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leçons de l'expérience. Les constitutions de l'empire se sont ainsi formées d'une série d'actes qui ont été revêtus de l'acceptation du peuple. Nous avions alors pour but d'organiser un grand systême fédératif européen, que nous avions adopté comme conforme à l'esprit du siècle et favorable aux progrès de la civilisation. Pour parvenir à le compléter et à lui donner toute l'étendue et toute la stabilité dont il était susceptible, nous avions ajourné l'établissement de plusieurs institutions intérieures, plus spécialement destinées à protéger la liberté des citoyens. Notre but n'est plus désormais que d'accroître la prospérité de la France par l'affermissement de la liberté publique. De là résulte la nécessité de plusieurs modifications importantes dans les constitutions, sénatus-consultes et autres actes qui régissent cet empire.

A ces causes, voulant, d'un côté, conserver du passé ce qu'il y a bon et de salutaire, et, de l'autre, rendre les constitutions de notre empire conformes en tout aux vœux et aux besoins nationaux, ainsi qu'à l'état de paix que nous désirons maintenir avec l'Europe, nous avons résolu de proposer au peuple une suite de dispositions tendant à modifier et perfectionner ces actes constitutionnels, à entourer les droits des citoyens de toutes leurs garanties, à donner au systême représentatif toute son extension, à investir les corps intermédiaires de la considération et du pouvoir désirables; en un mot, à combiner le plus haut point de liberté politique et de sûreté individuelle avec la force et la centralisation nécessaires pour faire respecter par l'étranger l'indépendance du peuple français et la dignité de notre couronne. En conséquence, les articles suivans, formant un acte supplémentaire aux constitutions de l'empire, seront soumis à l'acceptation libre et solennelle de tous les citoyens, dans toute l'étendue de la France.

TITRE Ier. Dispositions générales.

Art. 1er. Les constitutions de l'empire, nommément l'acte constitutionnel du 22 frimaire an 8, les sénatus-consultes des 14 et 16 thermidor an 10, et celui du 28 floréal an 12, seront modifiés par les dispositions qui suivent. Toutes leurs autres dispositions sont confirmées et maintenues.

2. Le pouvoir législatif est exercé par l'Empereur et par deux Chambres.

3. La première Chambre, nommée Chambre des pairs, est héréditaire.

4. L'Empereur en nomme les membres, qui sont irrévocables, eux et leurs descendans mâles, d'aîné en aîné en ligne directe. Le nombre des pairs est illimité. L'adoption ne transmet point la dignité de pair à celui qui en est l'objet.

Les pairs prennent séance à vingt-un ans, mais n'ont voix délibérative qu'à vingt-cinq. 5. La chambre des pairs est présidée par l'archi-chancelier de l'empire, ou, dans le cas prévu par l'article 51 du sénatus-consulte du 28 floréal an 12, par un des membres de cette Chambre désigné spécialement par l'Em

pereur.

6. Les membres de la famille impériale, dans l'ordre de l'hérédité, sont pairs de droit. Ils siégent après le président. Ils prennent séance à dix-huit ans, mais n'ont voix délibérative qu'à vingt-un ans.

7. La seconde Chambre, nommée Chambre des représentans, est élue par le peuple.

8. Les membres de cette Chambre sont au nombre de six cent vingt-neuf. Ils doivent être âgés de vingt-cinq ans au moins.

9. Le président de la Chambre des représentans est nommé par la Chambre, à l'ouverture de la première session. Il reste en fonc tions jusqu'au renouvellement de la Chambre. Sa nomination est soumise à l'approbation de l'Empereur.

10. La Chambre des représentans vérifie les pouvoirs de ses membres, et prononce sur la validité des élections contestées.

II. Les membres de la Chambre des représentans reçoivent pour frais de voyage, et durant la session, l'indemnité décrétée par l'assemblée constituante.

12. Ils sont indéfiniment rééligibles.

13. La Chambre des représentans est renouvelée de droit en entier tous les cinq

ans.

14. Aucun membre de l'une ou l'autre Chambre ne peut être arrêté, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivi en matière criminelle et correctionnelle, pendant les sessions, qu'en vertu d'une résolution de la Chambre dont il fait partie.

15. Aucun ne peut être arrêté ni détenu pour dettes, à partir de la convocation, ni quarante jours après la session.

16. Les pairs sont jugés par leur Chambre, en matière criminelle et correctionnelle, dans les formes qui seront réglées par la loi.

17. La qualité de pair et de représentant est compatible avec toute fonction publique, hors celles de comptables.

Toutefois les préfets et sous-préfets ne sont pas éligibles par le collège électoral du dé. partement ou de l'arrondissement qu'ils administrent.

18 L'Empereur envoie dans les Chambres des ministres d'Etat et des conseillers d'Etat qui y siégent et prennent part aux discussions, mais qui n'ont voix délibérative que dans le cas où ils sont membres de la Chambre comme pairs ou élus du peuple.

19. Les ministres qui sont membres de la Chambre des pairs ou de celle des représen

tans, ou qui siégent par mission du Gouvernement, donnent aux Chambres les éclaircissemens qui sont jugés nécessaires, quand leur publicité ne compromet pas l'intérêt de l'Etat.

20. Les séances des deux Chambres sont publiques. Elles peuvent néanmoins se former en comité secret, la Chambre des pairs sur la demande de dix membres, celle des représentans sur la demande de vingt-cinq. Le Gouvernement peut également requérir des comités secrets pour des communications à faire. Dans tous les cas, les délibérations et les votes ne peuvent avoir lieu qu'en séance publique.

21. L'Empereur peut proroger, ajourner et dissoudre la Chambre des représentans. La proclamation qui prononce la dissolution convoque les colléges électoraux pour une élection nouvelle, et indique la réunion des représentans dans six mois au plus tard.

22. Durant l'intervalle des sessions de la Chambre des représentans, ou en cas de dis solution de cette Chambre, la Chambre des pairs ne peut s'assembler.

23. Le Gouvernement a la proposition de la loi; les Chambres peuvent proposer des amendemens: si ces amendemens ne sont pas adoptés par le Gouvernement, les Chambres sont tenues de voter sur la loi, telle qu'elle a été proposée.

24. Les Chambres ont la faculté d'inviter le Gouvernement à proposer une loi sur un objet déterminé, et de rédiger ce qu'il leur paraît convenable d'insérer dans la loi. Cette demande peut être faite par chacune des deux Chambres.

25. Lorsqu'une rédaction est adoptée dans l'une des deux Chambres, elle est portée à l'autre; et si elle y est approuvée, elle est portée à l'Empereur.

26. Aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, les rapports des ministres sur les lois qui sont présentées et les comptes qui sont rendus, ne peut être lu dans l'une ou l'autre des Chambres.

TITRE II. Des colléges électoraux, et du mode d'élection.

27. Les colléges électoraux de département et d'arrondissement sont maintenus, conformément au sénatus-consulte du 16 thermidor an 10, sauf les modifications qui suivent.

28. Les assemblées de canton rempliront, chaque année, par des élections annuelles, toutes les vacances dans les colléges électo

raux.

29. A dater de l'an 1816, un membre de la Chambre des pairs, désigné par l'Empereur, sera président à vie et inamovible de chaque collége électoral de département.

30. A dater de la même époque, le collége

électoral de chaque département nommera, parmi les membres de chaque collége d'arrondissement, le président et deux vice-présidens. A cet effet, l'assemblée du collège de département précédera de quinze jours celle du collége d'arrondissement.

31. Les colléges de département et d'arrondissement nommeront le nombre de représentans établi pour chacun par l'acte et le tableau ci-annexés, no 1.

32. Les représentans peuvent être choisis indifféremment dans toute l'étendue de la France.

Chaque collége de département ou d'arrondissement qui choisira un représentant hors du département ou de l'arrondissement nommera un suppléant, qui sera pris nécessairement dans le département ou l'arrondissement.

33. L'industrie et la propriété manufacturière et commerciale auront une représentation spéciale.

L'élection des représentans commerciaux et manufacturiers sera faite par le collége électoral de département, sur une liste d'éligibles dressée par les Chambres de commerce et les Chambres consultatives réunies, suivant l'acte et le tableau ci-annexé no 2.

TITRE III. De la loi de l'impôt.

34. L'impôt général direct, soit foncier, soit mobilier, n'est voté que pour un an; les impôtsindirects peuvent être votés pour plusieurs années.

Dans le cas de la dissolution de la Chambre des représentans, les impositions votées dans la session précédente sont continuées jusqu'à la nouvelle réunion de la Chambre.

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35. Aucun impôt direct ou indirect, en argent ou en nature, ne peut être perçu, aucun emprunt ne peut avoir lieu, aucune inscription de créances au grand-livre de la dette publique ne peut être faite, aucun domaine ne peut être aliéné ni échangé, aucune levée d'hommes pour l'armée ne peut être ordonnée, aucune portion du territoire ne peut être échangée, qu'en vertu d'une loi.

36. Toute proposition d'impôt, d'emprunt, ou de levée d'hommes, ne peut être faite qu'à la Chambre des représentans.

37. C'est aussi à la Chambre des représentans qu'est porté d'abord : 1o le budget général de l'Etat, contenant l'aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l'année à chaque département du ministère; 2o le compte des recettes et dépenses de l'année ou des années précédentes.

TITRE IV. Des ministres et de la responsabilité.

38. Tous les actes du Gouvernement doivent être contre-signés par un ministre ayant département.

39. Les ministres sont responsables des actes du Gouvernement signés par eux, ainsi que de l'exécution des lois.

40. Ils peuvent être accusés par la Chambre des représentans, et sont jugés par celle des pairs.

41. Tout ministre, tout commandant d'armée de terre ou de mer, peut être accusé par la Chambre des représentans et jugé par la Chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l'honneur de la nation.

42. La Chambre des pairs, en ce cas, exerce, soit pour caractériser le délit, soit pour infliger la peine, un pouvoir discrétion

naire.

43. Avant de prononcer la mise en accusation d'un ministre, la Chambre des représentans doit déclarer qu'il y a lieu à examiner la proposition d'accusation.

44. Cette déclaration ne peut se faire qu'après le rapport d'une commission de soixante membres tirés au sort. Cette commission ne fait son rapport que dix jours au plus tôt après sa nomination.

45. Quand la Chambre a déclaré qu'il y a lieu à examen, elle peut appeler le ministre dans son sein pour lui demander des explications. Cet appel ne peut avoir lieu que dix jours après le rapport de la commission.

46. Dans tout autre cas, les ministres ayant département ne peuvent être appelés ni mandés par les Chambres.

47. Lorsque la Chambre des représentans a déclaré qu'il y a lieu à examen contre un ministre, il est formé une nouvelle commission de soixante membres tirés au sort, comme la première, et il est fait, par cette commission, un nouveau rapport sur la mise en accusation. Cette commission ne fait son rapport que dix jours après sa nomination.

48. La mise en accusation ne peut être prononcée que dix jours après la lecture et la distribution du rapport.

49. L'accusation étant prononcée, la chambre des représentans nomme cinq commissaires pris dans son sein, pour poursuivre l'accusation devant la Chambre des pairs.

50. L'article 75 du titre VIII de l'acte constitutionnel du 22 frimaire an 8, portant que les agens du Gouvernement ne peuvent être poursuivis qu'en vertu d'une décision du Conseil-d'Etat, sera modifié par une loi.

TITRE V. Du pouvoir judiciaire.

51. L'Empereur nomme tous les juges. Ils sont inamovibles et à vie dès l'instant de leur nomination, sauf la nomination des juges-depaix et des juges de commerce, qui aura lieu comme par le passé. Les juges actuels nommés par l'Empereur, aux termes du sénatusconsulte du 12 octobre 1807, et qu'il jugera

convenable de conserver, recevront des provisions à vie avant le 1er janvier prochain.

52. L'institution des jurés est maintenue. 53. Les débats en matière criminelle sont publics.

54. Les délits militaires seuls sont du ressort des tribunaux militaires.

55. Tous les autres délits, même commis par les militaires, sont de la compétence des tribunaux civils.

56. Tous les crimes et délits qui étaient attribués à la haute-cour impériale et dont le jugement n'est pas réservé par le présent acte à la Chambre des pairs, seront portés devant les tribunaux ordinaires.

57. L'Empereur a le droit de faire grace, même en matière correctionnelle, et d'accorder des amnisties.

58. Les interprétations des lois demandées par la Cour de cassation seront données dans la forme d'une loi.

TITRE VI. Droits des citoyens.

59. Les Français sont égaux devant la loi, soit pour la contribution aux impôts et charges publiques, soit pour l'admission aux emplois civils et militaires.

60. Nul ne peut, sous aucun prétexte, être distrait des juges qui lui sont assignés par la

loi.

61. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ni exilé, que dans les cas prévus par la loi et suivant les formes prescrites.

62. La liberté des cultes est garantie à tous. 63. Toutes propriétés possédées ou acquises en vertu des lois, et toutes les créances sur l'Etat, sont inviolables.

64. Tout citoyen a le droit d'imprimer et de publier ses pensées, en les signant, sans aucune censure préalable, sauf la responsabilité légale, après la publication, par jugement par jurés, quand même il n'y aurait lieu qu'à l'application d'une peine correctionnelle.

65. Le droit de pétition est assuré à tous les citoyens. Toute pétition est individuelle. Ces pétitions peuvent être adressées, soit au Gouvernement, soit aux deux Chambres: néanmoins ces dernières même doivent porter l'intitulé: A sa majesté l'Empereur. Elles seront présentées aux Chambres sous la garantie d'un membre qui recommande la pétition. Elles sont lues publiquement; et si la Chambre les prend en considération, elles sont portées à l'Empereur par le président.

66. Aucune place, aucune partie du territoire, ne peut être déclarée en état de siége, que dans le cas d'invasion de la part d'une force étrangère, ou de troubles civils.

Dans le premier cas, la déclaration est faite par un acte du Gouvernement.

Dans le second cas, elle ne peut l'être que par la loi.

Toutefois, si, le cas arrivant, les Chambres ne sont pas assemblées, l'acte du Gouvernement déclarant l'état de siége doit être converti en une proposition de loi dans les quinze premiers jours de la réunion des Chambres.

67. Le peuple français déclare que, dans la délégation qu'il a faite et qu'il fait de ses pouvoirs, il n'a pas entendu et n'entend pas donner le droit de proposer le rétablissement des Bourbons ou d'aucun prince de cette famille sur le trône, même en cas d'extinction de la dynastie impériale, ni le droitde rétablir soit l'ancienne noblesse féodale, soit les droits féodaux et seigneuriaux, soit les dîmes, soit aucun culte privilégié et dominant, ni la faculté de porter aucune atteinte à l'irrévoca'bilité de la vente des domaines nationaux ; il interdit formellement au Gouvernement, aux

Chambres et aux citoyens, toute proposition à cet égard. No Ier.

22 AVRIL 1815.- Acte et tableau fixant le nombre des députés à élire pour la chambre des représentans.

Art. 1. La proposition du nombre des députés à la Chambre des représentans et leur élection sont réglées ainsi qu'il suit.

2. Les colléges électoraux de département nommeront deux cent trente-huit députés à la Chambre des représentans, et les colleges électoraux d'arrondissement nommeront, quelle que soit leur population, un député par chaque arrondissement, le tout conformément au tableau joint au présent acte.

3. Le présent acte sera joint à l'acte additionnel aux constitutions, en date de ce jour.

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