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pires qu'l'ai jité, tu as eu, reçu une des quatre pierres qu'il a jetées, lancées.

ADJECTIF QUALIFICATIF. L'adjectif qualificatif se place tantôt avant, tantôt après le nom comme en français. On 'dit cependant bianche jaleil pour gelée blanche, étrange pays, pour pays étranger, bian-fer pour fer-blanc.

L'expression étrange pays se trouve dans nos anciens. auteurs, notamment dans CHRISTINE DE PISAN (Vie de Charles V), et blanche gelée dans le vers suivant :

« Blanche gelée est de pluye messagère. »

(Proverbes français, XVI° siècle.)

Dans bian-boue, aubier, bianche-bête, mouton, brebis, bian-bounet, femme ou fille, bian-maingie, mets dont la base est le laitage, fable du Rouge-Couchot. lieudit la Rouge- Vache, etc., la transposition de l'adjectif, comme dans sage-femme, bon homme, a pour objet de préciser l'acception du mot.

L'adjectif grand, quand il précède le nom, s'écrit toujours au masculin; ine grand gache, une grande fille, dos grands mainches, de longues manches. Il en est de même de méchant; los méchants laingues, les méchantes langues, ine méchant foume, une méchante femme.

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Champaigne aussi de grant vaillance espris. »>

(CHRISTINE DE PISAN, Chanson, 1403.)

« Puis manda à grant haste

Monsieur de Vauldemont. >>

(Chanson de Roume, 1527.)

ADJECTIF DÉTERMINATIF. — « Le français, dit M. Cordier, ne distingue pas l'article indéfini un, une: un enfant n'a pas la raison d'un homme, du nom de nombre un, une: j'en veux un, je n'en veux pas deux. Le patois, de même que l'espagnol et l'anglais, a des expressions différentes pour rendre l'un et l'autre. Dans le premier cas, il se sert de in, ine; dans le second de iun, iune. In'afant

n'ai me la râzon d'in'houme, j'a veux iun, j'n'a veux m'daw. »

Cette remarque faite à propos du patois de Brillon, ne s'applique pas au patois meusien en général. Aux Vouthons et ailleurs, on dit fort bien: I m'fallò daw ch'faux, j'n'o n'a ach'té qu'un, il me fallait deux chevaux, je n'en ai acheté qu'un; j'aveuil in chin bian qu'ja podeu, j'avais un chien blanc que j'ai perdu. L'emploi d'in, ine, iun, ieune, dans l'un et l'autre sens est affaire d'euphonie et d'usage.

Comme l'article, l'adjectif possessif se place volontiers avant les noms propres de personnes, soit pour les déterminer ou non Voute Louis, votre fils Louis, voute Marie, votre sœur Marie. Te v'là donc nouť'Henri ? Te voilà donc, notre Henri? dira-t-on familièrement. Cette manière de parler est quelquefois dédaigneuse : Ne m'palé m' de voute Nannette! Ne me parlez pas de cette Nanette (Anne, Annette) que vous louez, que vous faites votre par l'intérêt et l'affection que vous semblez lui porter.

Dans quelques localités, aux Islettes, par exemple, on emploie mon, ma, avant le nom de la personne qu'on interpelle: Te v'là, mon Charles, ma Jeanne! Te voilà, Charles, te voilà, Jeanne. Cet usage, qui existe ailleurs que dans la Meuse, a quelque analogie avec l'emploi de notre dans un sens affectueux.

Cet, cette, ces, se remplacent quelquefois par l'article : l'houme-ci, cet homme-ci; la boûne-là, cette borne-là; los boues-ci, ces bois-ci; los routes-là, ces routes-là.

PRONOMS PERSONNELS.

Le pronom personnel j', je, remplace toujours nous, sujet : j'avons, nous avons; je l'ferons, nous le ferons; maingerons-je ? mangerons-nous ?

Les pronoms il, ils, font î: i va, il va; î vont, ils vont; y viront-î? iront-ils (là)? Dans quelques localités, ont dit cependant il ost, il est; il ai, il î, il a.

Les pronoms elle, elles, sujets, s'élident presque totalement et se réduisent à l': l'ost malate, elle est malade; l'sont moûtes, elles sont mortes; l'serint v'nues, elles seraient venues. Il en est de même de il devant une voyelle l'ost cheuil, il est tombé; l'ai meuri, il est mort.

PRONOMS DEMONSTRATIFS. Cette remplace quelquefois celle dans celle-ci, celle-là, celles-ci, celles-là, qui deviennent alors cette-ci, cette-là, cettes-ci, celles-là.

Le, la, les, se placent souvent avant les pronoms démonstratifs celui, celle, ceux, celles: Los ceils que... ceux que..., l'ceil que..., celui que..., j'penra los ceils qu'on m'baillerai, je prendrai (les) ceux qu'on me donnera.

PRONOMS RELATIFS. Le pronom dont est inusité en patois; on l'y remplace par que: L'houme que ve m'palé, l'homme dont vous me parlez; los jos que j'sons sûrs, les personnes dont nous sommes sûrs.

VERBE. Le patois a les cinq sortes de verbes, ainsi que des verbes défectifs et des verbes irréguliers. C'est dans cette classe de mots que les divergences sont les plus nombreuses au point de vue des terminaisons. Aussi ne nous égarerons-nous pas dans ce dédale, ce qui dépasserait d'ailleurs notre but. Espérons que M. Lucien Adam pourra faire, pour la phonétique de notre patois, ce qu'il a fait pour ceux de la Meurthe et des Vosges (a), et bornons-nous à quelques remarques principales.

Les verbes pronominaux cu réfléchis se conjuguent presque partout avec l'auxiliaire avoir: j'm'a campé, je me suis coupé; i s'ai trompé, il s'est trompé; j'nous ons baitteus, nous nous sommes battus: l' s'ont robrassé, elles se sont embrassées. Il n'en est pas de même à Peuvillers je m'éteuïe pirdeu, je m'étais perdu, égaré; ni à Villers-sur-Meuse: j' m'souïe parmouna, je me suis pro

mené.

(a) Les Patois lorrains, Nancy, 1881.

Dans la conjugaison des verbes pronominaux s'en aller, s'en retourner, et les analogues, la particule en (o) se place entre l'auxiliaire et le participe dans les temps composés: j'nous on o n'allés, nous nous en sommes allés; 's'arin o n'alleil, elles s'en seraient allées.

Le passé défini, l'imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif sont peu employés. Le passé antérieur et la seconde forme du passé du conditionnel manquent absolument. Tous ces temps, quand ils font défaut, sont suppléés par d'autres temps suivpnt les localités.

Comme le français, le patois a des temps surcomposés, dont ne parlent pas les grammaires: Quand j'a eveu fini j'a parti, quand j'ai eu `fini, je suis parti; si j'aveuil éveu leil je le sareuil bin, si j'avais eu lu je le saurais. bien,

Terminons par deux remarques importantes :

1° Beaucoup de localités ont deux imparfaits ds l'indicatif, l'un distant, celui du français: j'ateuil malate quand v'venerres, j'étais malade quand vous vintes; i cawpins daw boue l'aute joue, ils coupaient du bois l'autre jour

l'autre prochain, eelui du patois; j'ateuil zo, j'atoïe to malate ta l'hawre, j'étais malade tout à l'heure; l'atint zo, l'ateuil to toula ce maitin, à ce maitin, elles étaient là ce matin. Cette utile distinction n'est pas spéciale à la Meuse M. Clesse, notre excellent confrère de Conflans, M. Haillant, d'Epinal, M. L. Adam l'ont également signalée dans leurs ouvrages.

In Eige qu'on dit qu'on lou heuche
Un ange qu'on dit que l'on nomme

Gabriel, a venu pas neïe,,
Gabriel, est venu pendant la nuit,
Qn'avo zar lou son d'eune cleuche
Qui avait le son d'une cloche

Et que sano zal bin di feïe.

Et qui semblait bien du feu.

(Vieux noël.)

J'y avons couru comme à feïe,
Nous y avons couru comme au feu,

Mas quand j'évons éteu touléi
Mais quand nous avons été là
I ne sano m'zat qui saye neüe
Il ne semblait pas qu'il fût nuit
Tant li faicho de grand clalė.
Tant il faisait de grande clarté.

(Vieux noël.)

Zat, zar, placés après les imparfaits, marquent ici des imparfaits prochains.

2o A Chassey et dans quelques communes voisines, le verbe ayant pour sujet vous, singulier, an présent de l'indicatif, se distingue du verbe ayant pour sujet vous, pluriel. Parlant à une seule personne on dit: V'maingé, v'vené, v'viré, v'voïé, vous mangez, vous venez, vous irez, vous voyez ; parlant à plusieurs on dirait: V'mainjo, v'venò, v'virò, v'voio. A l'impératif on dit de même suivant le cas: Vné donc ou v'nò donc. Cette distinction est très remarquable; elle existe également dans le patois de Bouconville.

La conjugaison des verbes patois est si variée, quant aux finales surtout, qu'il nous serait impossible d'en donner une idée exacte, tout en multipliant les exemples (a). Nous nous bornerons à donner quelques conjugaisons des auxiliaires et de plusieurs verbes des Vouthons, ce qui suffira amplement.

INDICATIF

il avant.

AVOIR (Chauvency-le-Château).

Présent. Di'â, t'é, il é, di'avans, v'avė, Imparfait. Di'avo, t'avo, il avo, di'avins,

(a) Pour donner une idée de cette diversité, nous noterons ici diverses formes de la première personne de l'imparfait de l'indicatif de l'auxiliaire étre : j' tos, j'ateuil, j'atoie,

-

--

di ato,

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j'iato, j'éteu,

j'estos, j'atou, j'ateu, — j'étue, — j'éteue,

j'étoie, j'éteuil, — j'étu, — j'itu, — j'iteu, j'itoie, j'iteuil, j'atu, etc.

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