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EUPHR. C'est sans doute, pour la même raison qu'on m'a fait espérer le bonheur de communier demain. O quelle joie ! je suis au comble de mes vœux.

ADEL. Non, mes chères amies, non, vous ne m'avez, à cet égard, aucune obligation; mais vous me procurez une double satisfaction!

CLOT. M.lle Christine et moi, nous nous unirons à vous, mes aimables compagnes. O quelle vive alégresse s'empare de mon cœur! Je ne cesserai de prier pour vous. Allons ensemble nous préparer à cette grande action.

MÉL. Si vous vouliez nous promettre un petit mot d'édification après notre confession, nous irions ce soir un instant chez vous.

CLOT. Volontiers, ma douce amie; nous nous entretiendrons demain sur la fréquente communion. Nous ne pouvons choisir un sujet plus analogue à vos dispositions actuelles.

XIX. ENTRETIEN.

Sur la fréquente Communion.

CLOTILDE, CHRISTINE, ADELAIDE, MÉLANIE, EUPHRASIE, CANDIDE.

CANDIDE. Depuis ce matin je garde le silence, j'étois en extase de ce que j'ai vu : mais enfin, M.lles, permettez-moi de vous exprimer ma joie. Ah! quel beau jour ! jamais je n'ai été si contente !

CLOT. Parle, Candide, parle, c'est pour toi, comme pour nous, un jour de triomphe. CAND. J'entrai ce matin dans l'église, je vis ma chère enfant et ses compagnes entourer le balustre ; c'étoient des anges aux pieds du sanctuaire. Hé! mon Dieu, disoisje, comme ces demoiselles sont diligentes; elles ont quelques grands desseins. Je me plaçai derrière pour voir ce qui arriveroit, et ce dont je me doutois bien.

CLOT. Cela n'étoit pas difficile à deviner.
CAND. Oh! non, ma curiosité fut bientôt

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satisfaite. Je vous vis toutes communier, et je le fis après vous avec un transport de joie inexprimable peu s'en falloit en revenant, que je ne disse à tous ceux que je rencontrois Allez à l'église voir mademoiselle Mélanie, mademoiselle Euphrasie; les voilà toutes à Dieu. Oh! elles ne le quitteront plus, ce bon Maître, pour retourner à ce monde pervers qui les a tant fait souffrir.

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MÉL. Tu as bien raison, Candide, oui, nous sommes mortes au monde.

CAND. Allez, Mesdemoiselles, je l'espère bien; car depuis ce matin je ne cesse d'importuner le bon Dieu, pour qu'il vous accorde la persévérance, et pour que je voie souvent le spectacle édifiant qui m'a enchantée aujourd'hui.

EUPHR. Ta prière nous est précieuse; tu demandois pour nous le plus grand des biens, celui après lequel mon cœur soupire; je ne désire rien avec tant d'ardeur que la fréquente communion. C'est sur ce sujet, ma petite mère, que vous nous avez promis de nous entretenir.

CLOT. Je m'en souviens, mes chères amies, et sans autre préambule, je dis que tout nous engage à communier souvent.

Jésus-Christ nous y invite, l'Eglise nous y exhorte, et notre propre intérêt l'exige.

CAND. Oh! que cela est beau! je suis bien tombée !

CLOT. Souviens-toi, Candide, que si tu veux rester à notre conférencce, il ne faut pas nous interrompre.

CAND. Non, M.lle, je ne dirai mot. MÉL. On ne peut alléguer, ce me semble, des motifs plus puissans que ceux-là; mais, ô ma petite maman! sans doute que vous allez nous les développer.

CLOT. Je ne puis rien vous refufer, ma fille; je prends le premier motif, je laisse le second à mademoiselle Christine, mademoiselle Adelaïde prendra le troisième, vous et Euphrasie nous ferez part des affections de vos cœurs et de vos réflexions. PourCandide elle écoutera en silence.

CAND. Encore trop heureuse. Aussi je tâcherai de tout retenir sans rien perdre.

CLOT. Le divin Maître nous appelle à sa table: << Venez, nous dit-il, venez à moi, ô vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Il ne dit pas seulement: Venez vous qui êtes saints, vous qui êtes parfaits; venez, vous qui êtes

riches, vous qui avez beaucoup de talens et de vertus; mais, venez, vous tous, qui que vous soyez, riches ou pauvres, savans ou ignorans, sains ou malades, forts ou foibles, jeunes ou vieux venez, principalement, vous qui êtes accablés d'infirmités ou de misères; je vous guérirai, je serai votre secours, votre lumière, votre force, votre consolation.

EUPHR. Quelles douces paroles! ô quelle honorable invitation ! Comment peut-on s'y refuser !

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CLOT. Il ajoute : « Prenez et mangez, >> ceci est mon corps. Prenez et buvez, ceci » est mon sang. » O miracle d'amour et de tendresse ! Comme s'il nous disoit Prenez, ne craignez rien, ce pain est à vous; je vous le donne, prenez-le chaque fois que vous y serez bien disposés, et chaque fois il vous nourrira, il vous fortifiera, il vous fera vivre de ma propre vie. Vous n'avez pas besoin de faire de longs voyages, d'implorer le secours de vos amis et de vos protecteurs, d'attendre long-temps pour obtenir un si grand bienfait; venez avec confiance, prenez avec une sainte liberté, et recevez sans embarras et sans contrainte, ce pain de

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