre les rébellions à justice avec force ouverte ; et l'art. 34 de l'ordonnance de Moulins (de février 1566) défendait, sous peine de la vie, d'excéder aucun des officiers, huissiers ou sergents faisant ou exploitant actes de justice. Enfin le Code de 1791, prenant les expressions que notre Code n'a fait que reproduire, définissait la rébellion une opposition avec des violences et voies de fait (2o part., tit. 1, sect. 4, art. 1).

Les outrages et les simples menaces peuvent constituer des délits particuliers, mais ne forment point le délit de rébellion, car ce ne sont point là des voies de fait. Il ne suffit pas que les agents de l'autorité soient empêchés d'exécuter ses mandements, il faut qu'ils soient arrêtés par les actes matériels d'une force active 2. Cependant il n'est pas nécessaire que des coups aient été portés; si les agents ont été couchés en joue par des rebelles armés de fusils 3, s'ils ont été poursuivis par des individus armés de fourches et de faux, et qui tenaient ces instruments suspendus sur leurs têtes, en les menaçant de les en frapper, il faudrait reconnaître dans ces actes, ainsi que l'a fait la Cour de cassation

1. L. 2, Dig. ad leg. Jul. de vi privatà.

2. * * Jugé que le délit de rébellion n'existe, aux termes de l'art. 209 C. p. que quand la résistance est accompagnée de violences et de voies de fait, et qu'en conséquence l'application de cet article n'est pas jutifiée si l'arrêt constate seulement que le prévenu, au moment de son arrestation, a opposé une vive résistance (Cass., 27 décembre 1879; Bull. n. 236). 3. Cass., 28 juill. 1808, S.8.2.1167; 16 mai 1817, Dall., t. 12, p. 30 août 1849, Bull. n. 231; 3 avril 1847, n. 71.

4. Cass., 28 mai 1807, S.7.2.1461.

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