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mort funeste, et les gràces du Ciel' que l'on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre 3.

DOM JUAN.

O Ciel! que sens-je? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah!

(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan; la terre s'ouvre et l'abîme; et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.)

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Voilà par sa mort un chacun satisfait : Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n'y a que moi seul de malheureux, qui, après tant d'années de service, n'ai point d'autre récompense que de voir à mes yeux l'impiété de mon maître punie par le plus épouvantable châtiment du monde.

l'article TRAÎNER, 9°, mais en remarquant que, dans tous les exemples cités, trainer est accompagné des mots avec soi ou après soi.

1. Une mort funeste; les grâces du Ciel. (1694 B.)

2. Que l'on repousse. 3. A la foudre. (1683 A, 94 B.)

4. Les éditions de 1683 A, 1694 B s'arrêtent à devient et remplacent par des points les mots : « un brasier ardent. Ah! »> Elles sautent tout le jeu de scène : « Le tonnerre, » etc., mettent en tête du dernier couplet de Sganarelle, avant Voilà: « Ah! mes gages! mes gages! » puis remplacent encore ce qui suit malheureux (5° ligne de l'alinéa) par : « Mes gages, mes gages, mes gages!» Voyez la dernière note.

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6. On peut supposer que la fin de phrase rattachée à ce mot de malheureux, a été plutôt destinée à l'impression qu'à la scène. Le cri: Mes gages! qui, dans les deux éditions étrangères, commence et termine le dernier couplet de Sganarelle (voyez ci-dessus la note 4), ne se lit dans aucun des exemplaires non cartonnés de l'édition originale que nous avons reproduite; mais il a été mentionné et dans les Observations de Rochemont (ci-après, p. 227), et dans l'une des deux réponses qui y furent faites (ci-après, p. 237). Voyez la Notice, p. 24, p. 30, et p. 37 et 38

FIN.

SEM

INST

APPENDICE A DOM JUAN.

I

SCÈNES EXTRAITES DE LA COMÉDIE DES FRAGMENTS DE MOLIÈRE,

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Pargué, Pierrot, tu t'es donc trouvé là bien à point?

PIERROT.

Parguenne, il ne s'en est pas fallu l'époisseur d'une éplingue qu'ils ne se sayent nayés tous deux.

CHARLOTE.

C'est donc le coup de vent da matin qui les a renvarsés dans la mar.

PIERROT.

Aga, quien, Charlote, je m'en vas te conter tout fin droit comme cela est venu. Car, comme dit l'autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai. Enfin j'esquions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des motes de tarre, que je nous jequions à la teste; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi par fouas je batifole itou; en batifolant donc, pisque batifoler y a, j'ai aperçu de tout loin queuque chose qui grouilloit dans liau, et qui venoit comme envars nous par secousse. Je voyois ça fixiblement, et pis tout d'un coup je voyois que je ne voyois plus rian. « Ah ! Lucas, ç'ai-je fait, je pense qua vlà des hommes qui nageant là-bas. - Voire, ce m'a-t-il fait, t'as esté au trépassement d'un chat, t'as la vue trouble. — Pasanguenne, ç'ai-je fait, je n'ai point la vue trouble, ce sont des hommes.-Point du tout, ce m'a-t-il fait, t'as la barlue. - Veux-tu gager, ç'ai-je fait, que je n'ai point la barlue, ç'ai-je fait, et que ce sont deux hommes, ç'ai-je fait, qui nageant droit ici, ç'ai-je fait. — Mor

1. Voyez ci-dessus, p. 103, note 2.

guienne, ce m'a-t-il fait, je gage que non. O ça, ç'ai-je fait, veux-tu gager dix sols que si?— Je le veux bian, ce m'a-t-il fait, et pour te montrer, velà argent sur jeu, » ce m'a-t-il fait. Moi je n'ai esté ni fou ni étourdi, j'ai bravement bouté à tarre quatre pièces tapées, et cinq sols en double, jarniguenne, aussi hardiment que si j'avois avalé un varre de vin; car je sis hasardeux, moi, et je vas à la débandade. Je savas bien ce que je faisois pourtant: queuque gniais! Enfin donc je n'avons pas pu tost eu gagé, que j'avons vu les deux hommes tout à plein qui nous faisians signe de les aller querir, et moi de tirer auparavant les enjeux. « Allons, Lucas, c'ai-je dit, tu vois bien qu'ils nous appellons: allons viste à leurs secours. - Non, ce m'a-t-il dit, ils m'ont fait pardre. » Adonc tant y a qu'à la parfin, pour faire court, je l'ai tant sarmonné, que je nous sommes boutés dans une barque, et pis j'avons tant fait cahin caha, que je les avons tirés de liau, et pis je les avons menés cheu nous auprès du feu, et pis ils se sont dépouillés tous nus pour se sécher, et pis il en est venu encore deux de la mesme bande, qui s'estians sauvés tous seuls. Velà justement, Charlote, comme tout ça s'est fait.

CHARLOTE.

Il y en a donc un, Pierrot, mieux fait

PIERROT.

que

les autres?

Oui, c'est le maistre. Il faut que ce soit queuque gros Monsieu; car ila du dor à son habit, tout depis le haut jusqu'en bas, et ceux qui le servons sont des Monsieux eux-mesmes; et stanpandant tout gros Monsieu qu'il est, il se seroit ma figue noyé, si je n'avieme esté là.

Ardez u peu.

CHARLOTE,

PIERROT,

Oh, parguenne, sans nous il en avoit pour sa mene de feuve.

CHARLOTE.

Est-ce qu'il est encore tout nu, Pierrot ?

PIERROT.

Nanain, ils l'avon r'habillé devant nou. Mon Dieu! je n'en avois jamais vu s'habiller; que d'histoire et d'angingorniaux' ils boutons, ces Messieus-là! Je me pardrois là dedans, pour moi, et j'estois tout ébaubi de voir ça. Tien, Charlote, ils avons des cheveux qui ne tenans point à leurs testes, et ils boutons ça après tout, comme un gros bonnet de filace. Ils ant des chemises qui ant des manches où j'entrerien tout brandi, toi et moi. En lieu d'audechausse ils portons un garderobe aussi large que d'ici à Pasques; en lieu de pourpoint, de petites brassières qui ne leur venons pas

1. Le mot est coupé en deux, faute évidente, dans l'édition originale de Champmeslé: angin gorniaux.

jusqu'au brichet; et en lieu de rabat, un grand mouchoir de cou à risiau, avec quatre grosses houppes de linge qui leur pendon sur l'estomac. Ils avon itou d'autres petits rabats au bout des bras, et parmi tout ça tant de riban que c'est grande piquié. Il n'y a pas jusqu'aux souliés qui n'en soiont tous farcis, tout depuis un bout jusqu'à l'autre; et ils sont faits d'une façon que je me romprois le cou aveuc.

CHARLOTE.

Il faut que j'aille voir un peu ça.

PIERROT.

Oh, écoute un peu auparavant, Charlote, j'ai queuque chose à te dire, moi.

Qu'est-ce que c'est ?

CHARLOTE.

PIERROT.

Vois-tu, Charlote, il faut, comme dit l'autre, que je débonde mon cœur : je t'aime, tu le sais bian, et je somme pour estre mariés ensemble; mais mordienne, je ne suis point satisfait de toi.

Qu'est-ce donc qu'il y a?

CHARLOTE.

PIERROT.

Il y a que tu me chagrines l'esprit, franchement.

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Je te dis toujours la mesme chose, parce que c'est toujours la mesme chose, et si ce n'estoit pas toujours la mesme chose, je ne te dirois pas toujours la mesme chose.

Que veux-tu ?

CHARLOTE.

PIERROT.

Jernidienne, je veux que tu m'aimes.

CHARLOTE.

Est-ce que je ne t'aime pas ?

PIERROT.

Non, tu ne m'aimes pas; et si je fais tout ce que je pis pour ça. Je t'achette, sans reproche, des ribans à tous les maciés qui pas

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