Images de page
PDF
ePub

jury dans les jugements correctionnels pour ceux des délits qui comporteraient une telle innovation 1. »

Ces lignes ne semblent-elles pas écrites d'hier et ne croiraiton pas que leur auteur a voulu parler et des propositions soumises actuellement aux Chambres par l'exercice du droit d'initiative, et des travaux de la commission nommée par M. Dufaure, alors qu'il était garde des sceaux et qui, composée des hommes les plus compétents, se livre en ce moment au travail considérable de la révision de notre Code d'instruction criminelle.

C'est qu'en effet les idées qui se faisaient jour déjà en 1870 au sein du Corps législatif et qui avaient provoqué la réunion d'une commission extraparlementaire dont les travaux furent interrompus par les évènements, ces idées n'ont fait que se développer depuis lors, en sorte qu'aujourd'hui la réforme de notre Code d'instruction criminelle figure au premier rang parmi les œuvres utiles, nécessaires même, que le pays attend de ses législateurs.

Nous disons nécessaires; non pas que notre Code d'instruction criminelle ait aujourd'hui moins de valeur qu'hier, mais parce qu'il est des questions qui, une fois abordées, doivent être résolues et qui, restant en suspens trop longtemps, laissent par cela même un certain discrédit tomber sur les textes dont la révision projetée a révélé au public les imperfections réelles ou les défauts imaginaires.

Nous souhaitons donc que les projets actuellement soumis aux Chambres viennent en discussion promptement, et surtout qu'ils ne suivent pas dans le silence de l'oubli leurs aînés de 1870.

Parmi eux, le principal est le projet en 130 articles, élaboré par la commission extraparlementaire, et destiné à remplacer les art. 8 à 136 formant le livre Ier du C. d'inst. crim. (de la police judiciaire et des officiers de police qui l'exercent), et les art. 217 à 250 formant le chapitre Ier, du titre II, du deuxième livre du même Code (des mises en accusations): ce projet, présenté récemment au Sénat par le gouvernement2 est trop considérable et trop important pour que nous en fassions dès

1. J. cr., art. 9053, III.

2. Projet de loi tendant à réformer le Code d'instruction criminelle présenté au Sénat par M. Le Royer, garde des sceaux, le 27 nov. 1879.

aujourd'hui une étude : nous ne pouvons que le signaler, nous réservant de l'examiner ultérieurement en détail.

Ce projet introduirait dans notre législation un principe nouveau, le droit pour l'inculpé, dès le début et pendant tout le cours de la procédure préliminaire, d'être mis à même de préparer les éléments de sa défense; l'inculpé serait donc, dès les premiers pas de l'information, assisté d'un défenseur, auquel avis serait donné, à l'avance, toutes les fois que le juge d'instruction devrait procéder à un acte d'information qui, par sa nature, peut avoir lieu contradictoirement, sans nuire à la recherche de la vérité; l'inculpé pourrait requérir des actes d'information de nature à aider sa défense, le ministère public pouvant s'opposer à l'accomplissement de ces mesures, et le juge d'instruction statuant sur ces difficultés de procédure, sauf appel devant la chambre du conseil, que le projet propose de rétablir et qui prononcerait tantôt en premier, tantôt en dernier ressort sur tous les incidents soulevés au cours de l'instruction.

Par l'organe de son défenseur, l'inculpé pourrait provoquer l'audition de témoins négligés par la poursuite, ou leur confrontation avec lui-même; en cas d'expertise, le droit de désigner un contre-expert lui serait accordé.

Enfin, au-dessus de la chambre du conseil, le projet place la chambre des mises en accusation, devant laquelle le débat contradictoire, à huis clos, permettrait à l'accusé d'épuiser tous les moyens de défense, avant l'épreuve suprême du jugement. Telles sont, en résumé, les dispositions principales de cet important projet.

A côté de lui doivent nécessairement se placer les nombreuses propositions émanées de l'initiative parlementaire, et dont les plus importantes sont relatives à la procédure suivie devant la Cour d'assises.

Nous avons déjà fait connaître à nos lecteurs celles qui ont pour but de combler une lacune de l'art. 116, § 1er, C. inst. crim., concernant la mise en liberté provisoire1, d'assurer au prévenu, entre son interrogatoire par le président des assises et sa comparution devant les jurés (art. 293) un délai de dix jours nécessaire à la

1. V., sur cette question, J. cr., art. 9396, p. 13, et J. cr., art. 10543, et l'art. 107 du projet de loi présenté par le Gouvernement au Sénat.

préparation de sa défense1, et de lui permettre l'examen, pendant ce même délai, des pièces du dossier (art. 305, § 2)2.

Nous devons signaler également celle qui propose de supprimer le résumé des débats présenté aux jurés par le président des assises, en exécution de l'art. 336 du C. d'inst. crim.3, et ne fait que reproduire une proposition déjà formulée, il y a trois ans, et au sujet de laquelle nous nous sommes exprimés à cette époque. Posée en 1877, et l'observation que nous faisions en commençant trouve ici son application, — la question du résumé des débats n'est pas encore résolue; nous souhaitons qu'elle le soit bientôt et que ce résumé, s'il n'est pas supprimé comme nous serions porté à le désirer, reste au moins à l'abri de cette sorte de suspicion que fait peser sur lui la menace permanente d'une modification de la loi qui l'édicte.

La Chambre des Députés a également été saisie par l'exercice de l'initiative parlementaire d'une proposition dont les auteurs voudraient qu'au moment où les jurés vont entrer dans la salle de leurs délibérations, le président leur donnât lecture des articles du Code pénal, déterminant les peines qui peuvent résulter de leur verdict, c'est-à-dire des articles mentionnés dans l'arrêt de renvoi et dans l'acte d'accusation, de ceux qui sont applicables aux circonstances aggravantes résultant des débats, de l'art. 326 relatif au fait d'excuse qui pourrait être proposé par l'accusé, des art. 66 et 67 si l'accusé est mineur de 16 ans, et enfin, dans tous les cas, de l'art. 463 relatif aux circonstances atténuantes (art. 337, 338, 339 et 340, C. inst. crim.).

Les jurés sont investis d'une mission spéciale, statuer sur la question de fait, affirmer ou nier l'existence matérielle du fait poursuivi, mais ils n'ont pas à déduire de leur verdict les conséquences de droit : il peut être bon que chacun d'eux connaisse personnellement la loi, parce que cette science ne saurait nuire à l'accomplissement de sa mission, mais cela est-il nécessaire?

1 et 2. V. J. cr., art. 10543.

3. Proposition de MM. Lisbonne et Agniel à la Ch. des Dép., séance du 23 janv. 1879; - V. rapport sommaire de M. Maunoury, séance du 13 fév. 1879.

4. V. J. cr., art. 10168, p. 24.

5. M. A. Legrin (Deux réformes du C. d'inst. cr., p. 10), au contraire, se prononce énergiquement en faveur du maintien du résumé des débats. 6. Proposition de MM. Lisbonne et Agniel, suprà, no 7.

est-il utile surtout que le jury reçoive à cet égard une communication officielle du président des assises, communication qui aura peut-être pour effet de provoquer ses membres à mentir à leur conscience si la peine leur paraît trop sévère eu égard au crime dont ils reconnaissent la réalité?

Il faut, répond-on à ces objections sérieuses, considérer qu'en fait les jurés savent toujours plus ou moins quelle peine leur décision provoquera, l'avocat pouvant facilement leur faire entrevoir la gravité de cette peine, sans violer expressément la loi.

Il est d'ailleurs impossible d'empêcher les jurés, qui connaissent d'avance la qualification des faits qu'ils auront à juger, de s'informer avant l'audience des conséquences d'un verdict affirmatif, et en leur donnant.connaissance des termes mêmes de la loi, on ne ferait que substituer une notion certaine et précise à des renseignements vagues et par cela même dangereux.

Il faut considérer enfin, ajoute-t-on, que le Code d'inst. crim. était, lors de sa première rédaction, muet sur les circonstances atténuantes. Le verdict prononçant la culpabilité entraînait nécessairement une peine grave pour laquelle il n'y avait pas de tempérament possible.

Il y avait intérêt alors à laisser ignorer au jury quelle était cette peine dont la gravité aurait pu troubler sa conscience.

Mais, depuis que le jury a pour mission de décider s'il y a lieu d'atténuer la peine à raison des circonstances du crime, n'est-il pas logique de le mettre à même de connaître cette peine afin, de juger si, eu égard aux faits appréciés dans leur ensemble, il y a lieu de la mitiger.

Telles sont les considérations que l'on fait valoir pour justifier cette proposition de loi, considérations sérieuses assurément, mais qui ne nous paraissent pas suffisamment graves pour rendre nécessaire une modification de la loi.

L'art. 360 du C. d'inst. crim. a également été l'objet d'un projet de modification1 qui le rédigerait de telle sorte, que << toute personne acquittée légalement ne pourrait être reprise ni accusée à raison du même fait, ce fail fût-il diversement qualifié ».

Cette proposition est de tout point analogue à celle présentée

1. Proposition de M. Parent, député, séance du 17 février 1879.

déjà par M. Parent à l'Assemblée Nationale en 18721, et qui avait été adoptée, en première lecture seulement, lorsque cette Assemblée se sépara.

A côté de ces propositions qui visent exclusivement la procédure des assises, se place naturellement celle dont la Chambre des Députés a été saisie par l'un de ses membres, et qui tendrait à ajouter à l'art. 443 du C. d'inst. crim. une disposition permettant la révision en matière criminelle ou correctionnelle, non seulement dans les cas prévus par cet article, mais encore lorsque, après la condamnation prononcée, il se serait produit, en dehors de ces cas, des faits de nature à fournir des indices suffisants de l'innocence du condamné, et que les magistrats ayant connu de l'affaire ou composé la Cour d'assises, auraient, après examen et enquête, donné un avis favorable à la révision 2.

Cette proposition, qui nous paraît denature à présenter dans la pratique des difficultés véritables, fera sans doute ultérieurement l'objet d'un examen approfondi: nous y reviendrons alors.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

1o Constitue un outrage cornmis à l'égard d'un maire à raison de sa qualité (L. du 25 mars 1822, art. 6), l'expression injurieuse adressée à ce maire dans un article de journal, à l'occasion du discours prononcé par lui, comme président d'une distribution de prix (1гe esp.)3.

2o Il en est de même des expressions outrageantes prononcées publiquement à l'adresse d'un maire, à l'occasion d'une démarche faite par lui auprès de l'archevêque, de concert avec d'autres habitants de la commune, pour solliciter le déplacement du desservant de la paroisse (2o esp.)“.

1. V. les rapports, de M. Lenoël et de M. Bertauld, séances des 30 mai 1872 et 3 déc. 1873.

2. Proposition de M. de Jansé, séance du 10 déc. 1878; rapport de M. Armand Caduc, séance du 21 juin 1879; prise en considération, séance du 6 déc. 1879.

3. V. le jugement du Trib. de la Seine du 16 oct. 1879, infirmé par cet arrêt (J. cr., art. 10561).

4. V. en matière d'outrages adressés à un maire à l'occasion de sa qualité ou de ses fonctions: C. de Grenoble, 8 mai 1874 (J. cr., art. 9656); C. de Bourges, 31 juil. 1874 et 17 oct. 1874 (J. cr., art. 9702).

« PrécédentContinuer »