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1774 10 Julie.

aux galères ou en prison; permettant à tous bannis, ou exilés de No. 30. retourner chez eux avec promesse de leur rendre après la paix tous les honneurs et biens dont ils ont joui ci-devant, et de ne leur faire ni souffrir que d'autres leur fassent impunément quelque insulte, dommage ou offense sous quelque prétexte que ce soit; mais que chacun d'eux puisse vivre sous la garde et protection des lois et coutumes de son pays, ainsi que ses compatriotes.

Art. II. Si, après la conclusion du traité et l'échange des ratifications, quelques sujets des deux empires, ayant commis quelque crime capital, ou s'étant rendus coupables de désobéissance ou de trahison, voulaient se cacher ou chercher asile chez l'une des deux puissances, ils n'y devront être reçus ni gardés sous aucun prétexte, mais immédiatement livrés ou du moins chassés des Etats de la puissance chez laquelle ils se seraient retirés, afin que pour de tels malfaiteurs il ne s'élève aucun refroidissement ou contestation inutile entre les deux Empires, à l'exception cependant de ceux qui, dans l'empire de Russie, auront embrassé la religion chrétienne et dans l'empire ottoman la religion mahométane. Pareillement au cas que quelqnes sujets des deux empires, soit chrétiens ou mahométans, ayant commis quelque forfait ou délit ou pour quelqne cause que ce soit passent d'un empire dans l'autre, ils seront immédiatement livrés dès que la réquisition en sera faite.

Art. III. Tous les peuples Tartares, ceux de la Crimée, du Budgiac, du Kuban, les Edissans, Geambouiluks et Editschkuls, seront reconnus sans aucune exception par les deux Empires pour nations libres et entièrement indépendantes de toute puissance étrangère, gouvernés par leur propre souverain de la race de Chingis-Khan, élu et élevé sur le trône par tous les peuples Tartares; lequel les gouvernera d'après leurs anciennes lois et usages, n'en rendant aucun compte que ce soit à aucune puissance étrangère; c'est pourquoi, ni la cour de Russie, ni la Porte ottomane ne devront se mêler, sous quelque prétexte que se soit, de l'élection du dit Khan non plus que de leurs affaires domestiques, politiques, civiles et intérieures, mais au contraire avouer et considérer la dite nation Tartare dans son état politique et civil sur le même pied que les autres puissances qui se gouvernent par elles-mêmes et ne dépendent que de Dieu seul; quant aux cérémonies de religion, comme les Tartares professent le même culte que les Musulmans, ils se règleront à l'égard de Sa Hautesse comme Grand Calife du mahométisme, selon les préceptes que leur prescrit leur loi sans aucun préjudice néanmoins. de la confirmation de leur liberté politique et civile. La Russie laisse

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No. 30. á cette nation Tartare, à l'exception des forteresses de Kertsch et Jenicale avec leurs districts et ports que la Russie garde pour elle, toutes les villes, forteresses, habitations, terres et ports qu'elle a conquis en Crimée et au Kuban: le terrain situé entre les rivières Berda, Konskie, Vodi et le Dnieper, ainsi que tout celui situé jusqu'à la frontiere de Pologne entre le Boug et le Dniester, à l'exception de la forteresse d'O czakow avec son ancien territoire qui appartiendront comme ci-devant à la Sublime-Porte, et elle promet de faire sortir ses troupes de leurs possessions, d'abord après la conclusion et l'échange du traité de paix. La Sublime-Porte ottomane s'engage pareillement de son côté à se désister de tout droit quelconque qu'elle pourrait avoir sur les forteresses, villes, habitations, etc., en Crimée, au Kuban et dans l'ile de Taman, de ne tenir dans ces endroits aucune garnison ni autres gens armés, cédant ces Etats aux Tartares de la même manière que la cour de Russie, c'est-à-dire en pleine propriété et souveraineté absolue et indépendante. Pareillement la Sublime-Porte s'engage de la manière la plus solennelle et promet de n'introduire, ni entretenir à l'avenir aucune garnison ou gens armés quelconques dans les susdites villes, forteresses, terres et habitations, ni dans l'intérieur de ces Etats aucun intendant ou employé militaire, de quelque dénomination que ce soit, mais de laisser tous les Tartares dans la même parfaite liberté et indépendance que les laisse l'empire de Russie.

Art. IV. Il est conforme au droit naturel de chaque Puissance de faire dans son propre pays telles dispositions qu'elle juge à-propos, en conséquence il est respectivement réservé aux deux Empires une liberté parfaite et illimitée de construire en neuf, chacun dans ses Etats et en dedans de ses frontières, en tels endroits qu'il trouvera convenables, toute sorte de forteresses, villes, habitations, édifices et demeures, ainsi que de réparer et rebâtir les anciennes forteresses, villes, habitations, etc.

Art. V. Après la conclusion de cette heureuse paix et le renouvellement de l'amitié sincère et du bon voisinage, la cour impériale de Russie dorénavant aura toujours auprès de la Sublime-Porte un ministre de second rang c'est-à-dire un envoyé ou un ministre plénipotentiaire; la Sublime-Porte marquera à son caractère toute l'attention et les égards qui s'observent envers les ministres des puissances les plus distinguées; et dans toutes les fonctions publiques, le susdit ministre devra suivre immédiatement celui de l'Empereur, s'il a le même carac tére que lui; mais s'il a un autre caractère, c'est-à-dire supérieur ou inférieur, alors le ministre russe suivra immédiatement l'ambassadeur de Hollande, et, en son absence, celui de Venise.

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Art. VI Si quelqu'un de ceux qui se trouvent au service actuel du No. 30. ministre russe pendant son séjour près de la Sublime-Porte, ayant fait quelque vol, ou commis quelque crime ou action punissable, voulait pour se soustraire au châtiment, se faire Turc, quoiqu'il ne puisse pas être refusé, cependant après lui avoir fait subir la peine qu'il mérite, tous les effets volés devront être restitués en entier, conformément à la spécification du ministre. Mais ceux qui voudront prendre le turban étant ivres, ne devront être reçus qu'après que leur ivresse sera passée et leur raison revenue dans son état naturel; et même alors leur dernière déclaration ne se fera qu'en présence d'un interprète envoyé par le ministre, et de quelque musulman non suspect de partialité.

Art. VII. La Sublime-Porte promet de protéger constamment la religion chrétienne et ses églises; et aussi elle permet aux ministres de la cour impériale de Russie de faire dans toutes les occasions des représentations, tant en faveur de la nouvelle église à Constantinople, dont il sera fait mention dans l'article 14, que pour ceux qui la desservent, promettant de les prendre en considération comme faites par une personne de confiance d'une puissance voisine et sincèrement amie.

Art. VIII. Il sera libre et permis aux sujets de l'empire de Russie tant séculiers qu'ecclésiastiques, de visiter la sainte ville de Jérusalem et autres lieux dignes d'attention. Il ne sera exigé de ces pélerins et voyageurs, par qui que ce puisse être, ni à Jérusalem ni ailleurs, ni sur aucun charatsch, contribution, droit ou autre imposition; mais ils seront munis de passeports et firmans tels qu'on en donne aux sujets des autres puissances amies. Pendant leur séjour dans l'Empire. Ottoman il ne leur sera fait le moindre tort ni offense, mais au contraire ils seront sous la protection la plus rigide des lois.

Art. IX. Les interprètes auprès des ministres russes résidant à Constantinople, de quelque nation qu'ils soient, étant employés à des affaires d'Etat, et conséquemment servant les deux empires, doivent être considérés et traités avec toute sorte de bienveillance; ils n'auront rien à souffrir à raison des affaires dont leurs principaux les auraient chargés. Art. X. Si entre la signature de ces articles de paix et les ordres qui, sur cela seront expédiés par les commandants des deux armées respectives, il survenait quelque part quelque fait d'armes, aucune partie ne en tiendra offensée, comme aussi le succès en sera nul, toute acquisition. restituée et aucun avantage n'en restera à l'une ni à l'autre partie.

Art. XI. Pour la commodité et l'avantage des deux empires, il y aura une navigation libre et sans obstacles pour les vaisseaux marchands apppartenant aux deux puissances contractantes, dans toutes les mers

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No. 30. qui baignent leurs terres; la Sublime-Porte accorde aux vaisseaux marchands russes nommément tels que ceux qu'emploient partout pour le commerce et dans les ports les autres puissances, un libre passage de la mer Noire dans la mer Blanche et réciproquement de la mer Blanche dans la mer Noire; comme aussi d'entrer dans tous les ports et havres existants, ou sur les côtes de la mer ou dans les passages et canaux qui joignent ces mers. Pareillement, la Sublime-Porte permet aux sujets russes de commercer dans ses Etats, par terre ainsi que par eau et sur le Danube, par leurs vaisseaux, conformément à ce qui a été spécifié plus haut dans cet article et cela aux mêmes privilèges et avantages dont jouissent dans ses Etats les nations les plus amies et que la Sublime-Porte favorise le plus dans le commerce, tels que les Français et les Anglais; et les capitulations de ces deux nations et autres, de même que si elles étaient insérées ici mot pour mot, devront servir de règle en tout et partout pour ce qui regarde tant le commerce que les commerçants russes, lesquels en payant les mêmes douanes, peuvent importer et exporter toutes sortes de marchandises et aborder à tous les ports et havres, tant sur la mer Noire que sur les autres mers, Constantinople y étant nommément compris. En accordant de la manière ci-dessus aux sujets respectifs la liberté du commerce et de la navigation sur toutes les eaux sans exceptions, les deux empires permettent en même temps aux marchands de s'arrêter dans leurs Etats autant de temps que leurs intérêts l'exigeront, et leur promettent la même sûreté et liberté dont jouissent les sujets des autres cours amies. Et afin d'observer l'ordre en tout, la Sublime-Porte permet également qu'il réside des consuls et vice-consuls dans tous les lieux où la cour de Russie jugera à propos d'en établir, et ils seront traités et considérés en parfaite égalité avec les consuls des autres puissances amies. Elle leur permet d'avoir des interprètes nommés Baratli ou à patentes, les munissant effectivement de patentes impériales et les faisant jouir des mêmes prérogatives que ceux au service des dites nations française, anglaise et autres. De même la Russie permet aux sujets de la SublimePorte de commercer dans ses Etats par mer et par terre avec les mêmes prérogatives et avantages dont jouissent les nations les plus amies et en payant les douanes accoutumées. En cas d'accident qui pourrait arriver aux vaisseaux, les deux empires sont tenus respectivement de leur donner la même assistance qui se donne en pareil cas aux autres nations amies; et les choses nécessaires leur seront fournies aux prix ordinaires.

Art. XII. Lorsque la cour impériale de Russie sera intentionnée de

faire quelque traité de commerce avec les régences de l'Afrique comme Tripoli, Tunis et Alger, la Sublime-Porte s'engage d'employer son pouvoir et son crédit pour effectuer les vues de la susdite cour à cet égard, et de garantir par rapport aux dites régences toutes les conditions qui auront été stipulées dans ces traités.

Art. XIII. La Sublime-Porte promet d'employer le titre sacré d'Impératrice de toutes les Russies dans tous les actes et lettres publiques ainsi que dans tout les autres cas en langue turque, c'est-à-dire Temamen Roussielerin Padischag.

Art. XIV. A l'exemple des autres puissances, on permet à la haute cour de Russie, outre la chapelle bâtie dans la maison du ministre, de construire dans un quartier de Galata dans la rue nommée Bey Oglu, une église publique du rite grec, laquelle sera toujours sous la protection des ministres de cet empire et à l'abri de toute gêne et de toute avanie.

Art XV. Quoique, de la manière dont les limites des deux puissances contractantes sont arrangées, on ait lieu d'espérer que les sujets respectifs ne trouveront plus d'occasion à des différends et des contestations essentielles entre eux, néanmoins, à tout événement et pour éviter tout ce qui pourrait occasionner du refroidissement, ou causer quelque mécontentement que ce soit, les deux empires conviennent mutuellement que tous cas pareils seront examinés par les gouverneurs et commandants des frontières, ou par des commissaires nommés à cet effet, lequels seront tenus, après recherches exactement faites de rendre justice actuelle à qui il appartiendra sans la moindre perte de temps, avec condition expresse que des événements de cette nature ne pourront jamais servir de prétexte à la moindre altération de l'amitié et bonne union rétablies par le présent traité.

Art. XVI. L'empire de Russie restitue à la Sublime-Porte toute la Bessarabie avec les villes d'Akkerman, Kilija, Ismaïl et avec les bourgs et villages et tout ce que contient cette province, comme aussi elle lui restitue la forteresse de Bender. Pareillement l'empire de Russie restitue à la Sublime-Porte les deux principautés de Valachie et de Moldavie avec toutes les forteresses, villes, bourgs, villages et tout ce qu'elles contiennent, et la Sublime-Porte les reçoit aux conditions suivantes, avec promesse solennelle de les observer saintement: 1 D'observer à l'égard de tous les habitants de ces principautés de quelque dignité, rang, état, vocation et extraction qu'ils puissent être, sans la moindre exception, l'am nistie absolue et éternel oubli stipulés dans le premier article de traité en faveur de tous ceux qui effectivement auraient commis quelque crime,

No. 30. 1774

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